Lettres de Clément Myionnet

PP. HELLO Henri, IMHOFF, SCHUH et ROUILLAUD. Sa longue réponse commencée
le 12 sur un ton très pessimiste, s'achève mieux 8 jours après.
LETTRE 173 au F. MAIGNEN
Valloires le 12 juin 1884
Mon bien cher Frère,
Combien je vous remercie de votre bonne lettre, comme elle est venue bien à
point pour tirer de la tristesse mon pauvre coeur affligé, peiné, mais non découragé
parce que, comme vous, dans mes moments de tristesse je jette mes regards vers
Rome, et si la dissolution qui nous menace en ce moment venait à se réaliser, ces cinq
bons petits prêtres bénis par le Saint Père seraient comme des points de ralliement
autour desquels ce qu'il y a de bons et de vrais Religieux viendraient se grouper dans
un temps donné. Vous allez dire que je vois l'avenir bien en noir, n'en soyez pas
étonné. J'ai apporté ici toutes mes tristesses de Paris auxquelles se sont ajoutées
celles de Valloires.
Une si belle propriété où nous n’avons fait jusqu'à ce moment (que) des
maladresses ! Il faut que ces bons Frères de Valloires soient cent mille fois meilleurs
que nous pour ne pas nous avoir fait plus de reproches qu'ils n’en ont fait. Aujourd'hui,
ils sont dans le plus complet abandon, ils n’ont de la Communauté que M. Bazile dont je
ne dis rien, et M. Hautin qui, lui, est un vrai Frère de St-Vincent-de-Paul, mais tout à fait
incapable de diriger les enfants, tant pour le travail que pour la discipline. Et onze
enfants de 12 à 15 ans qui ne payent pas de pension et travaillent peu. Il faut les nourrir
et prendre des ouvriers pour faire l'ouvrage.
Je suis ici pour mettre la paix mais je suis persuadé que, quand je n'y serai plus,
tout recommencera comme par le passé. M. Bazile et M. Desjardin ne s'accorderont
jamais, on les a mis tous les deux dans des conditions impossibles avec un Supérieur
toujours absent qui les abandonne à leur malheureux sort. J'écrivais au Père Supérieur
dernièrement que j'aimerais mieux, si nous devions garder cette propriété en de
pareilles conditions, que j'aimerais mieux, dis-je, la rendre à l'évêché en avouant tout
humblement que nous sommes incapables de la gouverner.
J'ai été visiter, dans les environs, de grandes et belles fermes. Il y a des fermiers
qui font fortune, il y en a d'autres qui se ruinent dans la même ferme et aux mêmes
conditions, suivant leur intelligence et leur savoir-faire. Pour vous, me disait M.
Desjardin, je ne vous conseille pas de prendre des colonies agricoles avant que vous
n'ayez des hommes capables de les conduire, ou bien vous y mangerez de l'argent.
Plus je vis ici, plus j'y pense et plus je me confirme que les travaux de la campagne ne
sont pas notre affaire pour le moment. Attendons que la Providence nous indique cette
route avant de nous y engager.
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