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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

illusion, toute cette histoire <strong>de</strong> Gabriel envoyé <strong>de</strong> Dieu et <strong>son</strong> annonciation qu’el<strong>le</strong> était<br />

l’Elue » ccxi . Dans <strong>de</strong> tels passages se laisse peut-être <strong>de</strong>viner la mystique <strong>de</strong> Kierkegaard 36 .<br />

La souffrance et plus encore cet abandon <strong>son</strong>t <strong>le</strong> signe même <strong>de</strong> la relation à Dieu.<br />

L’abandon par Dieu du chrétien au moment où il est au plus profond <strong>de</strong> la souffrance est un<br />

signe, <strong>le</strong> signe du rapport qu’a à Dieu « l’homme relatif ». Pour être <strong>de</strong>s plus cruels, cet<br />

abandon <strong>de</strong> Dieu n’est en effet qu’apparent : c’est lui qui donne <strong>son</strong> sens à la souffrance, c’est<br />

la marque même <strong>de</strong> la relation à Dieu, et (ce que ne dit pas Kierkegaard) c’est peut-être là<br />

l’explication du Mal. Il y a en effet <strong>de</strong>ux maximes du <strong>christianisme</strong> : « Parce que tu es<br />

souffrant, Dieu t’aime (Mt 11, 28) : votre souffrance n’exprime pas votre abandon par Dieu,<br />

bien au contraire » ; et « parce que Dieu t’aime, tu dois souffrir » ccxii . Kierkegaard peut prêter<br />

ces propos à Dieu : « Je suis Dieu. Ralliez-vous à moi, croyez en moi […] : vous obtiendrez<br />

alors d’être persécutés, maudits, abhorrés, chassés <strong>de</strong>s synagogues, mis à mort : voilà <strong>le</strong><br />

divin » : « C’est là l’absolu, l’esprit, la preuve que <strong>le</strong> Christ est l’Homme-Dieu, parce que<br />

<strong>dans</strong> sa volonté <strong>de</strong> nous gagner absolument tous, il nous repousse tous par l’épouvante » ccxiii .<br />

En effet, « c’est un abus éhonté » que <strong>de</strong> distinguer entre « la Loi, qui épouvante », et<br />

l’Evangi<strong>le</strong> « qui rassure » : « Non ! L’Evangi<strong>le</strong> en soi est et doit être au premier abord ce qui<br />

épouvante » ccxiv . Loin d’être, par un effet pervers et masochiste, félicité ou jouissance, la<br />

souffrance est ainsi conscience d’être en relation avec Dieu, conscience d’être par el<strong>le</strong> ou avec<br />

el<strong>le</strong> un instrument <strong>de</strong> Dieu. Kierkegaard <strong>le</strong> dit sous une autre forme : <strong>le</strong> renoncement, « c’est<br />

proprement un rapport d’amour avec Dieu », « une entente amoureuse avec Dieu » ccxv .<br />

La souffrance ne doit pas être comprise comme une punition ou une sanction, quelque<br />

chose à fuir. « Etre malheureux en ce mon<strong>de</strong>, c’est la marque du rapport à Dieu ». Le chrétien<br />

n’est là que pour souffrir : « Ce n’est qu’en souffrant qu’un être <strong>de</strong> chair peut s’apparenter à<br />

Dieu ». « Etre en parenté avec Dieu, c’est souffrir » ccxvi . « Le <strong>de</strong>stin chrétien c’est : fais <strong>le</strong> bien<br />

et tu en seras puni » ccxvii . « L’inéluctab<strong>le</strong>, ce sans quoi on ne peut parvenir à aimer Dieu », c’est<br />

« la transformation <strong>de</strong> l’homme naturel en esprit » par la mortification, ce qui est<br />

« monstrueusement douloureux » ccxviii .<br />

En conséquence, Kierkegaard reproche à Luther ce qu’il appel<strong>le</strong> <strong>son</strong> optimisme,<br />

lorsque <strong>le</strong> réformateur explique la souffrance, <strong>le</strong>s tracas et <strong>le</strong>s persécutions « comme venant<br />

du Diab<strong>le</strong> : sans lui, être chrétien serait une vie <strong>de</strong> cocagne » : « Chrétiennement, cette<br />

36 Il y a <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Journal <strong>de</strong> J. Guitton comme <strong>de</strong>s échos <strong>de</strong> Kierkegaard (rarement nommé). Ainsi à propos <strong>de</strong> la<br />

Vierge : <strong>le</strong> P. Philippe lui par<strong>le</strong> « <strong>de</strong> la conscience qu’a pu prendre la Vierge <strong>de</strong> la Résurrection.A <strong>son</strong> point <strong>de</strong><br />

vue, c’est une prise <strong>de</strong> conscience qui s’est faite non <strong>dans</strong> une apparition du Christ à Marie, mais <strong>dans</strong> la foi. Le<br />

premier battement du Christ ressuscité […] a dû être ressenti par la Vierge <strong>dans</strong> la foi. Non pas du tout <strong>dans</strong> la<br />

palpation interne qu’el<strong>le</strong> avait connue au moment <strong>de</strong> l’Incarnation [… mais] <strong>dans</strong> l’obscurité <strong>de</strong> la nuée, <strong>dans</strong><br />

l’obscurité diaphane <strong>de</strong> la foi […], <strong>dans</strong> une lumière qui ne se donne pas tant comme lumière que comme amour.<br />

Et cet acte <strong>de</strong> foi, étant divin, n’a pas besoin <strong>de</strong> signe […]. Et si je voulais “bultmanniser” [dit <strong>le</strong> P. Philippe], je<br />

dirais que la Résurrection comme tel<strong>le</strong>, pour être perçue par la foi, n’a pas besoin <strong>de</strong> signe historique » (p. 562).<br />

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