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Civilité, incivilités - Revue des sciences sociales

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type de positionnement est qualifié de «<br />

pragmatique » par l’auteur, et représenté<br />

par l’exemple d’une déléguée centrale<br />

CFDT qui choisit de signer un accord sur<br />

l’individualisation salariale afin de<br />

contourner un syndicat FO majoritaire<br />

dans l’entreprise, et devenir l’interlocuteur<br />

principal de l’employeur, tout en<br />

avouant à l’auteur : « L’accord essaye<br />

d’éviter l’arbitraire patronal, mais en fait,<br />

on se plante car le mérite (...) attribué (...),<br />

cela dépend de la hiérarchie qui vous<br />

note ».Un troisième cas de figure concerne<br />

les syndicalistes qui s’opposent avant<br />

tout au discours dominant de leur fédération<br />

ou confédération. Ainsi cette déléguée<br />

CFDT qui se positionne à la fois face<br />

à l’attitude de la direction « qui tente<br />

d’imposer l’individualisation sans aucune<br />

transparence » et face à la Fédération <strong>des</strong><br />

services CFDT ainsi qu’à la ligne confédérale<br />

représentée par Nicole Notat.<br />

Enfin, une quatrième attitude est celle <strong>des</strong><br />

syndicalistes qui, n’ayant pas de contact<br />

avec leur fédération (« ils regardent simplement<br />

les grosses entreprises ») et ne<br />

connaissant pas les positions de leur organisation<br />

sur cette question, construisent<br />

leur propre mode opératoire en fonction<br />

de données locales. L’exemple donné est<br />

celui d’un délégué FO qui développe son<br />

attitude non pas sur une base idéologique,<br />

mais sur fond de problèmes personnels<br />

avec la hiérarchie.<br />

Tirant le bilan <strong>des</strong> négociations sur<br />

l’individualisation <strong>des</strong> rémunérations,<br />

l’auteur souligne d’une part un premier<br />

décalage entre le discours <strong>des</strong> fédérations<br />

ou confédérations et les pratiques<br />

existant au niveau <strong>des</strong> entreprises : « La<br />

plupart <strong>des</strong> accords n’intègrent pas les<br />

revendications <strong>des</strong> fédérations » et les critères<br />

retenus au niveau fédéral, comme<br />

garanties d’une objectivation de la distribution<br />

<strong>des</strong> augmentations individuelles.<br />

Au niveau <strong>des</strong> militants d’entreprise apparaît<br />

un second décalage, celui entre une<br />

perception négative de l’individualisation<br />

(qui pour 68 pour cent <strong>des</strong> interrogés<br />

est « un moyen de diviser les salariés »)<br />

et une large majorité de 81 pour cent qui<br />

« pensent que l’individualisation <strong>des</strong><br />

salaires existe dans leur entreprise ».<br />

Comme seulement 22 pour cent déclarent<br />

que cette individualisation fait l’objet<br />

d’un accord collectif, il apparaît que souvent,<br />

« cette pratique implique un courtcircuitage<br />

complet <strong>des</strong> organisations syn-<br />

168 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales, 2002, n° 29, civilité, <strong>incivilités</strong><br />

