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Lettres de Clément Myionnet

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LETTRE 085 à Antoinette, Gustave et Lucile<br />

Paris le 26 avril 1878<br />

Chère Antoinette, cher Gustave, chère Lucile,<br />

Comme je n'ai rien <strong>de</strong> particulier à dire à chacun <strong>de</strong> vous, que je vous aime tous<br />

les trois comme vous vous aimez entre vous, je ne vous écris qu'une seule lettre. Il y a<br />

longtemps que je ne vous ai donné <strong>de</strong> mes nouvelles mais je crois que notre cher Paul<br />

se charge <strong>de</strong> cela, ce qui me rend un peu paresseux pour vous écrire. Je pensais qu'il<br />

vous en aurait porté aux vacances <strong>de</strong> Pâques, mais il a préféré en finir avec ses<br />

examens et il s'est privé d'aller se reposer quelques jours près <strong>de</strong> vous.<br />

Ma santé est bonne, mes yeux vont bien, mais ma tête est toujours fatiguée,<br />

incapable <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong> toute préoccupation sérieuse. Mais, plutôt que <strong>de</strong> commencer<br />

par moi, je <strong>de</strong>vrais commencer par me préoccuper <strong>de</strong> vos santés à tous. Paul m'a dit<br />

que toi, Antoinette, tu allais un peu mieux, que notre petit Henri allait à merveille, que<br />

Lucile était allée à Laval faire une visite à notre bonne Mathil<strong>de</strong>, ce qui m'a fait bien<br />

plaisir (1). Paul m'a dit encore que Gustave allait très bien, que le travail augmentait<br />

toujours mais que les appointements n'augmentaient [pas] dans la même proportion; ce<br />

que je lui souhaite, c’est que le Bon Dieu lui augmente ses appointements <strong>de</strong> bon<br />

époux et <strong>de</strong> bon père <strong>de</strong> famille. Dieu est plus juste que les hommes. Il récompense<br />

chacun selon ses oeuvres.<br />

Vous voulez peut-être savoir si j’irai vous voir cette année, je ne le pense pas;<br />

c'est vous qui viendrez voir notre belle Exposition, nous pourrions peut-être nous croiser<br />

en route, il est plus pru<strong>de</strong>nt que je vous atten<strong>de</strong>.<br />

Je ne vous en parle pas <strong>de</strong> cette fameuse Exposition, je ne passe jamais <strong>de</strong>vant<br />

sans me dire à moi-même : quelle folie ! Je n'ose pas dire ce que j’en pense pour ne<br />

pas contrarier Gustave qui pense peut-être autrement que moi.<br />

À mon avis, surtout les trois <strong>de</strong>rnières Expositions, et particulièrement les <strong>de</strong>ux<br />

<strong>de</strong>rnières, sont <strong>de</strong>s monuments élevés par l'orgueil humain contre la puissance <strong>de</strong><br />

Dieu. Et, à la même époque à peu près, Dieu nous a donné <strong>de</strong>s avertissements dont<br />

nous aurions dû tenir compte. Celle <strong>de</strong> 1857 a été suivie <strong>de</strong> la guerre d'Italie, celle <strong>de</strong><br />

1867 a été suivie <strong>de</strong> la guerre contre les Prussiens. De quoi sera suivie celle <strong>de</strong> 1878 ?<br />

Celle-ci dépasse en gran<strong>de</strong>ur et en dépenses les <strong>de</strong>ux premières réunies ensemble;<br />

n'avons nous pas à craindre que la punition ne dépasse aussi les <strong>de</strong>ux premières ?<br />

Pour moi, je crains beaucoup que l'Exposition <strong>de</strong> 1878 ne soit à la France et à Paris ce<br />

qu'a été le festin <strong>de</strong> Balthazar à la ville <strong>de</strong> Babylone.<br />

Vous allez peut-être dire que j'ai <strong>de</strong>s idées bien sombres. Je vous les donne<br />

comme je les ai. Hâtez-vous <strong>de</strong> venir avant qu'on y ait mis le feu afin que j'aie le plaisir<br />

<strong>de</strong> vous voir.<br />

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