PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006
PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006
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d’une bonne couche de harissa. Sur le trajet de retour, Souhila, décidément en verve, me raconte le<br />
dernier assassinat à Tigzirt-sur-mer : il s’agit de quelqu’un qui avait failli être exécuté par des<br />
terroristes et avait pu déjouer à temps la tentative, les coupables croupirent en prison jusqu’au jour<br />
où il y eut la réconciliation nationale et les « repentis » ont eu pour premier souci de liquider celui<br />
qu’ils avaient raté la première fois…<br />
Ce soir, l’ambiance est un peu triste : Lyès repart demain matin très tôt pour le Sud et ne<br />
reviendra que le mois prochain. Nacera, son aînée, a adopté sa tactique habituelle « Courage,<br />
fuyons ! », c’est-à-dire qu’elle est partie se réfugier chez sa grand-tante Titem pour cacher ses<br />
sanglots. Quant à Lounis, qui mangeait avec entrain une bonne assiette de couscous, j’ai eu l’imbécile<br />
réflexe de lui souhaiter bon appétit, ce qui a eu pour effet immédiat de lui faire prendre la poudre<br />
d’escampette, laissant en plan son assiette et partant se réfugier dans les bras de papa. Cependant,<br />
on avait essayé de donner le change pour ce dernier repas pris en commun, on avait préparé un<br />
couscous, fait inhabituel un jour de semaine, et de plus un couscous aux chardons, aux cardes et à la<br />
viande salée de l’aïd. <strong>Mai</strong>s le cœur n’y est pas vraiment. Et pourtant, on devrait être habitué, ça fait<br />
des années que Lyès a pris le rythme, avant même la naissance des enfants. Les familles ne peuvent<br />
accompagner le travailleur, sur la base-vie de la société pétrolière. En compensation, les salaires sont<br />
élevés.<br />
Mercredi 10 mai<br />
Je me demande comment je vais pouvoir résumer cette journée. Dix heures de voyage ! Vous<br />
allez me dire que nous devons être très loin de Djemâa, ce soir. Au moins à Ghardaïa ou El Oued …<br />
Eh bien, vous n’y êtes pas du tout ! Nous sommes à Hammam Guergour et nous avons parcouru<br />
117 + 114 + 60 = 291 Kms !! Belle moyenne horaire. <strong>Mai</strong>s il faut dire, à notre défense, que nous<br />
avons pris cinq cars à la suite, et pratiquement sans attente à chaque fois. Alors, cherchez l’erreur.<br />
Franchement, moi, je ne l’ai pas trouvée. Je ne me suis pas ennuyé, il n’y a pas eu d’incident<br />
mécanique, je n’ai pas trouvé la route longue, tout s’est bien déroulé.<br />
On a quitté Tagmout à sept heures ce matin. Première étape : Djemâa-Chaïb, 7 Kms, vous<br />
commencez à connaître, c’est toujours la même chose, descente prudente à la vitesse de l’escargot.<br />
Avec moi, Fatiha et Souhila. L’idée de Hammam Guergour est de Fatiha, qui avait envie d’une<br />
« mini-cure » thermale17. Ce premier trajet nous a été offert par un ancien collègue de Souhila.<br />
A Chaïb, sur le bord de la route, on attend « Le Petit Prince », qui fait la ligne T.O.-Bejaïa<br />
(T.O., vous vous souvenez, c’est Tizi Ouzou, en kabyle, le col des genêts). Le Petit Prince,<br />
ponctuel, passe à 7h30, mais … complet. Déception. On nous rassure, le prochain bus est à 7h40 ;<br />
en effet, dix minutes plus tard, c’est « Le Berbère » qui succède au Petit Prince et il offre des places<br />
disponibles à l’arrière. Je ne m’appesantis pas sur Azazga18, Yakouren19, vous y êtes déjà passés.<br />
Après Yakouren, la contrée devient de plus en plus accidentée, boisée, des roches abruptes<br />
17 Hammam signifie à la fois bains turcs (ou maures) et station thermale.<br />
18 En kabyle, Iazogen, les sourds<br />
Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />
19 En kabyle, Iakoren, les obstacles (sous réserve), personne n’étant sûr de l’étymologie