28.06.2013 Views

le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

Pour Kierkegaard, l’exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> plus fort pour montrer qu’« on n’a plus la moindre<br />

idée du <strong>christianisme</strong> », c’est qu’on ne comprend même plus <strong>de</strong> tels propos : « Comme <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>s fou<strong>le</strong>s faisaient route avec lui, il se retourna et <strong>le</strong>ur dit : “Si quelqu’un vient à moi<br />

sans haïr <strong>son</strong> père, sa mère, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne<br />

peut être mon discip<strong>le</strong>. Quiconque ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut<br />

être mon discip<strong>le</strong>” » (Lc 14, 26). Désormais « “l’humain et <strong>le</strong> chrétien <strong>son</strong>t une seu<strong>le</strong> et même<br />

chose”, c’est maintenant <strong>le</strong> mot d’ordre. C’est la formu<strong>le</strong> exacte pour dire que <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong><br />

est aboli » civ . « Comme quoi <strong>le</strong> Christ <strong>de</strong>vait souffrir et subir <strong>le</strong> martyre pour que nous<br />

jouissions <strong>de</strong> la vie en surabondance, en luxe et en sp<strong>le</strong>n<strong>de</strong>ur ! » cv .<br />

Le Christ Don Quichotte : Fina<strong>le</strong>ment, si <strong>le</strong> Christ revenait au mon<strong>de</strong>, il serait accablé<br />

sous <strong>le</strong> ridicu<strong>le</strong> cvi . « Quand la mondanité aura fini par imprégner <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> rai<strong>son</strong>, on fera<br />

alors du Christ et <strong>de</strong>s apôtres <strong>de</strong>s figures comiques », « un pendant <strong>de</strong> Don Quichotte » cvii 12 .<br />

« On a souvent dit : si <strong>le</strong> Christ revenait aujourd’hui au mon<strong>de</strong>, il serait crucifié une secon<strong>de</strong><br />

fois : ce n’est pas tout à fait vrai. Le mon<strong>de</strong> a changé, il en est maintenant au sta<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l’“intelligence”. C’est pourquoi <strong>le</strong> Christ serait moqué, traité <strong>de</strong> fou, mais comme un fou dont<br />

on rit » cviii 13 .<br />

III. LE CHRISTIANISME SELON KIERKEGAARD<br />

« L’idée que l’idéal chrétien est folie pour <strong>le</strong> mon<strong>de</strong>, c’est à prendre au sérieux » cix<br />

En réponse à cette trahi<strong>son</strong> du <strong>christianisme</strong> primitif, Kierkegaard expose <strong>de</strong>s<br />

conceptions d’une extrême logique et d’une gran<strong>de</strong> dureté – summum jus, summa injuria ? -,<br />

qui témoignent à la fois <strong>de</strong> <strong>son</strong> génie, <strong>de</strong> <strong>son</strong> angoisse, <strong>de</strong> sa mysticité aussi.<br />

L’originalité du <strong>christianisme</strong> <strong>de</strong> Kierkegaard se définit d’abord <strong>dans</strong> <strong>le</strong> refus <strong>de</strong>s<br />

réponses apportées précé<strong>de</strong>mment aux exigences du Christ. Kierkegaard ne nie pas que <strong>le</strong>s<br />

chrétiens ont toujours eu la connaissance et la conscience <strong>de</strong>s exigences « exténuantes » du<br />

<strong>christianisme</strong> primitif. Au moins <strong>de</strong>ux grands efforts ont été faits pour y satisfaire : l’ascèse<br />

médiéva<strong>le</strong>, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> monachisme médiéval, puis catholique ; la doctrine <strong>de</strong> Luther. Mais ces<br />

<strong>de</strong>ux tentatives gigantesques ont, aux yeux <strong>de</strong> Kierkegaard, pour <strong>de</strong>s rai<strong>son</strong>s différentes l’une<br />

et l’autre trahi <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> qu’el<strong>le</strong>s prétendaient faire vivre, et chrétiens catholiques<br />

comme chrétiens luthériens se <strong>son</strong>t ainsi disqualifiés. C’est contre ces déviations et trahi<strong>son</strong>s<br />

que Kierkegaard proposera sa propre analyse, peut-être une nouvel<strong>le</strong> Réforme.<br />

12 Repris en Xii A 32 sur <strong>le</strong> « chrétien essentiel » dépeint en « un pendant à Don Quichotte ».<br />

13 Repris <strong>dans</strong> une autre perspective en Xiii A 257 ; Xiv A 507, cf. Dostoïevski, la légen<strong>de</strong> du Grand Inquisiteur.<br />

13

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!