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CHAPITRE V<br />
Calgary s’excusait presque :<br />
— Vraiment aimable à vous de me re<strong>ce</strong>voir à nouve<strong>au</strong>, monsieur Marshall.<br />
— Je vous en prie, docteur !<br />
— Comme vous le savez, je me suis rendu à « Sunny Point », et j’ai vu la famille Argyle.<br />
— Oui.<br />
— Je pense qu’on vous a fait part de ma visite ?<br />
— C’est exact.<br />
— Et, peut-être, éprouvez-vous quelque peine à comprendre pourquoi je reviens <strong>au</strong>près<br />
de vous ?… Le fait est que les choses ont pris un tour <strong>au</strong>quel je ne m’attendais guère.<br />
— C’est probable.<br />
Selon son habitude, l’avocat s’exprimait avec brièveté et sur un ton dépourvu d’émotion.<br />
Toutefois, Calgary crut dis<strong>ce</strong>rner une vague curiosité qui l’encouragea à parler :<br />
— Je pensais, voyez-vous, que ma démarche mettrait le point final à l’affaire. Si je<br />
m’attendais à… disons un <strong>ce</strong>rtain ressentiment, fa<strong>ce</strong> à une intervention <strong>au</strong>ssi tardive, en<br />
revanche j’espérais qu’il serait vite effacé par la preuve de l’inno<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong> de Jack Argyle :<br />
l’honneur du nom n’était-il pas s<strong>au</strong>f ? Eh bien ! rien de tout <strong>ce</strong>la.<br />
— Je comprends.<br />
— Peut-être aviez-vous déjà une idée de l’accueil qui me serait réservé, monsieur<br />
Marshall ? Votre réserve, lors de ma première visite, m’avait intrigué. Prévoyiez-vous l’état<br />
d’esprit <strong>au</strong>quel j’allais me heurter ?<br />
— Vous ne m’avez pas encore donné des détails précis sur l’attitude de vos <strong>au</strong>diteurs.<br />
— En bref, <strong>au</strong> lieu de clore un pénible chapitre de leur existen<strong>ce</strong> – <strong>ce</strong> que j’espérais – j’ai<br />
été conduit à croire que j’en ouvrais un <strong>au</strong>tre, non moins dramatique. Un chapitre<br />
entièrement nouve<strong>au</strong>, dirais-je. Pensez-vous que <strong>ce</strong>s quelques mots résument exactement la<br />
situation ?<br />
Mr Marshall opina de la tête avant de répondre :<br />
— Oui, il est permis de s’exprimer ainsi. J’admets avoir pensé que vous ne vous rendiez<br />
pas compte de toutes les répercussions que pouvait avoir votre démarche. Évidemment, <strong>ce</strong>la<br />
vous était impossible, puisque vous ignoriez tout <strong>ce</strong> qui ne figurait pas dans les rapports<br />
judiciaires proprement dits.<br />
— Je comprends, maintenant. Trop clairement, hélas ! murmura Calgary.<br />
Soudain, sa voix s’éleva, et il continua sur un ton presque passionné :<br />
— Ce qu’ils ont ressenti, tous, <strong>ce</strong> n’est ni un soulagement, ni une quelconque<br />
reconnaissan<strong>ce</strong>, mais la crainte de <strong>ce</strong> qu’il peut leur arriver maintenant. Ai-je raison ?<br />
La réponse de l’avocat fut circonspecte :<br />
— J’<strong>au</strong>rais probablement tendan<strong>ce</strong> à croire que vous êtes dans le vrai. Notez bien,<br />
toutefois, que <strong>ce</strong>tte impression ne découle pas d’une connaissan<strong>ce</strong> personnelle des faits.<br />
— Toujours est-il, reprit <strong>au</strong>ssitôt Calgary, que je n’ai plus le sentiment de pouvoir<br />
reprendre mes occupations habituelles avec la satisfaction d’avoir redressé un tort <strong>au</strong> mieux<br />
de mes possibilités. Ayant introduit un nouve<strong>au</strong> facteur dans la vie de plusieurs personnes,<br />
ma responsabilité est de nouve<strong>au</strong> en jeu, et je me dois d’en tirer les conséquen<strong>ce</strong>s.