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CHAPITRE XV<br />
— Vous ne me donnez pas l’impression d’avoir obtenu un résultat, dit le commissaire<br />
divisionnaire Finney à Huish, dès son entrée dans le bure<strong>au</strong>.<br />
— Rien de précis, répondit l’officier de poli<strong>ce</strong>. Cependant, je n’ai pas entièrement perdu<br />
mon temps.<br />
— Je vous écoute.<br />
— Eh bien ! les heures et les lieux demeurent les mêmes : à environ dix-neuf heures, Mrs<br />
Argyle était encore vivante. Elle a eu un entretien avec son mari et Gwenda V<strong>au</strong>ghan <strong>au</strong><br />
premier étage, puis Hester l’a vue un peu plus tard dans son salon du rez-de-ch<strong>au</strong>ssée.<br />
Aucun doute à <strong>ce</strong> sujet : <strong>ce</strong>s trois personnes réunies n’ont pu se donner le mot. Jack Argyle<br />
étant désormais hors de c<strong>au</strong>se, il est possible que la victime ait été assommée par son mari,<br />
à un quelconque moment entre dix-neuf heures cinq et dix-neuf heures trente, ou par<br />
Gwenda V<strong>au</strong>ghan, à dix-neuf heures cinq, avant le départ de <strong>ce</strong>lle-ci pour son domicile. À<br />
moins que <strong>ce</strong> ne soit Hester, quelques minutes <strong>au</strong>paravant, ou Kirsten Lindstrom, quand elle<br />
est revenue d’une course dans le village, juste avant dix-neuf heures trente. En <strong>ce</strong> qui<br />
con<strong>ce</strong>rne Philip, sa paralysie lui donne un alibi, mais <strong>ce</strong>lui de sa femme ne v<strong>au</strong>t que par le<br />
seul témoignage du mari. Elle <strong>au</strong>rait pu, très facilement, des<strong>ce</strong>ndre <strong>au</strong> rez-de-ch<strong>au</strong>ssée et<br />
tuer sa mère – si elle l’avait voulu – entre dix-neuf heures et dix-neuf heures trente, à la<br />
condition que Philip Durrant entre dans son jeu. Cependant, le mobile m’échappe. De fait, et<br />
pour <strong>au</strong>tant que je puisse m’en rendre compte, deux personnes seulement avaient un mobile<br />
réel ! Leo Argyle et Gwenda V<strong>au</strong>ghan.<br />
— Déduction ; c’est l’un d’eux, ou tous les deux sont coupables !<br />
— Je ne crois pas qu’ils aient agi de con<strong>ce</strong>rt. À mon point de vue, le crime n’a pas été<br />
prémédité ; je penserais, plutôt à un geste spontané, à une impulsion. Essayons de vivre le<br />
drame : Mrs Argyle se rend dans la bibliothèque et informe son mari et sa secrétaire des<br />
mena<strong>ce</strong>s de Jack. Supposons qu’un peu plus tard, Leo Argyle soit des<strong>ce</strong>ndu voir sa femme<br />
pour lui parler de nouve<strong>au</strong> de leur fils adoptif, ou pour une raison tout <strong>au</strong>tre. Le hasard veut<br />
que le plus grand calme règne dans la maison. Personne <strong>au</strong> rez-de-ch<strong>au</strong>ssée. Le mari entre<br />
dans le salon de Mrs Argyle qu’il aperçoit assise à son bure<strong>au</strong>, le dos tourné ; presque en<br />
même temps, son regard se porte sur le tisonnier, là où Jack l’a jeté après avoir menacé sa<br />
mère… Le choc mental intervient : parfois, les hommes calmes, renfermés, ne résistent pas à<br />
l’impulsion. Le temps de couvrir sa main droite avec un mouchoir – pas d’empreintes ! – de<br />
se saisir du tisonnier, et la malheureuse est assommée. D’instinct, Argyle ouvre un tiroir pour<br />
faire croire à un cambriolage ; il ne lui reste qu’à remonter l’escalier et à attendre, dans la<br />
bibliothèque, qu’on découvre le cadavre. Autre version : il n’est pas exclu qu’avant de se<br />
rendre chez elle, Gwenda V<strong>au</strong>ghan ait jeté un coup d’œil dans le salon et que la colère l’ait<br />
saisie. Dans son esprit, Jacko serait le bouc émissaire, et le mariage avec Argyle deviendrait<br />
possible.<br />
Le commissaire divisionnaire hocha la tête :<br />
— Bien raisonné ! Il va de soi que le couple a pris la préc<strong>au</strong>tion de ne pas annon<strong>ce</strong>r ses<br />
fiançailles trop tôt. Tout <strong>ce</strong>la semble pl<strong>au</strong>sible. Hélas ! <strong>ce</strong> genre de crime devient monotone :<br />
le mari et la troisième personne, ou l’épouse et son compli<strong>ce</strong>… toujours la vieille histoire !