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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

des plus impressionnantes de Kabylie : Aït Bouyahia, Taguemount Azouz, Taourirt Moussa,<br />

berceau et tombeau de Matoub Lounes, Agouni Arous, Tagragra et enfin Tizi Hibel, le village de<br />

Sofiane, mais aussi de Mouloud Feraoun51, dont la tombe, toujours fleurie, est visible de la route, et<br />

également de Fadhma Aït Mansour52.<br />

Dès l’entrée de Tizi Hibel, Sofiane et Ourida sont apostrophés de toutes parts. Un jeune dit<br />

à Sofiane, en me voyant, moi qui suis présenté comme son ami : « Alors, ton ami est venu au village<br />

pour se marier ? » A la maison familiale, nous retrouvons le reste de la famille, celle qui n’a pas<br />

émigré, Driss, le frère qui, en âge, vient immédiatement après Sofiane, les belles-sœurs, les neveux.<br />

Driss travaille à Bougara53 (ex Rovigo) depuis 28 ans et fait la navette chaque quinzaine. Les<br />

témoignages de scènes d’horreur sont les mêmes que ce que j’ai entendu de son homonyme qui<br />

travaille au musée des Beaux-Arts. Je reconnais la femme de Driss, rencontrée en 1989, juste après<br />

son mariage, grâce à un signe particulier : elle possède d’extraordinaires yeux gris, ce qui m’avait<br />

permis, à l’époque, d’apprendre comment on dit cette couleur en kabyle : « sifa g’ired »,<br />

littéralement couleur de cendre.<br />

Sofiane et Ourida me font les honneurs de leur nouveau domaine. Ils ont acheté, en deux<br />

reprises, deux vieilles masures contiguës, au cœur du village, opération toujours délicate, car, même<br />

si les propriétaires délaissent souvent la bicoque ancestrale pour une cage à lapins à Tizi Ouzou ou<br />

Alger, ils répugnent à se séparer du bout de terrain de leurs racines. Les masures ont été rasées et à la<br />

place a jailli, à pic sur le versant, une magnifique demeure à trois étages ; sincèrement, je laisse<br />

échapper un cri d’admiration : rien à voir avec « les maisons à la crème chantilly » que l’on voit<br />

envahir le paysage, construites par les émigrés ou les nouveaux riches, tarabiscotées, avec des<br />

matériaux clinquants, des mélanges de briques et de tuiles de couleur, ce qui leur donne l’aspect de<br />

pâtisseries avec beaucoup de crème. Non, la maison de Sofiane a été mûrement pensée, elle n’a rien<br />

d’ostentatoire, des balcons et une grande terrasse l’ouvrent sur le panorama du Djurdjura. Même<br />

vide, elle donne l’envie d’y habiter et Sofiane me lance, avec son regard taquin : « alors ? maintenant<br />

tu viendras chez moi ? Il y a suffisamment de confort ? » Comme si j’attendais cela pour le<br />

retrouver !<br />

Driss aussi me fait visiter sa maison, plus traditionnelle, située quelques ruelles plus loin. Au<br />

retour, nous sommes arrêtés à la djemâa par un groupe de vieux ; au cours de la discussion,<br />

j’apprends, non sans étonnement, que « Sèvres-Babylone est le premier préfet berbère qui a régné<br />

sur Rome en 60 avant Jésus-Christ ». Faudra que je vérifie…<br />

Pour l’étymologie de Tizi Hibel, les avis sont partagés. Pour certains, cela signifierait le col<br />

du fou, « hibel » aurait une origine arabe. Pour d’autres, partisans d’une explication plus orthodoxe<br />

et surtout plus berbère, « ibel », sans h, serait un mot touareg voulant dire le chameau, d’où le col<br />

du chameau, ce qui a meilleure allure que le col du fou. Si quelqu’un peut donner son avis….<br />

51 Mouloud Feraoun (1913-1962), écrivain d’expression française, instituteur, humaniste, assassiné par l’OAS, a décrit<br />

par ses romans la société kabyle : Le Fils du Pauvre, La Terre et le Sang, Les Chemins qui montent.<br />

52 Fadhma Aït Mansour, (1882-1967), mère de Marguerite-Taos Amrouche, poétesse, chanteuse berbère, a écrit<br />

Histoire de ma Vie, où elle retrace le parcours d’une famille kabyle chrétienne. Fadhma Aït Mansour fréquenta, vers<br />

1895, l’une des premières écoles de filles, à Fort National en même temps que la trisaïeule de Fatiha, Fatma, qui<br />

deviendra institutrice, et elle en parle dans son livre, sous le nom de Valentine (page 86)<br />

53 J’ai déjà parlé de cette localité située près d’Alger, dans le « triangle de la mort », au pied de l’atlas blidéen.

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