dicales et donc une relation directe entre<br />

l’employeur et le salarié ».<br />

Enfin, dans un dernier volet théorique<br />

de son ouvrage, l’auteur conseille<br />

aux organisations syndicales de se saisir<br />

d’une récente jurisprudence de la Cour de<br />

cassation. Dans un arrêt du 29 octobre<br />

1996, la chambre sociale de cette dernière<br />

avait en effet estimé que l’employeur<br />

était tenu de respecter le principe « à travail<br />

égal, salaire égal » dès lors que « les<br />

salariés en cause sont placés en situation<br />

identique ». Cette exigence de « situation<br />

identique » devrait selon l’auteur obliger<br />

les employeurs à justifier, en les objectivant,<br />

les systèmes de distribution <strong>des</strong><br />

augmentations salariales individuelles.<br />

L’ouvrage présente donc un intérêt<br />

certain au vu de la quantité importante de<br />

données empiriques examinées aux fins<br />

de l’enquête (une presse syndicale<br />

dépouillée sur <strong>des</strong> décennies, les questionnaires<br />

distribués aux militants).<br />

Cependant, il aurait mieux valu intégrer la<br />

majeure partie <strong>des</strong> considérations théoriques<br />

contenues dans la (courte) dernière<br />

partie, dans les considérations développées<br />

dans les parties précédentes.<br />

Enfin, la présentation <strong>des</strong> doctrines syndicales<br />

faite par l’auteur n’est pas toujours<br />

exempte de la tendance à porter la marque<br />

de ses choix idéologiques et partisans.<br />

Note<br />

1. Dans les rangs du parti social-démocrate et<br />

<strong>des</strong> syndicats en Allemagne fédérale, un<br />

débat équivalent avait été déclenché en 1988<br />

par M. Oskar Lafontaine. L’idée de base a<br />

été désignée par le slogan du Teilen in der<br />

Klasse (« le partage à l’intérieur de la classe<br />

» ouvrière, c’est-à-dire au profit <strong>des</strong> salariés<br />

privés d’emploi et au détriment <strong>des</strong> -<br />

moyens et hauts - salaires).<br />

Bernard schmid<br />

Université de Paris 10 Nanterre<br />

JEAN-YVES MARIOTTE<br />

Les sources manuscrites<br />

de l’histoire de Strasbourg,<br />

vol. I : <strong>des</strong> origines à 1790<br />

Strasbourg, Ville de Strasbourg,<br />

Archives Municipales, 2000, 367 p.<br />

Voici enfin l’ouvrage que nous attendions<br />

tous, historiens amateurs ou professionnels,<br />

érudits locaux ou chercheurs<br />

de métier. Car si l’étude <strong>des</strong> archives<br />

relève beaucoup d’heureux hasards, de<br />

traques patientes dans une montagne de<br />

dossiers, un guide tel que celui-ci va nous<br />

permettre de progresser plus vite, avec<br />

plus de sûreté.<br />

Les archives sont en général <strong>des</strong><br />

sources institutionnelles, rarement<br />

conçues pour satisfaire sans interprétation<br />

la curiosité <strong>des</strong> historiens. Néanmoins, et<br />

quoiqu’il en dise, Jean-Yves Mariotte a<br />

essayé de dépasser une présentation de ce<br />

type, par fonds classés selon leur origine<br />

ou leur nature. Au fil <strong>des</strong> vingt cinq chapitres<br />

qui divisent ses cinq gran<strong>des</strong> parties<br />

(mémoire-image-récit; les archives du<br />

Magistrat; les grands fonds strasbourgeois;<br />

art, musique, livre et courants de<br />

pensées; entre l’Empire et le Royaume)<br />

nous pouvons repérer les thèmes qui intéressent<br />

les historiens d’aujourd’hui : urbanisme,<br />

gouvernement de la ville, politique<br />

extérieure, finances, population et vie<br />

économique, hôpitaux, santé publique et<br />

assistance, vie et institutions religieuses,<br />

enseignement, métiers d’art, spectacles,<br />

imprimerie et librairie, fortifications et<br />

garnison.<br />

Un premier long chapitre retrace brièvement<br />

l’histoire de Strasbourg, de ses institutions,<br />

de ses bâtiments municipaux<br />

(cartographiés) et fait l’inventaire <strong>des</strong> lieux<br />

de sa mémoire à Strasbourg même<br />

(archives municipales et départementales)<br />

et ailleurs en France, à Paris et à l’étranger.<br />

Vient ensuite la présentation successive <strong>des</strong><br />

fonds selon une norme sinon uniforme<br />

(cela n’a pas toujours été possible) du<br />

moins comparable, qui comporte un historique,<br />

une bibliographie, une énumération<br />

<strong>des</strong> instruments de recherche (inventaires,<br />

répertoires, gui<strong>des</strong>, fichiers) et une <strong>des</strong>cription<br />

