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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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onjour, il ne fallait plus dire « Sbah al kheir », jugé trop profane, mais « salam aleikum ». De même,<br />

le fait de jurer ses grands dieux, expression très fréquente en Algérie, devait être rectifié : ce n’est<br />

plus « Ouallah ! » qu’il convient de proférer mais « Ouqsimoubillah ! » qui donne une intensité<br />

beaucoup plus forte, quasiment dramatique au serment, même si on ment comme un arracheur de<br />

dents… Quant à ses collègues barbus, bizarrement, ils lui ont toujours dit en français « bonjour,<br />

Madame ». A une époque, dans tout l’établissement, il n’y avait plus que trois enseignantes non<br />

voilées et l’écrasante majorité des élèves portait le hidjeb. A un an de la retraite, la directrice a reçu<br />

un mini linceul, elle n’a plus jamais remis les pieds au lycée. <strong>Mai</strong>ntenant, tout est mélangé, de la mini<br />

jupe au hidjeb. Maryam a reçu une stagiaire portant le « sita », qui couvre entièrement le visage,<br />

comme en Arabie Saoudite. Ce masque déformait sa prononciation : « elle ne pouvait pas dire les<br />

« ch » et les « tch », c’était « s » et « ts » qui sortaient… » Un jour, l’inspectrice d’anglais, femme<br />

très stricte sur les questions de pédagogie, fait irruption dans la classe et voyant la stagiaire :<br />

« Maryam, what’s that ???? » Le directeur a exigé qu’elle quitte le sita et a demandé à Maryam<br />

pourquoi elle ne lui en avait pas intimé l’ordre d’elle-même. « Monsieur le Directeur, vous me l’avez<br />

remise cachetée, je ne vais pas la décacheter ». Le mari de la stagiaire, tout jeune, grande barbe et<br />

pantalon afghan, est venu pour savoir s’il était vraiment obligatoire que sa femme découvre son<br />

visage. Il lui est rétorqué que pour le bon enseignement de la matière, il est nécessaire que les élèves<br />

(des deux sexes) puissent voir les expressions du visage de l’enseignant, qui ne se découvrira qu’en<br />

classe et en cachant ses cheveux. Aucun risque qu’un collègue l’aperçoive. Or il est advenu qu’une<br />

fois, un collègue de Maryam passant la tête par la porte ait fait un joyeux « hello », pendant que la<br />

stagiaire officiait à l’estrade. Consternation de cette dernière. Maryam va voir son collègue : « tu as<br />

vu ma stagiaire ? »<br />

-« Ta stagiaire ?? c’est qui ?? j’ai même pas vu si c’était un garçon ou une fille». Et lorsque<br />

la stagiaire s’est exécutée, la première fois, pour se dévoiler, les élèves déçus : « Tout ça pour ça ? »<br />

Katalin ne fait pas vraiment algérienne et sa blondeur, authentique, la démasque. Elle raconte :<br />

« ces années-là, les gens du quartier, les chauffeurs de taxi, les commerçants avaient peur de me<br />

regarder ; c’est la peur des autres qui vous fait peur ».<br />

Lundi 14 mai<br />

Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

Aujourd’hui je m’aventure tout seul dans Alger pour la première fois depuis 1990. je prends<br />

le bus pour « place Chouhada32 », où se trouve la Chambre de Commerce. Je voudrais savoir s’il y a<br />

un écho à ma demande pour un poste à Alger. Il semble que l’institut visé n’ait pas encore démarré,<br />

il faut patienter. J’en profite pour lier connaissance avec l’un des employés, originaire de Freha, où<br />

Souhila travaille.<br />

L’un des côtés de « Chouhada » est bordé par le quartier de Bab Azoun, très commerçant,<br />

détaillants et grossistes attirent tout au long du jour une foule pressée ou désœuvrée. J’y connais<br />

Slimane qui travaille chez un grossiste en colifichets. Il me fait visiter les lieux. Rien n’indique les<br />

quatre boutiques, situées à l’étage d’un immeuble, au pied duquel une source jaillit, en pleine rue et à<br />

gros débit. Slimane m’a juré qu’il ne s’agit pas d’une canalisation cassée !<br />

32 place des Martyrs, rebaptisée récemment place du 8 mai 1945 (cf plus haut l’explication)

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