20 8 e <strong>art</strong> magazine • mai-juin 2013
L’ENDROIT LE MASTOC LES PAS PERDUS INVESTISSENT ARLES Le seul Qu<strong>art</strong>ier créatif arlésien a été confié par l’association MP 2013 aux Pas Perdus. À Griffeuille, le collectif marseillais a construit un « bâtiment décoiffé » et semé cent rochers qu’il transforme avec des « occasionnels de l’<strong>art</strong> » du qu<strong>art</strong>ier. Texte : Emmanuelle Gall • Image : Les Pas-perdus À « LA POLITIQUE CADRE LES INDIVIDUS, NOUS LEUR OFFRONS UN ESPACE POUR DÉBORDER… » p<strong>art</strong>ir du 31 mai, les Arlésiens vont pouvoir ajouter un mas à la longue liste de leur patrimoine : il s’agit du MasToc, situé à Griffeuille, un qu<strong>art</strong>ier pas vraiment réputé pour la qualité de son architecture. « Les larges avenues bordées de larges trottoirs donnent le sentiment d’un lieu presque vide, désert. On a l’impression que les gens ont été happés par une force centripète vers l’intérieur de leurs habitations », diagnostique Guy-André Lagesse, le fondateur des Pas Perdus. Avec ses deux collègues, Nicolas B<strong>art</strong>hélémy et Jérôme Rigaut, il vit à mi-temps dans un app<strong>art</strong>ement vacant du qu<strong>art</strong>ier depuis plus d’un an. Dès l’été dernier, ils ont signalé leur arrivée en plantant une foule de panneaux le long du boulevard des Lices et de l’avenue Victor Hugo. Sur chacun était photographié un(e) Arlésien(ne) portant un rocher, à sa façon. Ces Atlas achevaient leur course sur l’esplanade Jules Vallès, inconnue des touristes et peu fréquentée par la population locale. Baptisée De César à Griffeuille, on a trouvé un raccourci, l’exposition à ciel ouvert entendait « replacer Griffeuille au centre du monde » et rappeler que, bien avant d’être occupé par des logements sociaux, le site abritait des carrières. Depuis le mois de septembre − et le retour symbolique des rochers −, l’esplanade Jules Vallès est devenue le théâtre d’une installation baroque. Les <strong>art</strong>istes ont déposé, en son centre, un bâtiment fait de containers recouverts de portes, fenêtres et autres éléments de mobilier, lui donnant l’apparence d’un « app<strong>art</strong>ement retourné comme une chaussette ». Comme si « tous les imaginaires contenus dans les app<strong>art</strong>ements, les souvenirs, les fantaisies, les coquetteries étaient offerts, exposés aux yeux de tous, au soleil et au mistral », explique Guy-André Lagesse. Bientôt, le MasToc émettra aussi des sons : des témoignages, des bruits de la ville, enregistrés par les Pas Perdus et leur équipe d’« occasionnels de l’<strong>art</strong> ». C’est le nom donné à tous ceux qui, depuis une quinzaine d’années, p<strong>art</strong>agent les aventures créatives du collectif, à Marseille, en Afrique ou, plus récemment, à la Cité des Électriciens de Bruay-La-Buissière (Nord). À Griffeuille, ils sont une petite centaine. Des enfants, des mères de famille, des anciens…, qui ont eu envie de répondre à l’invitation des Pas Perdus. Toutes les collaborations étant les bienvenues, certains ont choisi leur rocher, parmi les cent qui entourent le MasToc, tel un labyrinthe ou les moutons d’un drôle de troupeau. Jérôme Rigaut, qui accompagne les habitants depuis le choix du rocher jusqu’à sa transformation, les connaît tous. « On choisit un rocher, comme un ermite : à sa convenance, selon sa personnalité… Denise s’est assise sur ce rocher, et a constaté, en l’essayant, qu’il lui manquait juste des accoudoirs ». L’<strong>art</strong>iste a donc fiché dans la pierre deux beaux accoudoirs de bois. En suivant le guide, on découvre successivement le « rocher à emporter » avec ses bretelles de sac à dos, le « rocher pour danser », entouré de percussions, le « rocher à rien faire », le « rocher barbecue », le « rocher tank » destiné par son locataire à bombarder l’école. Chacun a son histoire et ses raisons. « On ne vient pas enseigner, on vient p<strong>art</strong>ager et recevoir, précise Guy-André Lagesse. La politique cadre les individus, nous leur offrons un espace pour déborder, exprimer leurs désirs et leurs angoisses ». Et la réponse des Pas Perdus aux oiseaux de mauvais augure qui leur prédisaient un échec est sans appel : l’été sera beau à Griffeuille, son mas et sa bergerie. LE MASTOC Du 1er juin au 29 septembre, esplanade Jules Vallès, qu<strong>art</strong>ier Griffeuille, Arles. Entrée libre. Programme complet : www.facebook.com/pages/Les-Pas-Perdus WWW. lespasperdus.com 8 e <strong>art</strong> magazine • mai-juin 2013 21