Lettres de Clément Myionnet

La lettre promise à Antoinette allait enfin commencer quand arrive une nouvelle parlant
d'épreuves dans la famille : inquiétudes sur la situation de Gustave, ruine de son frère
qui doit s'expatrier à Constantine, accueil de sa femme et de sa fille malade ….
LETTRE 199 à Antoinette de CAPOL
Paris le 24 octobre 1885
Chère Antoinette,
Tu fais bien de gronder ton parrain de ne t'avoir pas encore répondu. C'est un
vieux paresseux. Hier soir, j'avais mis ta première lettre sur mon bureau afin de
commencer aujourd'hui ma journée par y répondre et je l'avais entre les mains lorsque
j'ai reçu la seconde.
Tu me presses de prier et de faire prier pour l'heureux succès de vos affaires. Tu
sais que nous sommes en union de prières avec notre chère Mathilde et Marguerite. De
plus, tous les soirs, je prie dans notre chapelle de N. Dame de la Salette pour toutes les
intentions de ceux qui se recommandent à mes prières. Suivant ton désir, je vais le
recommander aux prières de la communauté, de nos petits orphelins et à N. Dame des
Victoires. Tu sais, chère Antoinette, que ce qui doit nous préoccuper le plus dans nos
prières, c'est la gloire de Dieu et le salut de notre âme, c'est à cette condition qu'elles
sont agréables à Dieu.
En lisant tes deux lettres et en voyant de quelles peines, préoccupations,
craintes, inquiétudes de toutes sortes, votre vie est parsemée dans la famille de ton
beau-frère et la tienne, je bénissais le Bon Dieu de m'avoir inspiré de prendre le parti
qu'Il m'a fait prendre et à Paul également. Nous n'avons plus de fortune, par
conséquent rien à perdre; nous sommes logés, habillés et nourris comme des
propriétaires, nous travaillons toute la journée comme des ouvriers. Quand nous
perdons par la mort quelques-uns de nos Frères, nous bénissons le Seigneur qui, en
diminuant notre famille sur la terre, augmente celle du ciel; quand la mort nous enlève
nos petits orphelins, ce sont de petits anges qui s'envolent vers le ciel, qui nous
protégeront pendant les quelques jours que nous avons encore à passer sur la terre et
qui viendront au devant de nous et nous introduiront dans le Ciel. Qu'il est consolant,
chère Antoinette, d'avoir tout quitté pour consacrer sa vie au service des pauvres !
Je termine ma lettre en cueillant une fleur dans le jardin spirituel de st Vincent de
Paul : « Celui qui aime les pauvres sera aimé de Dieu parce que Dieu appelle les
pauvres ses amis et qu'Il aime les amis de ses amis ».
Adieu, chère et bonne Antoinette. Un baiser sur le front de Henri et de Jeanne.
Mes amitiés bien sincères à ton mari. Mon respect le plus affectueux à M. Auguste de
Capol, mes sentiments les plus respectueux à ces dames. Dis-leur combien je prends
part à leur malheur et que j’aurai une intention particulière pour elles dans mes prières.
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Clt Myionnet