Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
LA RENCONTRE<br />
JEAN-PIERRE VINCENT<br />
© Vincent Lucas<br />
TROIS QUESTIONS À<br />
Marion Sallée<br />
Cette jeune néphrologue, actuellement engagée dans un<br />
programme de recherche, a su trouver le temps de p<strong>art</strong>iciper<br />
à l’aventure des Suppliantes.<br />
historiques. Comme le rappelle l’avertissement en<br />
exergue du film Lacombe Lucien, « ceux qui ne se<br />
souviennent pas du passé sont appelés à le revivre. »<br />
Cela dit, nous avons ajouté un prologue contemporain,<br />
inspiré d’Œdipe à Colonne. Il agit comme un<br />
sas qui permet d’entrer dans le spectacle et fait que<br />
la pièce semble sans âge.<br />
Quel est l’intérêt, pour un metteur en scène de<br />
votre envergure, de travailler avec des amateurs ?<br />
Parce qu’à quinze ans, en entrant dans le théâtre du<br />
lycée, j’ai compris que j’y passerais ma vie, je ne refuse<br />
jamais de rencontre ou d’intervention dans des<br />
établissements scolaires ou des écoles de formation<br />
d’acteurs. C’est le monde ! Le théâtre me semble indispensable<br />
à l’humanité, donc il faut trouver toutes<br />
les formes pour permettre au théâtre – et à l’humanité<br />
– de survivre. C’est une question à l’ordre<br />
du jour, dans un monde découragé, où l’homme<br />
semble de plus en plus réduit à l’état d’animal ou de<br />
robot. Je suis cependant conscient de n’être qu’une<br />
petite goutte d’eau dans le tonneau des Danaïdes, je<br />
me considère comme le Stéphane Hessel du théâtre.<br />
Et puis, je pense comme Brecht qu’il faut « élargir le<br />
cercle des spécialistes ». Ce projet est une entreprise<br />
de dignification du théâtre amateur.<br />
LES SUPPLIANTES<br />
Du 10 au 13 juin, 20h30, le 12, 19h.<br />
Théâtre du Gymnase,<br />
4, rue du Théâtre-Français, Marseille 1er.<br />
08 20 13 20 13. 5 €.<br />
WWW.<br />
lestheatres.net.fr<br />
Comment avez-vous découvert le projet de Jean-Pierre<br />
Vincent et quelle a été votre motivation pour vous engager ?<br />
J’ai découvert le projet dans la Lettre du Gymnase. Je faisais du<br />
théâtre depuis quelques mois avec un réel plaisir et l’idée de pouvoir<br />
m’inscrire dans un groupe et de vivre une nouvelle expérience m’a<br />
séduite. Ce n’est ni le metteur en scène ni la pièce choisie qui ont<br />
guidé ma décision, mais le fait de faire p<strong>art</strong>ie d’un projet théâtral<br />
d’envergure dans un projet pour Marseille 2013.<br />
Après une année passée à travailler sur la pièce, quel bilan<br />
dressez-vous de cette aventure ?<br />
Il y a certes eu quelques déceptions, mais le bilan est franchement<br />
positif. Quand nous avons travaillé pour la première fois avec Jean-<br />
Pierre Vincent, c’était un moment de grâce. Pendant quatre jours,<br />
nous avons fait du théâtre non-stop, et quelque chose est né entre<br />
lui et nous, mais aussi avec Marie Provence et Caroline Ruiz qui<br />
nous encadrent depuis le début. Ensuite, il y a eu la distribution des<br />
rôles et les déceptions de certains, une coupure de trois mois et<br />
une baisse de motivation pour d’autres. Le retour à la réalité et aux<br />
aléas de la vie a modifié le groupe : une bonne dizaine de personnes<br />
a abandonné. Il a fallu un certain temps pour qu’une nouvelle<br />
dynamique se crée. Elle est moins magique, mais probablement<br />
plus réelle. C’est un travail de longue haleine, astreignant, et le<br />
texte est ardu. Au fil du temps, on arrive à se l’approprier et à<br />
l’aimer. Chaque jeudi, j’ai l’impression d’avoir avancé, même si je<br />
ne me rends pas compte de ce que ça donnera… Si c’était à refaire,<br />
je resignerais. On apprend sur soi, on rencontre des gens, on prend<br />
des risques. Et puis, il est très facile de travailler avec Jean-Pierre<br />
Vincent. Il prend son temps, il est prêt à remettre en question ses<br />
idées pour nous écouter.<br />
Cette expérience a-t-elle modifié votre approche du théâtre<br />
et vous donne-t-elle envie de vous y consacrer davantage ?<br />
Cette expérience a modifié ma façon de faire du théâtre, mais<br />
aussi ma façon d’y aller et a développé mon sens critique. De là<br />
à me consacrer pleinement au théâtre… Il est vrai que quand on<br />
s’engage dans ce genre de projet, on a cette espèce de rêve « d’être<br />
découverte », de devenir la « nouvelle star »… Mais j’adore mon<br />
travail dans la vie réelle et je vois bien que je ne « mange pas<br />
théâtre », que je ne « suis pas théâtre » au point de tout remettre en<br />
question et de me lancer.<br />
16<br />
8 e <strong>art</strong> magazine • mai-juin 2013