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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

(Jn 3, 7) ccclvii . L’adresse rappel<strong>le</strong> cette relation singulière à l’abba, au père spirituel qui fait<br />

naître <strong>le</strong> discip<strong>le</strong> : « Père, dis-moi une paro<strong>le</strong> ! ».<br />

L’Isolé s’adressera à l’Individu pris isolément : « La tâche recommence pour chaque<br />

individu » ccclviii , pour quiconque accepte <strong>de</strong> se sentir hétérogène au mon<strong>de</strong>. C’est <strong>dans</strong> la<br />

solitu<strong>de</strong> que peut naître ou renaître <strong>le</strong> chrétien : « C’est toujours comme individu seu<strong>le</strong>ment<br />

qu’on peut avoir <strong>le</strong> rapport à Dieu <strong>le</strong> plus vrai [et non <strong>dans</strong> <strong>le</strong> groupe social] ; car l’idée <strong>de</strong><br />

notre propre indignité, c’est toujours quand on est seul qu’on l’a <strong>le</strong> mieux » ccclix . Il s’agit<br />

d’obtenir que revive chez ce chrétien un <strong>christianisme</strong> qui ne soit plus doctrine intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong><br />

et spéculative, mais dynamique, vie et mission. Il faut que l’individu re<strong>de</strong>vienne « <strong>le</strong><br />

missionnaire <strong>dans</strong> la chrétienté même, afin <strong>de</strong> ramener <strong>le</strong> chrétien à l’intériorité » ccclx . « … J’ai<br />

voulu rejeter <strong>le</strong> public tout en voulant pourtant, si possib<strong>le</strong>, que chacun <strong>de</strong> nous fût l’Isolé,<br />

donc cependant une unité » ccclxi . Ainsi surgit un <strong>de</strong>rnier paradoxe, mais <strong>de</strong> quel<strong>le</strong> richesse :<br />

« … Un homme, toujours un seul, est suffisant, il est <strong>le</strong> tout, et avec lui <strong>le</strong>s plus grands<br />

événements <strong>son</strong>t possib<strong>le</strong>s » ccclxii : <strong>le</strong> <strong>tragique</strong> <strong>christianisme</strong> théocentrique <strong>de</strong> Kierkegaard est<br />

aussi un humanisme.<br />

CONCLUSION : « AU FOND, JE PENSE QUE TU ES FOU » (REGINE)<br />

Peut-être comprend-on mieux à présent la phrase <strong>de</strong> Kierkegaard mise en exergue :<br />

« … Rendre clair ce qu’est <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong>, quand bien même per<strong>son</strong>ne, pas même moi, ne<br />

pourrait y entrer… », ou encore : « Tout mon effort servait à éclaircir ce qu’est <strong>le</strong><br />

<strong>christianisme</strong> » ccclxiii . A la <strong>le</strong>ttre <strong>de</strong>s propos du Christ lui-même, l’Evangi<strong>le</strong> enseigne qu’« être<br />

malheureux en ce mon<strong>de</strong> c’est la marque du rapport à Dieu ». Ceux qui prêchent l’évangi<strong>le</strong><br />

écrit pour <strong>le</strong>s souffrants doivent <strong>de</strong>venir eux-mêmes souffrants, car « la souffrance est<br />

indissociab<strong>le</strong> du <strong>christianisme</strong> ». La souffrance est <strong>le</strong> don même <strong>de</strong> la grâce <strong>de</strong> Dieu ; loin<br />

d’être un automartyre comme <strong>dans</strong> l’ascèse médiéva<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> consiste <strong>dans</strong> <strong>le</strong> fait d’être bafoué<br />

et haï par <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> ; et la relation du chrétien au mon<strong>de</strong> doit être non d’en sortir <strong>de</strong> soi-même,<br />

mais d’en être douloureusement exclu par <strong>le</strong>s hommes. Cette souffrance créatrice, il faut non<br />

la montrer mais la cacher ; la condition <strong>de</strong> chrétien souffrant ne doit être dévoilée que<br />

post mortem. L’enseignement <strong>de</strong> ce <strong>christianisme</strong> revivifié ne peut se faire que d’individu à<br />

individu : el<strong>le</strong> est <strong>le</strong> fait d’un Individu, l’Extraordinaire, l’Isolé, qui par la réduplication vit et<br />

prouve <strong>son</strong> propre enseignement, et a pour mission <strong>de</strong> faire surgir d’autres Isolés. C’est là<br />

« une échappée sur <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> » ccclxiv ; el<strong>le</strong> permet <strong>de</strong> mesurer à quel point s’est affadi<br />

jusqu’à la trahi<strong>son</strong> <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> actuel.<br />

Kierkegaard se voulut-il, espéra-t-il être un réformateur, au même titre que Luther 49 ?<br />

Il se définit comme « un réformateur en petit », dont la mission origina<strong>le</strong> est <strong>de</strong> « chuchoter à<br />

chacun isolément ce qu’on pourrait exiger <strong>de</strong> lui » ccclxv , <strong>de</strong> prêcher à chaque individu <strong>le</strong> « tu<br />

49 Il ne par<strong>le</strong> pas <strong>de</strong> Calvin <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s extraits publiés, sauf allusion en Xiv A 398.<br />

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