Rapport de recherche sur la population itinérante et - Homelessness ...
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l’« assisté » <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale ou <strong>de</strong>s services sociaux, le « patient » du centre hospitalier, le<br />
« représenté » <strong>de</strong> <strong>la</strong> curatelle. Il est intéressant d’aller voir <strong>la</strong> définition du dictionnaire pour client :<br />
on y r<strong>et</strong>rouve un lien <strong>de</strong> pouvoir, un lien d’argent, un lien <strong>de</strong> protection, un lien d’habitu<strong>de</strong>…<br />
Tous ces mots <strong>et</strong> expressions nous ont parfois choqués, tout comme ils choquent <strong>de</strong>s<br />
intervenants à qui nous avons parlé. Ces expressions ten<strong>de</strong>nt à confirmer l’exclusion, <strong>la</strong><br />
séparation, <strong>la</strong> rupture, <strong>la</strong> différence dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion; le patron <strong>et</strong> le client, l’assistant <strong>et</strong> l’assisté, le<br />
représentant <strong>et</strong> le représenté, le prodigue <strong>et</strong> le bénéficiaire… Nous nous sommes interrogés,<br />
sans réponse, <strong>sur</strong> l’utilisation d’un vocabu<strong>la</strong>ire qui contribue à l’éloignement, à <strong>la</strong> rupture, au<br />
pouvoir, à <strong>la</strong> stigmatisation. Il nous a même parfois semblé que c<strong>et</strong>te utilisation <strong>de</strong>venait abusive.<br />
Mais comme on le remarque, ce vocabu<strong>la</strong>ire est souvent lié à une pratique professionnelle<br />
quelconque; <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te question professionnelle <strong>sur</strong>git aussi l’usage <strong>et</strong> le sens d’une autre<br />
expression commune, <strong>la</strong> « problématique ». Elles ont été toutes nommées : <strong>la</strong> « problématique »<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé mentale, celle du VIH, celle <strong>de</strong> l’alcoolisme, celle du jeu compulsif, celle <strong>de</strong>s femmes<br />
victimes <strong>de</strong> violence, celle du logement social, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> prostitution, celle<br />
<strong>de</strong>s drogues par injection… Comme par hasard, chaque « problématique » possè<strong>de</strong> son réseau<br />
d’intervenants, ses pratiques, ses auteurs, ses « clients »… Malheureusement pour ce beau<br />
système <strong>de</strong> c<strong>la</strong>ssement, les personnes en difficulté, tentant d’entrer en contact avec une<br />
ressource quelconque, présentent <strong>de</strong>s « problématiques multiples », <strong>et</strong> <strong>de</strong>viennent souvent<br />
inabordables pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s ressources prises individuellement. Le réseau <strong>de</strong>s ressources ne<br />
semble pas avoir été créé à partir d’une vision globale <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne, à partir d’une vision<br />
systémique <strong>de</strong> l’intervention. Et ce<strong>la</strong> constitue encore un facteur d’exclusion supplémentaire, <strong>de</strong><br />
stigmatisation pour <strong>la</strong> personne; à moins d’être déc<strong>la</strong>rée ou <strong>de</strong> se déc<strong>la</strong>rer, victime <strong>de</strong> violence,<br />
alcoolique, toxicomane, porteuse du VIH, joueuse compulsive, ex-détenue, fugueuse mineure,<br />
dépressive, chômeuse…, <strong>la</strong> personne <strong>itinérante</strong> risque <strong>de</strong> tourner en rond longtemps. Si elle sait<br />
bien choisir sa « problématique », donc son stigmate, elle restera probablement moins longtemps<br />
à <strong>la</strong> rue. Les intervenants rencontrés nous ont parlé <strong>et</strong> reparlé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te dimension, qui semble à<br />
l’origine <strong>de</strong> ces grands trous au fond du « fil<strong>et</strong> » <strong>de</strong> sécurité sociale qu’ils essaient <strong>de</strong> tendre.<br />
De quoi souvent se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r : <strong>et</strong> les personnes qui souffrent dans tout ce beau vocabu<strong>la</strong>ire?<br />
Voilà pourquoi nous avons ajouté le mot « humanisme » un peu plus haut. C<strong>et</strong>te réflexion<br />
éthique, qui a <strong>de</strong>s répercussions <strong>sur</strong> nos pratiques, est fondamentale <strong>et</strong> nécessaire.<br />
Liberté <strong>et</strong> choix<br />
Ces <strong>de</strong>ux mots sont souvent apparus au cours <strong>de</strong> nos entrevues <strong>et</strong> <strong>de</strong> nos discussions, à<br />
plusieurs niveaux, aussi bien celui <strong>de</strong>s mythes que celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité. Certaines personnes<br />
choisissent-elles vraiment l’itinérance comme mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie? Qu’est-ce qu’un choix forcé ou<br />
contraint? Les jeunes peuvent-ils vraiment choisir un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie sociale différent <strong>de</strong>s grands<br />
modèles sociaux? Réinsérer, mais dans quoi; le « bon gars, <strong>la</strong> photo <strong>la</strong>minée, l’employé <strong>de</strong><br />
l’année »? Les personnes <strong>itinérante</strong>s <strong>et</strong> sans domicile fixe ont-elles vraiment à dire quelque chose<br />
<strong>sur</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>s ressources qu’on leur offre, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> façon dont on les traite dans ces ressources?<br />
Jusqu’à quel point? Quand rien ne va plus quelque part, n’est-ce pas normal <strong>de</strong> fuir ce milieu?<br />
Mais où? Comment vouloir reconstruire quelque chose, quand tout s’est écroulé? Et avec qui,<br />
quand tu n’es plus personne? Avec quoi, quand tu n’as plus rien? Et pourquoi finalement?.... ….<br />
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