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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

algérien, aucun espoir de survivre. Et pour qu’il soit français, il faut se faire embaucher de là-bas, de<br />

l’autre côté de la mer.<br />

En partant, en quittant Alger, je médite l’avertissement de Nana Koula : « ne pas s’installer<br />

ici à n’importe quel prix ». Constatant mon enthousiasme, elle avait préféré discrètement me mettre<br />

en garde.<br />

Un autre coup de massue va m’atteindre, au cours de cette ultime soirée algéroise : Nana<br />

Koula et son mari sont retraités, fonctionnaires de bon niveau, ayant eu des responsabilités. Ils<br />

touchent, à eux deux, trois cents euros de retraite par mois…après toute une vie de labeur. Ils sont<br />

en train d’achever de construire, et c’est leur ruine, une villa dans un lotissement d’une ville de l’est<br />

algérois, toutes leurs économies y passent et la construction a démarré il y a vingt ans. D’autre part,<br />

ils n’arrivent pas à finir d’acheter l’appartement de fonction qui avait été mis en vente à une certaine<br />

époque, non par faute d’argent mais parce qu’il y a mésentente entre les organismes vendeurs, les<br />

domaines et la commune. Et comble de désespoir, le tremblement de terre de Boumerdès a<br />

sérieusement endommagé les deux constructions, appartement et villa, dont il a fallu refaire onze<br />

piliers sur douze. Quant à l’immeuble abritant l’appartement, la secousse l’a rendu tout de guingois<br />

et ce sont des piliers de fortune qui le soutiennent à présent. Si je trouvais un travail ici, je pourrais<br />

leur louer cet appart’ pendant qu’ils s’installeraient dans leur villa enfin terminée… <strong>Mai</strong>s en arrivant<br />

dans la cour de l’immeuble, je me suis dit que je rêvais, il est impossible de vivre comme ça sans<br />

protection, je serai repéré dans les dix jours suivant mon installation. Et les frérots pullulent dans le<br />

secteur. Par exemple, le menuisier, l’âge de mon fils Aurélien, qui bricole dans leur villa, c’est un<br />

ancien élève de Nana Koula, fils d’enseignant ; il est devenu barbu et tient un discours péremptoire<br />

qui me donne l’impression d’être un tout petit garçon qui ne connaît rien à la vie.<br />

Puisque c’est l’heure des confidences, on m’a révélé qu’une cousine s’était exclamée, en<br />

apprenant toutes mes incursions à Tizi et en Kabylie : « <strong>Mai</strong>s il est complètement inconscient !<br />

même s’il parle kabyle, on voit vite qu’il n’est pas d’ici ! Et il n’y a pas plus dangereux qu’un barbu<br />

rasé… » Il paraît aussi que ma visite aux Aït Ali était à haut risque, l’endroit étant encore truffé de<br />

terroristes…<br />

Alors, conscience, inconscience, je continue à croire en ma bonne étoile et au dialogue.<br />

Pour finir par une petite note d’optimisme, rajoutons que notre dernière nuit s’est déroulée à<br />

Bachdjarah, banlieue à fort mauvaise réputation il y a quelques années. Je me souviens d’y être<br />

passé en 1990, j’avais été très défavorablement impressionné par les immeubles nus, déjà sales<br />

quoique tout neufs, le béton partout, pas d’arbres, l’esprit de délation, la méfiance entre voisins, et<br />

surtout, les portes en fer blindé à chaque appartement. Et bien, là, le climat semble s’être<br />

considérablement amélioré. Les portes sont toujours en fer, mais des arbres ont poussé, des plantes<br />

grimpantes ont envahi les façades, il existe des structures sociales, clubs sportifs, culturels et on y<br />

trouve l’habituel melting pot algérois. C’est donc sur cette touche pleine d’espoir que nous avons<br />

quitté l’Algérie, en cette fin de mai, après un mois d’intense activité, de retrouvailles émouvantes, de<br />

connaissances nouvelles et jamais décevantes, de découvertes surprenantes, de joies familiales et<br />

amicales qui me font dire qu’il doit bien y avoir là-bas une petite place pour moi.<br />

Je n’aime pas parler des adieux, j’adopte l’attitude de ma nièce Nacera « Courage, fuyons ».<br />

Eric-Tarik, juin <strong>2006</strong>

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