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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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prendre le frais et me doucher dehors.<br />

Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

Pour ce qui est de prendre le frais, j’ai été servi : le petit chemin qui descend vers la plage de<br />

Baïnem57 m’a mené à un paysage glaçant : des constructions délabrées, à plusieurs étages, cernent la<br />

plage, des squats sont visibles, avec des couvertures abandonnées ; par un escalier branlant, on<br />

accède à une terrasse dominant la mer houleuse, sans garde-fou, hérissée de fer à béton et jonchée de<br />

détritus, un vent de tempête s’engouffre dans ces couloirs et ces fenêtres béantes et le tout donne<br />

une impression de désolation préfigurant l’apocalypse.<br />

Plusieurs constatations et hypothèses s’imposent : l’Algérie se réveille plus tard qu’autrefois<br />

(on m’a dit que les années de terrorisme n’étaient pas étrangères à ce changement d’habitude, les<br />

petits matins blêmes étant parfois fatals….) ; les hammams sont fermés dans la tranche horaire<br />

matinale réservée d’ordinaire aux hommes, sans doute par souci de rentabilité, une fréquentation<br />

inférieure à cent personnes est jugée insuffisante et aller au hammam est devenu un luxe pour<br />

beaucoup. Et à huit heures du matin, les douches n’étaient toujours pas ouvertes…<br />

Par contre, les cyber cafés font le plein et jusqu’à tard dans la nuit, ils sont ouverts presque<br />

« H24 ». Le tchat sur internet connaît un engouement prodigieux, s’y frottent toutes les<br />

composantes de la société algérienne, plutôt la jeunesse, mais également des quinquagénaires, des<br />

hidjebs comme des barbus, des chevelus comme des minets. Plusieurs niveaux de discussion, mais de<br />

toutes manières, une grande soif de communiquer. On drague beaucoup sur internet : vers l’étranger,<br />

avec l’espoir que les rencontres pourront se concrétiser un jour, mais aussi localement, avec un<br />

objectif très précis : rencontrer l’interlocuteur au plus vite et conclure avec lui rapidement, en<br />

particulier pour les gays, qui ont trouvé là un moyen relativement sûr d’affirmer leur orientation<br />

sexuelle. Il y a même un cyber à Alger, où il n’est nul besoin de tchater, il suffit d’observer et la<br />

rencontre se fait sur le vif. Le film « Viva l’Algeria » est significatif de cette évolution ultra rapide et<br />

déconcertante des mœurs, quoique certains lui reprochent de ne décrire qu’une société privilégiée (les<br />

« chichis » algérois). La police fait parfois des descentes dans les lieux de drague, où les couples<br />

(hétéro) sont tranquillement dans les voitures, le plus souvent à deviser tendrement, car il est<br />

impossible pour eux de trouver un refuge pour abriter leurs amours. On m’a dit que 80% des jeunes<br />

femmes traînées au commissariat avec leur compagnon portent le hidjeb. Ne pas porter le hidjeb,<br />

c’est s’exposer à la vue de tous. Si le hidjeb est un paramètre nouveau, le problème du couple qui ne<br />

sait où se fréquenter, ne serait-ce que pour apprendre à se connaître, n’est pas nouveau. Sans livret<br />

de famille, point de salut…<br />

La grande réception de mariage va se dérouler dans l’après-midi, suivie d’un dîner où tous<br />

sont conviés, dans une salle de fêtes à une quarantaine de Kms d’Alger, en bordure de mer. Pour<br />

l’instant, la principale activité des hommes de la famille est de récupérer la parentèle venue de<br />

Kabylie par le car. Je fais partie de ce comité d’accueil, ce qui me permet de sillonner Alger en tous<br />

sens, à la recherche des uns et des autres, et nous traversons des lieux au nom évocateur du passé :<br />

de Bab El Oued à El Biar, il nous faut passer par « Trois Horloges », « Triolet », « Fontaine<br />

Fraîche », « Les Tagarins ». En réalité, tous les lieux ont été rebaptisés, mais on continue à les<br />

appeler de leur ancien nom : Clos Salembier, l’Aérohabitat, édifié par le Corbusier. Près de la Grande<br />

Poste, un petit vendeur doit être en train de faire fortune : d’après de vieilles cartes postales, il a fait<br />

des facs similés, assez grossiers d’ailleurs, représentant l’Algérie coloniale, les personnages de la<br />

57 Il faut dire qu’un écriteau avertit : « Attention plage polluée, défense de se baigner ».

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