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PETIT JOURNAL DE PRINTEMPS KABYLE Mai 2006

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Mardi 15 mai<br />

Je me suis rendu à Aïn Benian (ex Guyotville) revoir Hakim. Hakim, c’est le premier copain<br />

que je me suis fait en débarquant à Alger en septembre 1975. Il avait 19 ans, j’en avais 22. Comment<br />

l’ai-je rencontré ? Il faut resituer le contexte de l’époque.<br />

1974 – visite « historique » (elles sont toujours historiques, mais le résultat ne change pas) de<br />

Giscard en Algérie, qui promet monts et merveilles et en particulier, de nombreux coopérants. En<br />

septembre 75, nous sommes envoyés en escouade, des bateaux entiers, pour la rentrée universitaire.<br />

Le problème, c’est que l’Algérie ne s’attendait pas à un tel afflux, pas suffisamment de logements<br />

pour satisfaire la demande. Les autorités ont voulu nous installer, nous les jeunes VSNA39, dans une<br />

cité étudiante dont on avait, au préalable, vidé les occupants légitimes, à Revoil. Nous n’étions pas<br />

d’accord. Comment faire pression sur les instances administratives ? Le seul recours qui s’offrait à<br />

nous était d’occuper l’ambassade de France… Un beau matin, nous avons investi les locaux de la<br />

Paierie de France40, sur la colline d’Hydra, VSNA et civils mélangés, et nous avons tenu presque<br />

trois semaines ! Les autorités, autant françaises qu’algériennes, étaient embêtées : côté français, ça<br />

ternissait « l’image de marque » et côté algérien, ça faisait désordre et pouvait donner de mauvaises<br />

idées. Au bout de vingt jours, un compromis s’est dégagé : on serait logé par paire de deux<br />

coopérants dans deux cités qui venaient de voir le jour et dont on se souvenait miraculeusement : à<br />

Bouzareah, cité Chevalley, sur les hauteurs d’Alger, et à Meftah (ex Rivet) au pied de l’atlas blidéen,<br />

à trente kilomètres de la capitale.<br />

Moi, je m’étais trouvé une petite combine. Par un pied-noir qui avait gardé le contact avec<br />

son copain d’enfance musulman, je fus recommandé auprès de M…, éminent prof d’université, qui<br />

s’était offert de m’aider en cas de difficulté. Le problème était tout simple : un logement !! Comme il<br />

était locataire d’un bien vacant, un rez-de-chaussée de villa à El Djamila41, il m’a proposé de le souslouer<br />

pour la somme de 900 Dinars. J’en gagnais 1 600. J’avais trouvé un co-locataire, François, de<br />

même statut que moi, cela divisait le loyer qui se trouvait ramené à 450 DA. Officiellement, nous<br />

venions, François et moi, de nous voir attribuer un logement à Meftah (loyer 200 DA). Nous avions<br />

fait la connaissance de coopérants civils, célibataires et plus âgés que nous, que la perspective de<br />

vivre « en couple » dans la cité Chevalley n’enchantait guère et j’ai donc proposé le marché suivant :<br />

Paul ira loger tout seul dans notre appart’ de Meftah, tandis que Jean gardera Chevalley pour lui. En<br />

échange, et pour participer à nos frais, nous pauvres militaires, ils nous verseront chacun 100 DA<br />

mensuels, qui complèteront notre loyer.<br />

Et voilà comment, pendant un an, j’ai vécu à 20 mètres de la mer, dans une villa, en très<br />

mauvais état mais merveilleusement située, tout près du célébrissime port de la Madrague, pour 350<br />

DA par mois. Le soir était très animé, les Algérois venaient manger des crevettes et des rougets<br />

grillés chez Sauveur. Par contre, l’eau du robinet était complètement salée, imbuvable, il n’y avait<br />

39 Volontaire du Service National Actif<br />

Petit Journal de printemps kabyle – <strong>Mai</strong> <strong>2006</strong><br />

40 Opération commando à présent tout à fait irréalisable, je préviens ceux qui seraient tentés de le faire !<br />

41 ex La Madrague, à 16 Kms d’Alger sur la côte ouest, haut lieu de fréquentation de la bonne société algéroise<br />

coloniale, fief, les derniers mois, de l’OAS, qui avait placardé, à l’entrée de la plage : « Interdit aux arabes et aux<br />

chiens ».

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