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Le ballet mécanique<br />
de Motionhouse<br />
Les plages du Prado n’avaient jamais vu ça : six danseurs et trois tractopelles réunis<br />
le temps d’une chorégraphie de vingt minutes. Traction est l’œuvre d’une compagnie<br />
anglaise, Motionhouse, qui fait danser les machines.<br />
Texte : Marco Jeanson • Photo : Stephen Tanner & Morgan Lowndes<br />
Qu’est-ce qui est jaune, pèse huit tonnes et<br />
danse ? Un JCB digger de Motionhouse.<br />
Traduction : un JCB digger, du nom de<br />
son inventeur Joseph Cyril Bamford, plus connu en France<br />
sous les sobriquets féminins de tractopelle ou rétrocaveuse. Et<br />
Motionhouse est le nom de la compagnie de danse anglaise<br />
qui fait son débarquement<br />
ce mois-ci sur les plages du<br />
Prado avec un spectacle tiré<br />
de son répertoire « Machine<br />
Dance » et intitulé Traction.<br />
Six danseurs et trois tractopelles<br />
dans une célébration –<br />
à haute tension– des rapports<br />
entre l’homme et la machine.<br />
Qui est le maître, qui est l’esclave<br />
? Créé par le directeur<br />
<strong>art</strong>istique de la compagnie, Kevin Finnan, Traction est un<br />
objet théâtral non identifié, défiant la gravité et les forces de<br />
la nature, délivrant une animalité mécanique et une émotion<br />
inédite. « Chaque fois que nous pensons à la façon dont notre<br />
corps va évoluer dans l’avenir, dit Kevin Finnan, nous pensons<br />
aux puces électroniques implantées dans le cerveau. Mais pour<br />
moi, la chose étonnante à propos du corps humain est sa capacité<br />
à s’inventer des excroissances, à s’incarner dans des objets<br />
animés et inanimés. Les grands joueurs de tennis se prolongent<br />
dans leur raquette, le pilote de Formule 1 ne fait plus qu’un avec<br />
sa voiture. C’est la même chose pour les conducteurs d’engins. Je<br />
voulais explorer ces rapports entre l’homme et la machine, tout<br />
en questionnant les limites du corps et de la danse. »<br />
Si les six danseuses et danseurs du show font (très bien) leur<br />
boulot de danseurs, la performance semble presque plus extraordinaire<br />
de la p<strong>art</strong> des opérateurs de tractopelle, dont la vraie<br />
« La chose étonnante à propos<br />
du corps humain est sa capacité<br />
à s’inventer des excroissances, à<br />
s’incarner dans des objets animés<br />
et inanimés. »<br />
vie se passe le reste du temps sur des chantiers. « Une machine<br />
garée dans un entrepôt n’a aucun intérêt, dit Kevin Finnan.<br />
Mais lorsqu’elle se met en mouvement comme une extension du<br />
corps de son conducteur, elle devient un esprit vivant capable<br />
d’émotions. » Il émane ainsi une tendresse inattendue de la<br />
p<strong>art</strong> de ces monstres mécaniques, doués d’une déroutante<br />
capacité expressive. « Nos machines<br />
dansantes présentent<br />
un point de vue inédit sur ce<br />
qu’est l’être humain et posent<br />
des questions, poursuit Kevin<br />
Finnan. Sommes-nous nés<br />
avec une forme biologique déterminée<br />
? Jusqu’à quel point<br />
sommes-nous capables de<br />
ramifier notre propre corps ? »<br />
Entre esthétique de chantier<br />
et univers « Transfomers », Traction a tout du spectacle urbain<br />
tendance. Cette fois-ci, il sera pourtant adapté au décor<br />
balnéaire qu’offrent les plages du Prado, avec quatre jours de<br />
répétition pour vingt minutes de spectacle. Comme le dit un<br />
spectateur anglais ravi : « Traction est peut-être la fusion la<br />
plus parfaite entre l’homme et la machine depuis les premières<br />
greffes de chair sur un exosquelette métallique ! »<br />
TRACTION<br />
Les 10 et 11 mai, 15h et 21h30, Plage du Prado nord,<br />
Marseille, 8e. Entrée libre.<br />
WWW.<br />
motionhouse.co.uk<br />
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8 e <strong>art</strong> magazine • mai-juin 2013