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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

passé, le « darak al watani »10 est toujours calciné, sombre masse pathétique qui perdure comme le<br />

témoignage des heures dramatiques vécues à la suite des « événements ». <strong>Mai</strong>s tous les grands<br />

portraits des martyres de 2001, placardés au coin des rues, ont disparu. Après un rapide tour du<br />

centre, nous décidons de reprendre un fourgon et de poursuivre notre chemin jusqu’à Yakouren, dans<br />

la célèbre forêt de chênes, forêt en grande partie détruite pendant les « années de plomb », où<br />

sévissaient terrorisme et répression, entre 1994 et 96, par les incendies criminels. On en voit quand<br />

même beaucoup de chênes, lièges ou zéens et la route est redevenue touristique, avec des boutiques<br />

de souvenirs qui se succèdent sur ses bords, un artisanat de pacotille aux couleurs criardes. L’entrée<br />

de Yakouren est sévèrement gardée par l’armée, et l’hôtel touristique, le « Tamgout » ne paraît guère<br />

accueillant, situé juste au-dessus du camp. J’y ai passé la nuit, il y a trente ans et il n’était guère plus<br />

hospitalier, quoique bien construit et magnifiquement situé en pleine forêt. <strong>Mai</strong>s à l’époque, tous les<br />

complexes hôteliers étaient gérés par la « Sonatour », gigantesque société étatique où les employés,<br />

fonctionnaires, n’avaient qu’un souci très modéré de la satisfaction du client et du service bien fait.<br />

A Yakouren, Lyès se met en tête de retrouver un cousin, Adil, dit « Billy », possesseur d’un<br />

« kiosque multiservices », autrement dit un local pour cabines téléphoniques. On nous indique<br />

approximativement la direction. Lyès avise un local téléphonique, y entre résolument, voit un<br />

homme moustachu sensiblement de son âge, lui dit « je suis ton cousin » et lui applique deux baisers<br />

sur les joues. L’autre se laisse faire, puis, très poliment lui dit : « Je pense qu’il y a erreur, Billy,<br />

c’est la rue suivante. » Devenu méfiant, Lyès ne fait que serrer la main d’un autre moustachu, dans<br />

un autre local, mais cette fois-ci, il s’est avéré que c’était bien le cousin Billy et il y eut, les<br />

présentations faites, de franches embrassades. Je visite l’installation, bien coquette et décorée, mais<br />

ce qui attire l’œil, c’est un portrait de Matoub Lounes11 qui tapisse tout le fond du magasin, de deux<br />

mètres sur deux.<br />

Après la visite, je demande si on peut faire un petit tour dans la montagne, pour s’approcher<br />

un peu des chênes, mais Lyès m’oppose un refus catégorique, « trop dangereux, à cause des bandits<br />

et des drogués ». C’est vrai que la drogue semble faire des ravages car je viens de lire dans la presse<br />

que des échauffourées se sont produites tout récemment en plein Alger entre forces de l’ordre et des<br />

jeunes « sous l’emprise de psychotropes », qui multiplient les agressions, même en plein jour.<br />

Retour à Azazga et recherche de « mon » restaurant. Malheureusement, nous trouvons porte<br />

close et j’ai bien vite compris qu’il s’agissait là du dernier établissement où l’on pouvait manger<br />

confortablement dans un cadre agréable de la cuisine correcte accompagnée de vin. Ce qu’on nous<br />

indique n’est qu’un infâme boui-boui, où on vous sert du vin, sans aucun souci de la gastronomie.<br />

Alors nous nous sommes rabattus sur un resto à prétention gastronomique mais où la boisson reine<br />

est la limonade, tant pis pour le repas convivial avec mon cher Lyès. Quand il est écrit sur la<br />

devanture « restaurant familial », vous pouvez être sûrs que la morale y est préservée et qu’aucune<br />

goutte d’alcool ne sera versée, c’est bien triste pour des agapes familiales mais c’est comme ça.<br />

Pour terminer cette excursion, je vous soumets un extrait d’article paru le 3 mai dans le<br />

10 Gendarmerie nationale, incendiée et détruite de fond en comble par les émeutiers en riposte à l’assassinat d’un jeune<br />

de Beni Douala, prénommé Massinissa, en 2001, et qui a enflammé toute la région, chassant la gendarmerie jusqu’à<br />

présent.<br />

11 Matoub Lounes, chanteur kabyle, assassiné dans des circonstances jamais vraiment élucidées lors d’un vrai-faux-vrai<br />

(etc) barrage routier.

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