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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

scripturaires. Bossuet réduit ainsi à <strong>de</strong>s « minuties grammatica<strong>le</strong>s » <strong>le</strong>s analyses <strong>de</strong> Richard<br />

Simon, et <strong>le</strong> jésuite Jean Hardouin, qui pourtant et par ail<strong>le</strong>urs est un grand savant, refuse<br />

d’appliquer l’intelligence <strong>dans</strong> <strong>le</strong> domaine religieux : « Plutôt mourir que <strong>de</strong> vouloir<br />

l’intelligence ! ». Les uns et <strong>le</strong>s autres refusent toute confusion <strong>de</strong> la religion et du mon<strong>de</strong> ; ils<br />

affirment la spécificité du croire, et sa prééminence absolue sur la rai<strong>son</strong>.<br />

On comprend alors ce cri <strong>de</strong> Kierkegaard : « Lire avant tout <strong>le</strong> Nouveau Testament<br />

sans commentaire : quel homme aimé aurait l’idée <strong>de</strong> lire une <strong>le</strong>ttre <strong>de</strong> sa bien-aimée avec un<br />

commentaire ! » xlv .<br />

2. Le refus d’un <strong>christianisme</strong> qui col<strong>le</strong> au mon<strong>de</strong> : la dénonciation <strong>de</strong><br />

l’Eglise d’Etat<br />

Sous une autre forme, la chrétienté du temps <strong>de</strong> Kierkegaard a oublié « <strong>le</strong> combat entre<br />

<strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> et <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> » : tout au contraire <strong>de</strong> ce qu’a enseigné <strong>le</strong> Christ, la chrétienté<br />

est <strong>de</strong>venue un <strong>christianisme</strong> tranquil<strong>le</strong> <strong>de</strong> gens bien installés qui concilient parfaitement <strong>le</strong><br />

mon<strong>de</strong> et <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong> ; il existe même une Eglise d’Etat. Là encore <strong>le</strong>s textes abon<strong>de</strong>nt.<br />

« On abolit <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong>, on fait sa petite vie » xlvi . « Le <strong>christianisme</strong> s’est mis à<br />

l’aise ». Il est « toute douceur ». « La plupart <strong>de</strong>s hommes ont trop <strong>de</strong> sécurité <strong>dans</strong><br />

l’existence » xlvii . C’est ainsi qu’on remercie Dieu d’être épargné par <strong>le</strong>s tribulations ; on <strong>le</strong> prie<br />

<strong>de</strong> nous faire cou<strong>le</strong>r une vie faci<strong>le</strong> xlviii . On va même jusqu’à se réjouir <strong>de</strong> la prospérité et en<br />

faire un signe <strong>de</strong> bon <strong>christianisme</strong>. Ces éclats <strong>de</strong> colère <strong>de</strong> Kierkegaard peuvent se<br />

comprendre comme un refus <strong>de</strong>s analyses qui voient <strong>dans</strong> <strong>le</strong> protestantisme <strong>de</strong>s doctrines qui<br />

privilégient <strong>le</strong> succès sur cette terre, une justification du mercantilisme et du profit, comme si<br />

la prospérité et <strong>le</strong> succès sur terre étaient <strong>le</strong> signe d’un bon chrétien et d’un bon<br />

<strong>christianisme</strong> xlix : pour Kierkegaard <strong>le</strong> protestantisme est effectivement cette garantie <strong>de</strong><br />

succès, mais c’est précisément à ses yeux ce qui prouve qu’il n’est plus <strong>le</strong> <strong>christianisme</strong><br />

primitif.<br />

Dans cet esprit, Kierkegaard dénonce avec viru<strong>le</strong>nce la collusion <strong>de</strong> l’Eglise d’Etat, <strong>de</strong><br />

l’Eglise établie, en raillant ces « mil<strong>le</strong> pasteurs » luthériens danois en qui il ne voit que <strong>de</strong>s<br />

fonctionnaires et non <strong>de</strong>s prophètes. Ses reproches <strong>son</strong>t sans pitié. Kierkegaard rail<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

contraste entre la ru<strong>de</strong> prédication dominica<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s douces réalités <strong>de</strong> la semaine ; la<br />

prédication n’est qu’une comédie <strong>dans</strong> laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s prédicateurs s’exaltent « une heure par<br />

semaine <strong>dans</strong> <strong>le</strong> même esprit qu’au théâtre » à jouer au vrai <strong>christianisme</strong>, à « jouer au<br />

chrétien persécuté ». Les prédicateurs ne <strong>son</strong>t que « <strong>de</strong>s prêtres fanatiques qui discourent avec<br />

ferveur sans s’apercevoir que toute <strong>le</strong>ur religiosité n’est qu’une circulation sanguine à haute<br />

puissance », qui recherchent « <strong>de</strong>s ravissements esthétiques hebdomadaires » l .<br />

Kierkegaard refuse enfin une Eglise établie, dépourvue <strong>de</strong> tout esprit prophétique. Il<br />

est sévère pour <strong>le</strong>s représentants <strong>le</strong>s plus signalés <strong>de</strong> cette Eglise, <strong>le</strong>s évêques Mynster, puis<br />

Martensen, qui <strong>son</strong>t au fil du Journal <strong>le</strong>s cib<strong>le</strong>s d’attaques <strong>de</strong> plus en plus viru<strong>le</strong>ntes. La<br />

dénonciation <strong>de</strong> l’évêque Mynster est douloureuse pour Kierkegaard parce que <strong>son</strong> père<br />

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