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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

d’« exprimer, comme sa majesté l’exige, l’infinité <strong>de</strong> Dieu ; mais exclure la subjectivité n’est<br />

tout <strong>de</strong> même pas faisab<strong>le</strong> » cxxxix : n’est-on pas alors proche <strong>de</strong> l’initium fi<strong>de</strong>i tant reproché aux<br />

semi-pélagiens ?<br />

Ainsi, certes l’ascèse médiéva<strong>le</strong> a tenté <strong>de</strong> satisfaire aux exigences <strong>de</strong> l’enseignement<br />

du Christ ; mais pesait sur el<strong>le</strong> l’hypothèque du méritoire et en général <strong>de</strong> l’oubli <strong>de</strong> la<br />

transcendance divine.<br />

l’imitation<br />

Le refus <strong>de</strong>s aspects déviants <strong>de</strong> la doctrine luthérienne ; la réhabilitation <strong>de</strong><br />

Pour être entièrement différents <strong>de</strong>s dangers <strong>de</strong> l’ascèse pélagienne médiéva<strong>le</strong> qui<br />

méconnaissait l’altérité divine en croyant pouvoir imiter <strong>le</strong> Modè<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s dangers <strong>de</strong> la doctrine<br />

<strong>de</strong> Luther ne <strong>son</strong>t pas moindres. Cette doctrine s’est en effet déviée sur <strong>de</strong>ux points : Luther,<br />

puis l’Eglise luthérienne, en particulier au Danemark, ont fondé <strong>le</strong>ur doctrine en accointance<br />

étroite avec la société civi<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s pouvoirs politiques, avec la société établie ; et, grief plus<br />

grave, la doctrine luthérienne <strong>de</strong> la grâce a quelque chose <strong>de</strong> « paralysant ». Sur ce point,<br />

Kierkegaard rééquilibre <strong>le</strong>s reproches adressés à l’ascèse médiéva<strong>le</strong> en restaurant <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs<br />

<strong>de</strong> l’effort et <strong>de</strong> l’imitation, <strong>le</strong> méritoire restant évi<strong>de</strong>mment exclu. C’est sur ce point que se<br />

situe une première originalité <strong>de</strong> Kierkegaard, <strong>dans</strong> la réhabilitation <strong>de</strong> l’effort et <strong>de</strong><br />

l’imitation.<br />

La doctrine luthérienne <strong>de</strong> la grâce « tout par la foi » a « quelque chose <strong>de</strong><br />

paralysant » : c’est <strong>le</strong> risque <strong>de</strong> considérer que puisque la grâce du Christ prend tout en<br />

charge, l’action humaine est inuti<strong>le</strong>. « La simp<strong>le</strong> nature humaine trouve autrement <strong>de</strong><br />

satisfaction à faire effort, à se renier el<strong>le</strong>-même, etc. – quand on attribue à cela une va<strong>le</strong>ur » cxl ,<br />

et « à la place <strong>de</strong> la foi on substitue une assurance <strong>de</strong> foi » cxli . Ainsi du jeûne qui, pour Luther,<br />

« doit se pratiquer pourvu seu<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong> salut n’en dépen<strong>de</strong> pas » : « donc, pense-t-on, on<br />

peut complètement laisser tomber un effort <strong>de</strong> ce genre » cxlii , ce que n’a jamais voulu Luther.<br />

L’intériorisation qui <strong>de</strong>vrait donner la force nécessaire pour agir, la grâce, a été détournée <strong>de</strong><br />

<strong>son</strong> sens premier : si tout se fait par la foi, l’action [l’imitation du Modè<strong>le</strong>] aux yeux <strong>de</strong> la<br />

plupart <strong>de</strong>s hommes apparaît comme inuti<strong>le</strong> cxliii . L’interprétation déviante <strong>de</strong> la doctrine<br />

luthérienne finit par n’être qu’un moyen <strong>de</strong> « se débarrasser <strong>de</strong> l’effort du <strong>christianisme</strong> » cxliv :<br />

« La doctrine <strong>de</strong> la grâce est alors comme un narcotique : Les hommes se disent : “Il est vain<br />

<strong>de</strong> s’efforcer et c’est toujours la grâce qui agit” » cxlv . Le protestantisme, « où d’un trait on biffe<br />

tout ce qui se veut obligation <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> en <strong>le</strong> prenant au contraire comme don<br />

pur » cxlvi , a, « par égoïsme », substitué la Ré<strong>de</strong>mption qui sauve à l’Imitation que permet et<br />

qu’exige pourtant cette Ré<strong>de</strong>mption : « On ne prend du Christ que “<strong>le</strong> ré<strong>de</strong>mpteur” et on omet<br />

complètement <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> » cxlvii . C’est ainsi que « la mondanité en bloc se précipite » et que l’on<br />

prend « la grâce en vanité » cxlviii .<br />

En réponse, Kierkegaard conserve l’imitation : ce n’est pas « l’intention du<br />

<strong>christianisme</strong> <strong>de</strong> vouloir par la grâce écarter tout effort », mais au contraire c’est d’obtenir par<br />

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