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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

village de Moussa. Quand je lui ai dit que j’avais connu un garçon de son village qui était mort il y a<br />

longtemps, il m’a demandé de qui il s’agissait et il a failli en lâcher son plat lorsque je prononçai le<br />

nom de Moussa. Il se trouve qu’ils étaient cousins et il y avait bien longtemps qu’il n’avait entendu<br />

ce nom. Je lui ai promis de lui envoyer toutes les photos que j’avais prises de lui à l’époque où il<br />

terminait l’école de commerce, ce que j’ai fait dans les semaines qui ont suivi et j’ai chargé François<br />

de les lui remettre. Il paraît qu’il a été réellement ému en les voyant et il s’est épanché auprès de<br />

François. Il faut dire qu’avec moi, il s’était plutôt montré réservé, mais j’avais attribué son attitude<br />

au fait qu’il ne me connaissait pas. En réalité, a-t-il confié à François, il avait pensé que j’étais un<br />

espion qui voulait lui tirer les vers du nez !! Les photos, et ma promesse tenue, lui ont fait réaliser sa<br />

méprise. Pourquoi cette méfiance ? « parce que Moussa n’est pas mort dans un accident à Si<br />

Moussa mais assassiné quand il était en service » (!!) C’est une version que je n’avais jamais<br />

entendue et je suis tombé des nues. Jusqu’à présent, je ne sais qu’en penser. Voilà donc tout ce que<br />

ce bourg de Si Moussa m’a remis en mémoire en le traversant.<br />

Après Tizi, on passe devant Tala N’Toulmout, « la fontaine interdite aux hommes blancs »<br />

(mais non aux femmes blanches). L’origine de cette interdiction provient du fait que les villages de la<br />

plaine étaient peuplés de « noirs », descendants d’anciens esclaves. De fait, on retrouve quelques<br />

traits dans les physionomies, des cheveux blonds mais très frisés, des nez parfois épatés. Ces<br />

villageois, mâles, n’avaient pas le droit d’épouser les filles des villages d’en haut, « vraies kabyles ».<br />

Par contre, il n’était pas rare qu’un vieux barbon d’en haut allât chercher jeune tendron en bas, afin<br />

de faire de jeunes et beaux enfants. De cette ségrégation est née une revanche, qui interdisait aux<br />

hommes d’en haut (les « blancs ») de venir s’abreuver à la fontaine du village, sous peine de mort. Je<br />

me souviens que dans ma jeunesse était encore écrite, d’une main malhabile et à la craie blanche, sur<br />

la pierre de la fontaine, la redoutable proscription.<br />

A présent nous sommes dans la montée après Chaïb, les derniers kilomètres avant Djémâa.<br />

Jusqu’à Mekla, la route a été refaite, le bitume est en bon état. <strong>Mai</strong>s après, le chemin ressemble à<br />

une fondrière. A Mekla, je demande si on peut passer dire bonjour à Farida sur son lieu de travail,<br />

pour lui faire la surprise. Nous saluons tous ses collègues, l’ambiance a l’air décontractée, ils ont<br />

tous entre vingt-cinq et quarante ans, deux hommes et une demi-douzaine de femmes. Lorsque nous<br />

reverrons Farida le soir, elle nous expliquera qu’il s’est produit un quiproquo lorsque je suis entré<br />

dans les bureaux. Je me suis adressé à un jeune homme pour demander Farida, qu’il est allé chercher<br />

sur-le-champ. <strong>Mai</strong>s quand elle l’a vu se diriger vers elle, elle s’est exclamée : « ah non ! y’en a marre,<br />

je vais te détester, si tu m’appelles toutes les cinq minutes ! » Il faut dire que le jeune est nouveau et<br />

qu’il doit la remplacer à la caisse. Comme il n’est pas sûr de lui, il fait appel très souvent à elle, un<br />

peu trop à son goût. Alors, il s’est empressé, tout confus, de lui dire : « Non, non ! tu n’y es pas du<br />

tout, c’est de la famille qui te demande ! »<br />

Derniers kilomètres, nous passons la mairie de Mekla, « Trois Poteaux », El Mahsar, la mosquée, et<br />

nous tournons à droite pour l’ultime montée. A « Issafsafen » (la place des peupliers), je regarde le<br />

bloc de maisons au-dessus du café et je cherche laquelle appartient à Rachid Arhab, le présentateur<br />

T.V. Je ne pense pas qu’il vienne souvent l’aérer.<br />

Nous nous garons devant chez « les pères4 » et la première personne que je vois est Zineb, la<br />

4 les Pères Blancs étaient installés à Djemâa où ils avaient créé un centre de formation professionnel pour les jeunes,<br />

qui existe toujours.

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