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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Valadon, Dufy, …<br />

Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

Une grande salle rend un hommage très émouvant à Mohamed Khadda (1930-1991) assassiné<br />

parmi les premiers intellectuels.<br />

Ai longuement médité sur les paroles d’Issiakhem37, écrites de sa main sur un coin de toile :<br />

…. Nous qui vivons au passé<br />

Nous la plus forte des multitudes<br />

Notre nombre s’accroît sans cesse<br />

Et nous attendons du renfort ….<br />

La pergola du musée, agrémentée de salons en rotin, plonge sur le Jardin d’Essai, l’un des<br />

plus beaux du monde, de par la diversité de ses espèces rares. C’est une masse d’un vert intense qui<br />

se déploie sous les yeux, de trois taches décorée : un bougainvillée violet entourés de deux jacarandas<br />

bleu ; la mer, au-delà, est bleu foncé, elle se fond, dans l’horizon brumeux d’un ciel bleu pastel. Une<br />

légère brise marine, des filets d’eau coulent des vasques…<br />

Ramdane, artiste vacataire au musée, employé à la restauration des œuvres, sorti de l’école<br />

des Beaux Arts d’Alger, puis d’un institut soviétique, m’apporte un catalogue complet des œuvres<br />

du musée ; parmi les reproductions, « Vénus pleurant la mort d’Adonis ». De « La Mort d’Eros »<br />

point de trace38, il faudrait faire des recherches approfondies car les réserves du musée sont<br />

énormes. Le livre m’est vendu à un prix symbolique, j’espère avoir rempli mon contrat…<br />

La vie de Ramdane ressemble à un cauchemar, il a obtenu, voici 25 ans un logement de<br />

fonction dans la zone du « triangle des Bermudes », là où le terrorisme a été particulièrement<br />

sanglant, Lâarba, Meftah, Bougara. Ses enfants ont vu un homme transformé en torche vive, leur<br />

voisin ; on trouvait des cadavres le matin en sortant de chez soi. La jeunesse n’a plus de repère, les<br />

vies sont brisées, les hommes cassés, vieillis prématurément. Ses garçons ne veulent plus habiter<br />

dans ces régions maudites, ils aspirent à vivre, trouver l’insouciance, la légèreté de l’être, mais leur<br />

avenir n’est-il pas déjà hypothéqué ?<br />

Retour sur Bab el Oued, où Slimane m’avait donné rendez-vous. Ballade jusqu’à la nuit noire<br />

dans les rues à la population débordante de jeunesse, les camionnettes bondées sillonnent le quartier<br />

avec des banderoles vert, blanc, rouge et des cris de joie pour célébrer la victoire après le match.<br />

Nous restons assis, face à la mer, sur l’esplanade, le soleil a décliné lentement. En contrebas, dans les<br />

rochers, des jeunes discutent ; soudain, deux hommes surgissent parmi eux, inspecteurs en civil, ils<br />

fouillent les cabas, interrogent, à la recherche de drogue.<br />

37 Artiste d’origine kabyle, trop tôt disparu, peintre de l’abstrait aux toiles énigmatiques, tourmentées, ensorcelantes<br />

38 après remise du catalogue à son destinataire, il est vérifié que « La Mort d’Eros » et « Vénus pleurant la Mort<br />

d’Adonis » ne sont qu’une seule et même toile, connue sous deux vocables différents. Quant à l’école de Fontainebleau,<br />

il semblerait plutôt qu’il s’agisse d’une école flamande…

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