PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006
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Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />
A Aokas, nous retrouvons la mer et … les badauds qui observent toujours les plongeurs à la<br />
recherche de l’épave automobile. En face se dresse la majestueuse masse de la montagne de Bougie,<br />
surmontée du marabout de Yemma Gouraya, qui veille sur la cité.<br />
Pour s’enquérir d’un hôtel, nous ne nous sommes pas compliqué la vie : nous sommes allés<br />
directement sur la merveilleuse place Gueydon30 (tout le monde l’appelle encore ainsi) et sommes<br />
descendus à l’hôtel de l’Etoile, où tout est garanti d’époque, meubles, carrelages, stucs, décorations,<br />
photographies et même la plomberie, ce qui n’est pas forcément un avantage. Les façades<br />
d’immeubles de la ville « européenne » sont presque toutes de blanc et bleu, donnant une<br />
atmosphère rappelant Lisbonne. Coïncidence, notre hôtel a abrité, les dix dernières années de sa vie<br />
l’ex-Président du Portugal, Manuel Teixeira Gomes (1862-1941), qui fut de plus un écrivain. Une<br />
plaque dorée évoque son passage à l’hôtel et un buste vient d’être inauguré sur la grand place face à<br />
la mosquée. Bejaïa est la ville des escaliers, entrecoupant les rues qui la parcourent en zigzag.<br />
Pour le choix de l’hébergement, j’aurais pu avoir de l’appréhension, en souvenir de la<br />
mésaventure qui m’était arrivée dans cette même ville, 29 ans plus tôt… A cette époque, je faisais<br />
un tour du nord de l’Algérie avec un copain d’école de commerce (en France), Hassane, de nationalité<br />
algérienne et sa « copine », qui elle, était norvégienne. Je tenais, en quelque sorte la chandelle…<br />
Arrivés en début de soirée à Bougie, nous voilà tous les trois à la recherche d’un hôtel en centre-ville.<br />
<strong>Mai</strong>s peine perdue, chaque fois, nous nous faisions refouler de la réception avec la même réponse<br />
immuable : « c’est complet ». Nous avions, de surcroît, la désagréable sensation d’être suivis par une<br />
caricature d’inspecteur Colombo en imperméable, vous savez, comme on les imagine. Au bout de<br />
quatre ou cinq tentatives infructueuses, le passe-muraille nous invite fermement à le suivre au<br />
commissariat. La Norvégienne et moi, on nous intime l’ordre d’attendre dehors, tandis que Hassane<br />
est bien « cuisiné » pendant une bonne heure à l’intérieur : « Qu’est-ce que tu fais avec des<br />
étrangers ? etc ». Heureusement, Hassane avait du répondant, une famille et une bonne raison de<br />
fréquenter des étrangers, puisqu’il vivait en France pour ses études. Il est enfin relâché et le même<br />
imperméable nous raccompagne au premier hôtel visité ; il intime l’ordre au réceptionniste : « Tu<br />
donneras une chambre pour les deux garçons, et une autre pour la fille ». La morale était sauve, si<br />
on peut dire… Inutile de préciser que Hassane a tôt fait de décamper de « notre » chambre pour<br />
rejoindre une autre… Le lendemain matin, aux aurores, l’imperméable, tout mielleux, est allé les<br />
réveiller en leur demandant si la nuit avait été bonne. Voilà pourquoi j’aurais pu être traumatisé par<br />
une nuit d’hôtel bougiotte, mais les temps ont changé, mon aspect physique aussi, j’ai l’air plus<br />
respectable, et surtout, je suis dans une situation matrimoniale on ne peut plus légale.<br />
C’est vendredi, et à l’heure de la grande prière, de midi à 14 heures, les restaurants sont<br />
fermés. Nous excursionnons à Yemma Gouraya en attente d’un repas ce soir. Un fourgon pour<br />
atteindre la plate forme bitumée, au-delà, un chemin aménagé, assez raide, se terminant en escalier,<br />
mène au sommet. La vue est à 360°, par temps clair, on aperçoit les montagnes jusqu’en direction de<br />
Sétif ; de l’autre côté, la corniche kabyle, extrêmement accidentée : Cap Sigli, Azzefoun (ex Port<br />
Gueydon). Beaucoup de femmes se recueillent dans le mausolée de Yemma Gouraya et y laissent<br />
une offrande.<br />
Le centre-ville est assez animé tard le soir, et Bejaïa est connue pour son atmosphère plutôt<br />
30 Entre-temps, j’ai appris par les journaux que la place Gueydon est un des hauts lieux du suicide en Algérie, de par<br />
son emplacement romantique portant à la mélancolie, on s’y jette du haut du parapet qui domine le port, tout comme<br />
on se précipite, à Constantine, du pont de Sidi M’Sid dans les eaux tumultueuses du Rhummel, 90 mètres plus bas.