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Rapport de recherche sur la population itinérante et - Homelessness ...

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Propos <strong>de</strong> Boris Cyrulnik, recueillis par Sophie Boukhari, journaliste au Courrier <strong>de</strong> l’UNESCO.<br />

« Dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cultures, on est coupable d’être une victime ». Face à <strong>la</strong> violence <strong>et</strong> à <strong>la</strong><br />

déliquescence <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille, <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> jeunes sont traumatisés ou, dans le meilleur<br />

<strong>de</strong>s cas, très angoissés. Mais ils ne sont pas pour autant condamnés aux pires dérives.<br />

Aidons-les à <strong>de</strong>venir résilients, p<strong>la</strong>i<strong>de</strong> Boris Cyrulnik.<br />

Vous avez évoqué les problèmes graves <strong>de</strong>s adolescents d’aujourd’hui, qui « flottent » <strong>de</strong> plus<br />

en plus. De fait, on n’a jamais aussi bien compris les enfants que maintenant <strong>et</strong> pourtant, il n’y<br />

a jamais eu autant <strong>de</strong> névroses précoces, <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>s d’adolescents, <strong>de</strong> délinquance.<br />

Tous les progrès se payent. Le prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté, c’est l’angoisse. Aujourd’hui, on ai<strong>de</strong> les<br />

enfants à développer leur personnalité, à prendre conscience d’un tas <strong>de</strong> choses. Ils sont plus<br />

intelligents, plus vifs, mais plus angoissés. On s’en occupe très bien à <strong>la</strong> maternelle, <strong>et</strong> à<br />

l’adolescence, on les abandonne. La société ne prend pas le re<strong>la</strong>is <strong>de</strong>s parents. Du coup, un<br />

adolescent <strong>sur</strong> trois s’effondre, après le bac généralement. Pour éviter ce<strong>la</strong>, il faudrait<br />

davantage <strong>de</strong> structures sociales <strong>et</strong> culturelles qui leur perm<strong>et</strong>traient <strong>de</strong> donner un sens à leur<br />

vie, en encourageant <strong>la</strong> créativité, <strong>la</strong> parole, l’être ensemble, l’é<strong>la</strong>n vers l’autre. Or, on ne le fait<br />

pas.<br />

Problème <strong>de</strong> l’adolescent: « qu’est ce que je vais faire <strong>de</strong> ce qu’on a fait <strong>de</strong> moi? ».<br />

Pour répondre à c<strong>et</strong>te question, il doit être entouré <strong>de</strong> structures affectives (<strong>de</strong>s groupes<br />

partageant <strong>la</strong> même activité, <strong>de</strong>s copains) <strong>et</strong> pouvoir travailler. Mais <strong>la</strong> technologie a provoqué<br />

une telle révolution qu’actuellement, l’école a le monopole du tri social. Si un gamin ou une<br />

gamine s’y épanouit, il réussit <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> apprend un métier. Il fera partie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

adolescents <strong>sur</strong> trois qui profitent <strong>de</strong> l’amélioration <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite enfance. Mais un<br />

enfant <strong>sur</strong> trois ne se p<strong>la</strong>ît pas à l’école, s’y sent humilié <strong>et</strong> n’a pas <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> s’épanouir<br />

ailleurs. Il se r<strong>et</strong>rouve <strong>la</strong>rgué dans les quartiers, sans travail, <strong>et</strong> souvent sans famille...<br />

Comment fait-il pour r<strong>et</strong>rouver son estime <strong>de</strong> soi? Il accomplit <strong>de</strong>s actes « ordaliques », c’est-àdire<br />

qu’il se m<strong>et</strong> à l’épreuve, r<strong>et</strong>rouve <strong>de</strong>s rituels d’intégration archaïques comme <strong>la</strong> violence, <strong>la</strong><br />

bagarre, <strong>la</strong> drogue.<br />

Vous dites « il n’y a pas <strong>de</strong> famille ». N’est-ce pas plutôt que <strong>la</strong> famille évolue?<br />

Il n’y a pas <strong>de</strong> famille ET <strong>la</strong> famille évolue, comme elle l’a toujours fait. Quand ces gosses<br />

rentrent chez eux, il n’y a personne. Le père n’est pas là, <strong>la</strong> mère non plus. Pourquoi<br />

s’isoleraient-ils dans une maison vi<strong>de</strong> alors qu’il y a <strong>de</strong>s copains dans <strong>la</strong> rue? Dans certains<br />

pays d’Amérique <strong>la</strong>tine où j’ai travaillé, ils disent qu’ils se sont disputés avec leur mère ou leur<br />

beau-père <strong>et</strong> qu’ils sont partis. Dans <strong>la</strong> rue, où <strong>la</strong> vie est physiquement très dure, il y a toujours<br />

un événement, une fête, un vol, un truc à partager; on parle <strong>et</strong> on vit. Ces enfants-là s’adaptent<br />

à l’absence <strong>de</strong> famille par <strong>la</strong> délinquance. Un p<strong>et</strong>it Colombien <strong>de</strong>s rues qui n’est pas délinquant<br />

a une espérance <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> dix jours : il est éliminé s’il ne s’intègre pas dans une ban<strong>de</strong>. La<br />

délinquance est une fonction d’adaptation à une société folle.<br />

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