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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

Le bijoutier est bien entendu originaire de Beni Yenni, groupe de villages kabyles perchés sur<br />

les crêtes, spécialisés dans la bijouterie berbère, argent, corail et émaux cloisonnés. <strong>Mai</strong>s pour<br />

satisfaire la clientèle, les artisans ont évolué, ils travaillent également l’or et chaque saison voit une<br />

nouvelle mode s’implanter. Cette année, on trouve quantité de bijoux ornés de cabochons de corail<br />

reconstitué, qui sont d’un effet assez heureux.<br />

A midi tapantes, nous retrouvons Farida devant ses bureaux ; elle nous mène dans un<br />

restaurant flambant neuf attenant à son administration. C’est un ancien débit de boissons clandestin<br />

qui s’est reconverti à temps. L’accueil est très aimable, Farida est connue comme le loup blanc à<br />

Mekla, tout le monde apprécie son éternel sourire et sa gentillesse et elle est très respectée. En outre,<br />

ce n’est pas « un petit bout de bonne femme » et sa stature en impose. La conversation tourne<br />

autour des conditions de travail, de l’incitation à la retraite anticipée, au non-remplacement des<br />

départs à la retraite. Souhila, qui a déjà vingt ans d’entreprise pourrait demander sa retraite dans 5<br />

ans, en ayant atteint 45 ans : cela fait de jeunes retraités à côté de la législation française, de quoi<br />

rêver. Et les départs à la retraite sont accompagnés de pactoles alléchants. Dire qu’ayant commencé<br />

à travailler à 22 ans, je dois essayer de continuer jusqu’à 62 ans ! Ici tout le monde me demande<br />

aimablement comment se passe ma retraite, à la vue de mes cheveux blancs. J’aimerais bien…<br />

Après le repas, nous raccompagnons Farida, toutes ses collègues féminines sont venues nous<br />

saluer et nous les laissons regagner leurs occupations pendant que nous prenons un fourgon pour<br />

Tizi, les bijoux n’étaient pas assez variés et nous désirons offrir une jolie parure à Farida, pour<br />

marquer l’événement. L’air de rien, Souhila demande à sa sœur si elle connaît une bonne adresse de<br />

bijoutier, et innocemment, la benjamine nous renseigne, sans se douter de la bonne farce que vont lui<br />

jouer ses sœurs.<br />

Sur le trajet Mekla – Tizi, à un endroit précis, du côté de Oued Aïssi, Souhila se croit obligée<br />

de me raconter que le coin est dangereux ; récemment, en plein jour, un policier tombe en panne avec<br />

femme et enfant à bord. Obligeamment, un groupe de jeunes se propose de le dépanner. L’homme<br />

met sa famille dans un fourgon à destination de son village. Puis, lorsqu’il se retrouve seul, il est<br />

froidement abattu avec sa propre arme. Une autre voiture arrive pour remorquer le véhicule en panne<br />

et la bande se volatilise en présence de témoins. Quelques jours plus tard, le meurtrier est arrêté chez<br />

lui, dans son village, il était vautré dans son salon, les pieds en éventail sur la table et l’arme du<br />

policier en exposition au-dessus du buffet.<br />

Tizi est truffé de bijoutiers de Beni Yenni et on n’a que l’embarras du choix. Finalement, les<br />

sœurs se décident pour une parure complète avec corail reconstitué, à 6 600 Dinars (environ 66<br />

Euros) et moi, je me fais offrir un exemplaire d’une pièce en vers, écrite en berbère et intitulée<br />

« imbus¸ay », qui pourrait se traduire par le mendiant, le bagnard, le sans-logis, etc, avec invitation à<br />

passer le week-end prochain dans le village de la famille de l’auteur, offre que je décline<br />

malheureusement car autre chose est prévue au programme15.<br />

En prévision du voyage de demain, je m’achète un sandwich à la carantica16, badigeonné<br />

15 Je vais avoir l’occasion d’accepter cette invitation dans quelques jours et ce sera ma première visite dans un village<br />

socialiste, vestige de la Révolution Agraire.<br />

16 Carantica : déformation d’une expression espagnole signifiant « chaud », recette pied noir d’Oran, toujours très<br />

populaire, à base de farine de pois chiche, de lait et d’huile, parfois un œuf, et cuite au four ; la carantica est vendue par<br />

des marchands ambulants ou dans les petites boutiques.

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