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Générik Vapeur<br />
construit au J4<br />
Jusqu’au 15 mai, Marseille gagne un arrondissement. La compagnie de théâtre de rue<br />
Générik Vapeur est l’architecte de ce 17e arrondissement – qu<strong>art</strong>ier utopique :<br />
une micro-cité faite de containers installée au J4, à deux pas du MuCEM.<br />
Texte : Olivier Levallois<br />
Comme le David au Prado ou la Vieille Charité au<br />
Panier, ce nouvel arrondissement marseillais a<br />
son monument : l’Omni Idéal X. Constitué de<br />
huit containers, le totem de fer surplombe l’esplanade du<br />
haut de ses 19 mètres. Symbole démesuré d’une nouvelle religion<br />
vouée au commerce ? Gardien bienveillant d’un monde<br />
d’échanges ? Phare ou vigie portant avec espoir ou crainte son<br />
regard sur l’horizon ? Sans doute un peu tout cela à la fois.<br />
À l’image de son emblème,<br />
l’éphémère qu<strong>art</strong>ier est<br />
constitué de containers servant<br />
d’habitats, de lieux publics,<br />
d’ateliers, de sculpture,<br />
de salle de spectacle… On y<br />
entre par une grande arche<br />
surmontée d’une « Horloge<br />
parlante du monde » menant<br />
à l’Agora, la place centrale. À<br />
chaque « heure capitale » indiquée<br />
par l’horloge, ont lieu des rendez-vous, des événements<br />
et autres phénomènes impromptus et singuliers, comme Les<br />
Tables-longues pour mettre sur le tapis nos questions, ou La<br />
Traque des étoiles filantes.<br />
Dans une ville portuaire comme Marseille, où le premier<br />
employeur privé est le transporteur maritime CMA-CGM,<br />
les containers font p<strong>art</strong>ie du paysage. On a l’habitude de voir<br />
empilés ces blocs multicolores, semblables à des Legos pour<br />
« Pour tous nos spectacles, on<br />
prend un objet du quotidien pour<br />
le légender, le métamorphoser<br />
et en tirer un sens, une<br />
signification. »<br />
géants, sur les cargos ou en transit le long du port. Mais<br />
jusque-là, rien ne les prédestinait à la fonction d’éléments de<br />
construction d’une cité utopique. Reste que l’univers industriel<br />
a toujours eu sa place dans l’histoire et les œuvres de la<br />
compagnie Générik Vapeur, créée par Caty Avram et Pierre<br />
Berthelot en 1983. Arrivés à Marseille en 1986 pour trois mois,<br />
ils y sont restés et y vivent désormais depuis vingt-sept ans. La<br />
troupe, alors constituée d’une vingtaine de personnes, y trouve<br />
un environnement propice à<br />
ses désirs et ses projets : une<br />
ville portuaire avec son esthétique<br />
industrielle, des qu<strong>art</strong>iers<br />
populaires criblés de<br />
friches, un réseau <strong>art</strong>istique<br />
underground actif. Un terrain<br />
de jeu à investir, raconte Caty<br />
Avram. « Le théâtre de rue<br />
vise naturellement l’émancipation<br />
du public. Créer de la<br />
rencontre par un spectacle dans l’espace public est une façon de<br />
rendre aux gens leur territoire, de ne pas laisser se refermer la<br />
rue. » C’est pourquoi Générik Vapeur s’attache volontiers à des<br />
lieux atypiques de la ville. Dès l’origine, leur identité est affirmée.<br />
Leur mode d’expression privilégié est la déambulation,<br />
et ils ont pour médiums : les sons et objets du quotidien, la<br />
musique jouée en direct, l’esthétique industrielle, les engins du<br />
quotidien ou professionnels, la récupération de matériaux et la<br />
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8 e <strong>art</strong> magazine • mai-juin 2013