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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

fête <strong>de</strong> Noël [dont il rappel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> est apparue tardivement] est une hérésie, tel<strong>le</strong> qu’on la<br />

célèbre <strong>de</strong> nos jours » lxxxi 11 . Le chrétien ne cherche qu’à mener une vie terrestre « en<br />

surabondance, en luxe et en sp<strong>le</strong>n<strong>de</strong>ur » lxxxii : c’est « une grandiose tentative <strong>de</strong> se moquer <strong>de</strong>s<br />

hommes » lxxxiii que « cette foi où <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> dépérit plus qu’il ne périt », simp<strong>le</strong><br />

« verbiage du cœur », « médiocrité confite en sucrerie » lxxxiv . Bref, on a privé <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong><br />

<strong>de</strong> sa profon<strong>de</strong>ur : « Même nos églises expriment combien tout est superficiel et tourné vers<br />

l’extérieur. Quand on entrait <strong>dans</strong> une <strong>de</strong> ces vieil<strong>le</strong>s églises avec toutes ces stal<strong>le</strong>s fermées,<br />

avec <strong>le</strong>urs archaïques tribunes, on avait spontanément une impression <strong>de</strong> tout ce qui peut se<br />

loger en secret aux profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong>s cœurs – toutes ces stal<strong>le</strong>s fermées en étaient bien comme<br />

<strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> » lxxxv .<br />

4. La condamnation <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong> théologie<br />

Kierkegaard procè<strong>de</strong> cependant à une mise au point fort importante, et qui cette fois<br />

lui est propre : « Ma thèse n’est pas que ce qu’on va prêchant <strong>dans</strong> la chrétienté ne serait pas<br />

du <strong>christianisme</strong>. Non, je soutiens que c’est la prédication qui n’en est pas » lxxxvi . Ainsi est<br />

fondée l’ironie viru<strong>le</strong>nte à l’égard <strong>de</strong>s prédicateurs et <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong> théologie. Les<br />

critiques tiennent à la fois <strong>de</strong> l’argument et du sarcasme : « Ôte <strong>le</strong> paradoxe à un penseur… et<br />

tu auras <strong>le</strong> professeur » lxxxvii . « Un vrai penseur ne peut concevoir <strong>le</strong>s professeurs qu’en figures<br />

comiques » lxxxviii . « Il viendra certainement un temps où ce concept, <strong>le</strong> professeur, n’aura plus<br />

cours que comme per<strong>son</strong>nage comique » lxxxix . « Pourquoi se prend-on malgré soi à rire si, au<br />

passage où on lit que Dieu a choisi <strong>le</strong>s uns pour prophètes, <strong>le</strong>s autres pour apôtres, d’autres<br />

pour anciens - d’où vient votre rire involontaire si on lisait encore : d’autres pour professeurs<br />

<strong>de</strong> théologie ? » xc . « Il n’aurait plus manqué au Golgotha qu’un professeur qui se fût établi<br />

illico professeur <strong>de</strong> théologie » xci .<br />

Cela dit, il sait fort bien qu’il tombera entre <strong>le</strong>s mains <strong>de</strong> ces professeurs, à commencer<br />

par votre serviteur, avec « ces menteries <strong>de</strong>s enseignants qui voudront aussi vivre alors <strong>de</strong><br />

moi » xcii .<br />

A Port-Royal même, Pascal a dû se défendre contre ceux qui lui reprochent l’emploi<br />

<strong>de</strong> l’ironie et <strong>de</strong>s rail<strong>le</strong>ries <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s Provincia<strong>le</strong>s, <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s « écrits durs ». Confronté à la même<br />

difficulté, Kierkegaard (qui connaît bien Pascal) adopte une position voisine : « C’est l’idée la<br />

plus néfaste du mon<strong>de</strong> d’avoir fait <strong>de</strong> l’éloquence <strong>le</strong> medium pour prêcher <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong>. La<br />

rail<strong>le</strong>rie, l’ironie, l’humour touchent d’autrement près l’existentiel du <strong>christianisme</strong> » xciii .<br />

« Même <strong>dans</strong> <strong>le</strong> discours édifiant il y a un comique qui en fait par essence partie intégrante, et<br />

qui est aussi vrai, aussi juste pédagogiquement que <strong>le</strong>s larmes <strong>de</strong> l’austérité » xciv . Mais il ne<br />

méconnaît pas <strong>le</strong>s dangers qu’il y a à heurter la souffrance en la raillant : « Il faut absolument<br />

que l’homme dont on se moque soit lui-même heureux <strong>dans</strong> <strong>son</strong> illusion ridicu<strong>le</strong> » xcv .<br />

11 Encore qu’il voie aussi <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Sauveur Enfant l’expression d’un « salut total par la grâce » (Xiv A 439).<br />

11

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