proprement dite du fonds avec son<br />

intitulé, ses dates limites et la cotation<br />

actuelle <strong>des</strong> documents.<br />

Si cette dernière partie, purement technique,<br />

est réservée aux spécialistes qui<br />

vont désormais pouvoir naviguer dans<br />

les archives strasbourgeoises autrement<br />

qu’en aveugles, le reste de l’ouvrage se lit<br />

comme un livre d’histoire, minutieusement<br />

documenté et judicieusement illustré<br />

<strong>des</strong> documents les plus significatifs de<br />

l’histoire de notre ville. Notre curiosité<br />

s’en trouve d’autant sollicitée pour aborder<br />

de nouveaux thèmes, de nouvelles<br />

recherches.<br />

Nous ne pouvons que remercier Jean-<br />

Yves Mariotte pour cette publication qui<br />

couronne ainsi brillamment sa longue<br />

carrière à la direction <strong>des</strong> Archives Municipales<br />

de Strasbourg.<br />

Marie-Noële Denis<br />

CNRS, Strasbourg<br />

FREDDY RAPHAËL<br />

« Das Flüstern eines leisen<br />

Wehens... ».<br />

Beiträge zu Kultur und Lebenswelt<br />

europäischer Juden<br />

Konstanz, UVK Verlag, 2001.<br />

Le titre de ces mélanges offerts à Utz<br />

Jeggle, en français « La douce voix d’une<br />

brise légère … », est une citation tirée du<br />

premier Livre <strong>des</strong> Rois. Sur le Mont<br />

Horeb, Elie rencontre Dieu de manière<br />

non singulière. Le passage fait allusion à<br />

l’attitude réservée, presque craintive du<br />

lauréat et en même temps à la prudence<br />

plus qu’intellectuelle avec laquelle Utz<br />

Jeggle aborde le thème le plus pesant et le<br />

plus pénible pour les Allemands et qu’il<br />

utilise depuis qu’il a réalisé dans les<br />

années soixante, grâce à son œuvre pionnière<br />

Judendörfer in Württemberg (« Villages<br />

juifs dans le Württemberg »), un<br />

exemple d’étude régionale, redonnant un<br />

nom et un visage aux expatriés et à ceux<br />

qui ont été exterminés. Plus de trente ans<br />

après, à l’occasion du soixantième anniversaire<br />

de Utz Jeggle, ses collaborateurs<br />

issus du Ludwig-Uhland-Institut für<br />

Empirische Kulturwissenschaft de Tübingen<br />

présentent en coopération avec bien<br />

d’autres chercheurs, dont la plupart travaille<br />

dans le Württemberg, <strong>des</strong> exemples<br />

attestant de ce que la recherche est actuellement<br />

en mesure de faire sur le judaïsme<br />

en Europe.<br />

Le livre comprend une rétrospective<br />

d’Isaac Chiva rappelant la collaboration<br />

existant depuis les années soixante entre<br />

spécialistes de « l’étude <strong>des</strong> peuples »,<br />

sociologues, ethnologues et anthropologues<br />

allemands et français. Cette contribution<br />

publiée dans l’ouvrage rédigé<br />

par Isac Chiva et Utz Jeggle, Deutsche<br />

Volkskunde – Französische Ethnologie<br />

(« étu<strong>des</strong> folkoriques alleman<strong>des</strong>, ethnologie<br />

française », Campus, Éditions de<br />

la Maison <strong>des</strong> Sciences de l’Homme,<br />

1987) traite de la coopération franco-allemande<br />

qui s’est poursuivie à travers les<br />

projets de recherche réalisés sur plusieurs<br />

années entre l’Institut Ludwig Uhland et le<br />

Laboratoire de Sociologie Régionale de<br />

l’Université Marc Bloch de Strasbourg,<br />

devenu depuis UMR du CNRS « Cultures<br />

et sociétés en Europe ». Freddy Raphaël,<br />

sociologue strasbourgeois, s’est chargé de<br />

la publication de l’ouvrage rédigé en l’hon-<br />

Lu, à lire<br />

neur de Utz Jeggle.<br />

Par la même occasion, celle-ci aborde<br />

une autre dimension que le titre évoque de<br />

manière implicite. En effet, ce recueil élargit<br />

le dialogue entre <strong>des</strong>cendants allemands,<br />

morts et survivants juifs à un<br />

échange faisant intervenir Allemands, Juifs<br />

et Français. Celui-ci rompt, tel un don<br />

immérité et inopiné, cette relation à la fois<br />

fermée et tourmentée, mais aussi <strong>des</strong> plus<br />

oppressantes, l’impasse menaçante et la<br />

peur liée au dialogue de l’après-Shoah.<br />

Bien que le retour ou la résurrection de la<br />

symbiose germano-juive (symbiose qui<br />

n’a peut-être jamais existé ou a été une histoire<br />

pour le moins unilatérale) soit impossible,<br />

il existe <strong>des</strong> exceptions comme ce fut<br />

le cas de Strasbourg.<br />

Comment les survivants de la Shoah,<br />

leurs <strong>des</strong>cendants et les Allemands nés<br />

après guerre peuvent-ils encore entretenir<br />

un dialogue ? Un certain embarras se fait<br />

déjà sentir dans les hésitations <strong>des</strong> auteurs<br />

du recueil, quand ils parlent « <strong>des</strong> Juifs »<br />

et éprouvent de la gêne lorsqu’ils projettent<br />

d’imputer à la religion et/ou à la culture<br />

certains faits. Ils savent qu’ils peuvent,<br />

en faisant preuve de philosémitisme,<br />

tomber dans le piège ethniciste ou s’empêtrer<br />

dans celui du folklore qui se veut<br />

« authentique ». Jusqu’à quel point peuton<br />

être réaliste dans la <strong>des</strong>cription de la<br />

persécution et de l’extermination ? Doiton<br />

une fois de plus remettre sur le tapis<br />

l’avilissement <strong>des</strong> victimes ainsi que leurs<br />

métho<strong>des</strong> de survie parfois astucieuses ?<br />

N’est-il pas un peu arrogant que certains<br />

jeunes Allemands se fassent passer pour<br />

leurs remplaçants, voire même qu’ils se<br />

glissent dans le rôle de la victime et<br />

s’identifient à elle ? Car reprendre le rôle<br />

de la victime ou jouer les remplaçants ne<br />

met pas fin à la douleur. Et pourtant, le<br />

devoir <strong>des</strong> nouvelles générations d’Allemands,<br />

ou de non-Allemands d’ailleurs,<br />

consiste à ramener cette culture qui a été<br />

chassée, à lui accorder une place. Ce<br />

recueil a pour objet d’aider à ce que ce<br />

processus ne devienne pas un dialogue<br />

avec <strong>des</strong> absents mais un réel face-àface.<br />

De nombreuses « sensibilités » permettent<br />

à présent au dialogue impliquant<br />

Juifs, Français et Allemands d’éviter les<br />

écueils d’une culture du souvenir devenue<br />

bien trop stéréotypée. La méthode empirique<br />

d’Utz Jeggle, dernièrement avérée<br />

dans son projet de recherches « La moder-<br />

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