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le christianisme tragique de s. kierkegaard dans son journal

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Académie <strong>de</strong>s Sciences et Lettres <strong>de</strong> Montpellier, 2002, Bernard Chédozeau<br />

1. Ce que n’est pas l’imitation du Christ<br />

Le refus <strong>de</strong> l’ascèse médiéva<strong>le</strong> et du monachisme catholique<br />

Kierkegaard ne nie pas l’existence et <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs <strong>de</strong> l’ascétisme médiéval, vio<strong>le</strong>nt et<br />

rigoureux, fondé sur l’imitation du Christ, et il en connaît toutes <strong>le</strong>s formes 14 . Bien <strong>de</strong>s<br />

chrétiens médiévaux ont eu <strong>le</strong> souci <strong>de</strong> suivre <strong>le</strong>s enseignements du Christ en l’imitant à la<br />

<strong>le</strong>ttre, notamment <strong>dans</strong> <strong>le</strong> cas du monachisme 15 qui recherche la souffrance <strong>dans</strong> l’ascèse 16 ; et<br />

il ne nie pas que cette imitation médiéva<strong>le</strong> a pu être enthousiasmante. Il la rejette pourtant<br />

avec vio<strong>le</strong>nce pour <strong>de</strong>ux rai<strong>son</strong>s : <strong>le</strong> risque <strong>de</strong> croire que cette ascèse permet d’acquérir <strong>de</strong>s<br />

mérites, par méconnaissance <strong>de</strong> la « différence <strong>de</strong> qualité » entre l’homme et Dieu.<br />

a. Les dangers du méritoire<br />

Un premier danger, déjà dénoncé par Luther, est constitué par la croyance que cette<br />

ascèse permet d’acquérir <strong>de</strong>s mérites, et que l’acquisition <strong>de</strong> mérites obtient la grâce - cette<br />

« illusion [qu’on avait au Moyen Age] <strong>de</strong> venir presque en ai<strong>de</strong> à Dieu en luttant pour sa<br />

cause » cx 17 . En réalité, l’idée que l’homme est « un collaborateur <strong>de</strong> Dieu est un<br />

enfantillage » cxi 18 : « Aucun effort ne peut nous acquérir une béatitu<strong>de</strong> éternel<strong>le</strong> » cxii . « Les<br />

bonnes œuvres au sens <strong>de</strong> mérite [<strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> s’acquérir <strong>de</strong>s mérites] <strong>son</strong>t naturel<strong>le</strong>ment<br />

pour Dieu une abomination » cxiii . « … L’auteur <strong>de</strong> la pire infraction est bien autrement près <strong>de</strong><br />

Dieu avec <strong>son</strong> simp<strong>le</strong> appel : “Mon Dieu, aie pitié <strong>de</strong> moi qui ne suis qu’un pécheur !” »<br />

(Lc 18, 13) cxiv .<br />

Kierkegaard revient souvent sur ces dangers du méritoire cxv , qui donne à croire qu’on<br />

peut calcu<strong>le</strong>r avec Dieu, passer avant Dieu, croire qu’il peut y avoir un « troc » avec Dieu - un<br />

troc qui était « copier » plus qu’« imiter », car « copier est justement saisir la forme<br />

extérieure » cxvi . Le renoncement en quoi consiste l’imitation médiéva<strong>le</strong> ne saurait être un troc<br />

avec Dieu, un échange : c’est « je t’ai fait <strong>le</strong> don <strong>de</strong> m’aimer [la grâce], c’est pourquoi tu dois<br />

renoncer au mon<strong>de</strong> » cxvii . Kierkegaard dénonce ironiquement ce qu’il appel<strong>le</strong> « <strong>le</strong>s<br />

extravagances <strong>de</strong> l’ascétisme exalté » cxviii , <strong>le</strong>s flagellations, jeûnes et cilices, tout un « auto-<br />

martyre » cxix qui n’a rien à voir avec une ascèse et une souffrance données par Dieu : « Dieu ne<br />

désire pas que l’homme se martyrise pour lui plaire » ; « l’imitation n’est pas une exigence <strong>de</strong><br />

la loi avec quoi un pauvre diab<strong>le</strong> d’homme doit se torturer lui-même » cxx .<br />

14 Remarquab<strong>le</strong> analyse du monachisme médiéval qui n’est pas nommé, voir « une expression réfléchie », « la<br />

réf<strong>le</strong>xion » (IX A 224).<br />

15 Kierkegaard par<strong>le</strong> du « cloître », et sauf exception assez rare il ne nomme pas <strong>le</strong>s moines.<br />

16 On pense aux « fous <strong>de</strong> Dieu » <strong>de</strong> Russie ou aux anachorètes - plus qu’aux cénobites - du mont Athos.<br />

17 Le « presque » pourrait paraître distinguer entre pélagiens et semi-pélagiens…<br />

18 Voir aussi « la familiarité envers Dieu […] au point, si ridicu<strong>le</strong> que ce soit, qu’il s’en est fallu <strong>de</strong> peu qu’en<br />

perfection il n’ait dépassé <strong>le</strong> Modè<strong>le</strong>… » (Xv A 9).<br />

14

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