Lettres de Clément Myionnet

Dans le premier paragraphe, tu me dis que je suis heureux d'avoir près de moi
notre cher abbé Paul. C'est vrai, je le voyais souvent en passant d'un exercice dans un
autre, mais en retraite on garde le silence toute la journée excepté le soir pendant une
heure. Il avait tant de monde à qui parler que son cher oncle n'en a pas eu la moitié de
ce qu'il aurait désiré.
Cependant, la retraite terminée, nous sommes allés tous les deux à N. Dame des
Victoires. Suivant ton désir, nous y avons prié pour la mère, pour les enfants, et
particulièrement pour le père. Voilà bien des croix, ma chère Antoinette, oui, bien des
croix ! Ce n'est pas précisément de ne pas en avoir qu'il faut demander à la ste Vierge.
Elle te répondrait : l'Ange m'a appelée pleine de grâces et néanmoins mon Fils ne me
les a pas épargnées. N'ai-je pas porté sa croix avec Lui lorsque je Le suivais sur le
chemin du Calvaire ? La croix, c'est le chemin du ciel, la croix, c'est la clef qui ouvre la
porte du paradis. Ce qu'il faut lui demander, c'est de proportionner les croix à notre
faiblesse ou de donner beaucoup de forces pour en porter de très lourdes.
Tu me parles des contrariétés de ton mari. Je les comprends; une conscience
délicate ne peut vivre et travailler avec des gens qui n’en ont pas. Mais comment
changer, où trouver une position semblable ? J'en parlais à Paul; si vous vouliez quitter
Angers, je pourrais peut-être trouver à Lille ou en Belgique, où nous connaissons de
très riches industriels, et très chrétiens, une place aussi bien rétribuée que celle que
vous avez.
Chère Antoinette, tu me recommandes de prier pour toi et toute ta petite famille.
Il me semble t'avoir déjà dit (1) que, depuis bien des années, Mathilde, tous ses enfants
et moi, étions en communion de prières. Nous nous sommes engagés mutuellement à
dire tous les jours, un Sub tuum et trois invocations à N. Dame de la Salette. Si tu
voulais, nous ferions la même chose. Tes enfants sont aujourd'hui assez grands (2)
pour réciter cette prière. Tu prieras Paul de se joindre à nous, Lucile également. Nous y
gagnerons tous. Tu en ferais part à Mathilde et à Marguerite. Quel bonheur de vivre
ainsi en famille !
Adieu, chère Antoinette, mes amitiés bien sincères à Gustave. Embrasse-le pour
moi, et tes chers enfants. Mes amitiés à notre chère Lucile.
Dans le Coeur de Jésus et de Marie,
Ton oncle qui t'aime
Clt Myionnet
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(1) - Cette insistance laisse supposer Antoinette bien réticente; cette démarche-ci
semble avoir réussi car les lettres suivantes ne reviennent sur ce sujet que pour se
féliciter de cette union de prières.
(2) - Henri a alors 7 ans ½ et Jeanne 6 ans.
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