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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce qu’enseignent <strong>le</strong>s spirituels et la Tradition chrétienne, el<strong>le</strong>s lui permettent<br />

d’affirmer que <strong>le</strong>s propos très durs du Christ, qui ne s’adressent pas seu<strong>le</strong>ment aux c<strong>le</strong>rcs mais<br />

en fait à chaque chrétien, atteignent un tel <strong>de</strong>gré d’incompréhension qu’on ne peut plus par<strong>le</strong>r<br />

<strong>de</strong> <strong>christianisme</strong> <strong>dans</strong> la chrétienté. Son propos est alors <strong>de</strong> rappe<strong>le</strong>r ce qu’est, selon lui, <strong>le</strong><br />

vrai <strong>christianisme</strong> :<br />

• L’Evangi<strong>le</strong> ne vient pas promettre santé, argent, réhabilitation, mais enseigner<br />

qu’« être malheureux en ce mon<strong>de</strong> c’est la marque du rapport à Dieu », et que ceux<br />

qui prêchent l’évangi<strong>le</strong> écrit pour <strong>le</strong>s souffrants doivent <strong>de</strong>venir eux-mêmes<br />

souffrants : « La souffrance est indissociab<strong>le</strong> du <strong>christianisme</strong> ».<br />

• Cette souffrance ne doit pas être choisie, être un auto-martyre comme <strong>dans</strong> l’ascèse<br />

monastique médiéva<strong>le</strong> ; el<strong>le</strong> consiste <strong>dans</strong> <strong>le</strong> fait d’être bafoué et haï par <strong>le</strong> mon<strong>de</strong>,<br />

d’être rejeté par lui comme l’a été <strong>le</strong> Christ ; la relation du chrétien au mon<strong>de</strong> doit être<br />

non d’en sortir, mais d’en être exclu par <strong>le</strong>s hommes.<br />

• Il faut non pas montrer (comme <strong>dans</strong> <strong>le</strong> monachisme) qu’on se mortifie et qu’on<br />

souffre, mais il faut <strong>le</strong> cacher ; et cette condition <strong>de</strong> chrétien souffrant ne peut être<br />

dévoilée que post mortem.<br />

• L’enseignement <strong>de</strong> ce <strong>christianisme</strong> revivifié doit être faite par un individu,<br />

l’Extraordinaire, l’Isolé, qui par la réduplication vit <strong>son</strong> propre enseignement.<br />

• Ce <strong>christianisme</strong> <strong>de</strong>stiné à tous <strong>le</strong>s fidè<strong>le</strong>s ne peut s’adresser à la fou<strong>le</strong>, mais à <strong>de</strong>s<br />

individus : il faut faire surgir d’autres Isolés.<br />

Tout cela est parfaitement contraire à l’affadissement du <strong>christianisme</strong> tel que<br />

Kierkegaard <strong>le</strong> trouve et <strong>le</strong> dénonce <strong>dans</strong> l’Eglise d’Etat luthérienne danoise <strong>de</strong> <strong>son</strong> temps.<br />

I. LES TEXTES FONDATEURS DU CHRISTIANISME TEL QUE<br />

L’ENTEND S. KIERKEGAARD<br />

« L’affaire est simp<strong>le</strong> comme bonjour. Prends <strong>le</strong> Nouveau Testament et lis : peux-tu<br />

nier, oses-tu nier que ce que tu y lis <strong>de</strong> renoncer à tout, d’abandonner <strong>le</strong> mon<strong>de</strong>, d’être comme<br />

ton Maître et Seigneur bafoué, couvert <strong>de</strong> crachats : peux-tu nier que c’est très faci<strong>le</strong> à<br />

comprendre ? » ; c’est là « ce qu’on lit en tant <strong>de</strong> passages <strong>de</strong> l’Evangi<strong>le</strong> » ii . Tout au long du<br />

Journal, Kierkegaard reprend à la fois <strong>dans</strong> l’esprit <strong>de</strong> la tradition ascétique mais surtout pour<br />

<strong>le</strong>s interpréter d’une façon origina<strong>le</strong> <strong>le</strong>s textes qui enseignent strictement <strong>le</strong> refus du mon<strong>de</strong> et<br />

la recherche <strong>de</strong> la souffrance, thèmes qui <strong>son</strong>t étroitement liés.<br />

Dans Mathieu : <strong>le</strong>s textes durs auxquels se réfère Kierkegaard se trouvent pour<br />

l’essentiel <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s chapitres 4-10 2 . Les <strong>de</strong>ux enseignements du Christ <strong>son</strong>t « Repentez-vous »<br />

(Mt 4, 17) et n’appréhen<strong>de</strong>z pas la persécution. Ainsi <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s <strong>de</strong>rnières béatitu<strong>de</strong>s, souvent<br />

oubliées : « Heureux <strong>le</strong>s persécutés pour la justice […]. Heureux êtes-vous si l’on vous<br />

insulte, si l’on vous persécute et si l’on vous calomnie <strong>de</strong> toutes manières à cause <strong>de</strong> moi.<br />

2 Ce qui, lorsqu’on lit cet évangi<strong>le</strong> selon la perspective suggérée par Kierkegaard, instaure comme une<br />

organisation du texte <strong>de</strong> Mt : <strong>le</strong>s chapitres 4-10 <strong>son</strong>t chargés d’une perspective prophétique qui s’atténue par la<br />

suite. En revanche, ces textes parsèment l’évangi<strong>le</strong> <strong>de</strong> Jean.<br />

2

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