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8 art

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LA RENCONTRE<br />

JEAN-PIERRE VINCENT<br />

epuis plus d’un an,<br />

Jean-Pierre Vincent<br />

dirige une troupe<br />

de cinquante comédiens amateurs<br />

en vue de monter Les Suppliantes<br />

d’Eschyle au Gymnase. À soixantedix<br />

ans, le metteur en scène multiplie<br />

les projets et milite pour un théâtre<br />

humaniste, opérant un retour aux<br />

fondamentaux et élargissant « le cercles<br />

des spécialistes ».<br />

Iphis et Iante en janvier, Les Suppliantes en juin,<br />

Marseille-Provence 2013 vous gâte !<br />

J’étais même censé créer un troisième spectacle.<br />

À Toulon, je devais monter un petit opéra de Karl<br />

Maria von Weber, Abu Hassan. Un très beau conte<br />

des Mille et une nuits écrit en hommage à Moz<strong>art</strong>.<br />

Mais Toulon s’est retiré de la course. Ma présence<br />

dans Marseille-Provence 2013 est le fruit de l’amitié<br />

qui me lie à Dominique Bluzet, le directeur des<br />

Trois théâtres. Nous nous sommes battus pendant<br />

deux ans pour monter Iphis et Iante : un pari difficile<br />

compte tenu du titre imprononçable de la<br />

pièce et de son auteur inconnu. Dans l’intervalle,<br />

Dominique Bluzet a eu d’autres idées et notamment<br />

celle d’une collaboration avec des amateurs. J’étais<br />

évidemment d’accord, tout en sachant que ce n’est<br />

pas un petit engagement. Il a fallu trouver et réunir<br />

les comédiens, puis les faire travailler, à raison d’un<br />

rendez-vous hebdomadaire pendant un an et demi.<br />

Heureusement, j’ai deux coadjutrices formidables :<br />

Marie Provence et Caroline Ruiz.<br />

Pourquoi avoir choisi Les Suppliantes ?<br />

J’ai souvent travaillé cette tragédie dans le passé,<br />

notamment à l’occasion de stages organisés pour<br />

les enseignants, et je voulais la monter à Marseille.<br />

J’ai toujours pensé que cette ville était le point de<br />

rencontre, d’aboutissement, de tous les peuples<br />

méditerranéens, plus encore que Barcelone, Gênes<br />

ou Athènes. La variété de sa population est exceptionnelle.<br />

Et il me semblait intéressant de monter<br />

ici l’histoire de ces cinquante femmes, les Danaïdes,<br />

qui arrivent d’Égypte pour demander asile et protection<br />

à Argos. Elles sont les descendantes d’Io,<br />

originaire de cette cité grecque. Transformée en<br />

vache par Zeus et, poursuivie par un taon, Io est<br />

allée jusque sur les bords du Nil pour accoucher. Les<br />

Danaïdes veulent échapper à un mariage forcé avec<br />

leurs cousins. Le roi d’Argos ne peut refuser de les<br />

accueillir, mais il sait que cette décision entraînera<br />

une guerre. Il consulte son peuple qui opte pour<br />

l’asile… et la guerre.<br />

« CEUX QUI NE SE SOUVIENNENT<br />

PAS DU PASSÉ SONT APPELÉS<br />

À LE REVIVRE. »<br />

Comment adapter une tragédie vieille de vingtcinq<br />

siècles au public contemporain et à cinquante<br />

comédiens amateurs ?<br />

Chez Eschyle, il y a vingt-quatre femmes et un mystère.<br />

Car, à la fin de la pièce, le chœur est divisé en<br />

deux : les suppliantes et leurs esclaves. On ne sait<br />

pas si à l’époque, il y avait sur scène vingt-quatre ou<br />

quarante-huit comédiens. Au Gymnase, elles seront<br />

trente et c’est déjà bien. Par ailleurs, dans l’Antiquité,<br />

il n’y avait, outre le chœur, que deux acteurs :<br />

le protagoniste et le deutéragoniste, qui jouait tous<br />

les autres rôles. Comme nous avons gardé une cinquantaine<br />

de comédiens sur les cent soixante-dix<br />

candidats qui nous ont écrit, nous avons choisi de<br />

dédoubler certains rôles. Quant au texte, que j’ai<br />

traduit avec l’aide de Bernard Ch<strong>art</strong>reux, il est très<br />

respectueux de la lettre. J’ai très peu coupé, beaucoup<br />

moins que pour Iphis et Iante. Il s’agit de comprendre<br />

et faire comprendre la logique de l’œuvre.<br />

Revenir à la tragédie grecque, c’est renouer avec les<br />

fondamentaux pour savoir où nous en sommes. Les<br />

Grecs anciens eux-mêmes utilisaient le passé pour<br />

soigner leur présent. Aujourd’hui, le lien avec l’histoire<br />

s’est affaibli, alors que nous sommes des êtres<br />

8 e <strong>art</strong> magazine • mai-juin 2013 15

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