Le COGEREN ne vient pas annuler ni supplanter - IUCN
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Encadré 2: Un voyage à Conkouati<br />
Sept heures trente. Pointe Noire est déjà en effervescence. Dans la rue Marien Ngouabi le concert de klaxon est<br />
commencé depuis longtemps quand la petite équipe du projet Conkouati s'affaire pour le départ. Il reste mille<br />
choses à faire et comme d'habitude nous n'arriverons <strong>pas</strong> à quitter la ville avant midi. L'eau, les vivres, le carburant,<br />
u<strong>ne</strong> pièce de la voiture à changer, u<strong>ne</strong> convocation à l'inspection du travail, un litige à régler avec le gardien<br />
de nuit, etc. C'est un peu comme si cette ville étendait ses tentacules pour nous empêcher d'aller là bas,<br />
en brousse, comme si elle voulait nous éviter l'affrontement avec l'incompréhension des habitants. Mais on se<br />
dit souvent avec François- le directeur du projet UICN-que tous les problèmes que l'on a à Conkouati sont plus<br />
sains, même s'ils sont durs, que ceux de Pointe Noire la suffocante.<br />
Douze heures trente. <strong>Le</strong> 4x4 double cabi<strong>ne</strong> prend enfin la direction du Nord, le long de l'océan. Nous partons<br />
sans manger mais nous emportons quelques fruits et du pain pour le voyage. U<strong>ne</strong> heure trente plus tard, nous<br />
n'avons fait que cinquante kilomètres sur la route nationale n°5, jadis goudronnée mais aujourd'hui défoncée<br />
par le <strong>pas</strong>sage répété des camions grumiers et par l'absence total d'entretien. Nous sommes à Madingo-Kayes,<br />
arrêtés par la barrière métallique déformée et rouillée du poste de contrôle. L'agent des Eaux et Forêts de garde<br />
vérifie nos identités et notre laisser <strong>pas</strong>ser. Il sait très bien qui nous sommes mais nous lisons dans ses yeux les<br />
questions que tout le monde ici se pose: " Mais que va-t-il bien faire à Conkouati ce blanc? Acheter u<strong>ne</strong> concession<br />
de chasse? Exploiter de l'or, du pétrole, du bois? Construire un grand Hôtel Palace? Que veut il donc nous<br />
prendre? Et combien d'emplois va-t-il créer? Et ces congolais avec lui, que vont-ils pouvoir s'acheter avec l'argent<br />
du blanc? "<br />
A ce moment là, nous apercevons le camion de Kakoko, l'un des trois taxis de brousse qui font la liaison régulière<br />
entre Conkouati et Pointe Noire. Il arrive dans l'autre sens. Il est encore loin mais nous devinons déjà qu'il<br />
est très chargé. Il traî<strong>ne</strong> derrière lui un énorme nuage noir de fumée et il a le fidèle profil du taxi-brousse de<br />
notre imaginaire, imbroglio de sacs, d'a<strong>ni</strong>maux vivants ou morts et d'êtres humains comme seule l'Afrique sait<br />
en porter. L'agent l'a entendu. Il nous fait <strong>pas</strong>ser rapidement pour rabaisser la barrière derrière nous. Nous faisons<br />
30 mètres et nous garons notre véhicule devant la seule boutique de la bourgade, tenue par un maurita<strong>ni</strong>en.<br />
U<strong>ne</strong> bouteille de Fanta goût " pharmacie " en main, nous observons avec délice le manège de l'agent des Eaux<br />
et Forêts et du chauffeur du camion. <strong>Le</strong> premier sait qu'il y a beaucoup de viande de brousse en provenance de<br />
la Réserve de Fau<strong>ne</strong> de Conkouati dans le camion et qu'il a le pouvoir de tout saisir. <strong>Le</strong> deuxième sait que<br />
l'agent serait bien embarrassé avec toute cette viande saisie puisqu'il n'a aucun moyen <strong>ni</strong> de la transporter, <strong>ni</strong><br />
de la stocker. La négociation tour<strong>ne</strong> donc rapidement autour de la taille du billet que le chauffeur fi<strong>ni</strong> par glisser<br />
à l'agent et qui représente en quelque sorte le montant du rachat par le chauffeur de cette viande fictivement<br />
saisie.<br />
Kakoko reprend sa route pour Pointe Noire et nous repartons vers Conkouati. La route goudronnée défoncée<br />
laisse la place à u<strong>ne</strong> piste qui nous paraît être de velours. Nous nous enfonçons dans la forêt à bon<strong>ne</strong> allure,<br />
traversant successivement des <strong>pas</strong>sages très sableux, puis très caillouteux, puis très boueux au point de risquer<br />
de nous enliser plusieurs fois. Nous sommes à mi-parcours quand soudain, au détour d'un virage, six gorilles<br />
traversent la piste en courant, scè<strong>ne</strong> aussi fantastique qu'éphémère et qui nous redon<strong>ne</strong> un peu de courage.<br />
Seize heures. Un camion grumier embourbé dans la piste glaiseuse, moteur cassé depuis deux jours, nous<br />
don<strong>ne</strong> du fil à retordre pour <strong>pas</strong>ser et nous fait perdre deux heures. Mais comment Kakoko a-t-il fait, lui, pour<br />
<strong>pas</strong>ser? " La magie " me répond François, lui aussi suffoqué par l'exploit.<br />
<strong>Le</strong> soleil <strong>vient</strong> de se coucher lorsque nous arrivons dans les sava<strong>ne</strong>s de Conkouati. Un petit vent frais venant du<br />
bord de mer fait onduler les herbes du bord de piste. Celles là ont échappé aux flammes du brûlis allumé il y a<br />
quelques jours, peut être par quelqu'un qui a cru éloig<strong>ne</strong>r par ce geste les mauvais esprits ou un quelconque<br />
Tchim Tchieto: Fierté de la Cogestion, C. Chatelain, M. Taty et G. Borri<strong>ni</strong>-Feyerabend 17