Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
— Ainsi, vous avez jugé né<strong>ce</strong>ssaire de nous parler à tous.<br />
Le ton était fort poli, mais avec une pointe d’indifféren<strong>ce</strong> qui indisposa quelque peu<br />
Calgary.<br />
— Oh ! il ne s’agit guère de visites mondaines, répliqua-t-il sèchement. Ni d’une simple<br />
curiosité – peut-être exagérait-il ? En bref, je tenais à exprimer, personnellement, et à tous,<br />
mon profond regret de n’avoir pu prouver à temps l’inno<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong> de votre frère.<br />
— Je vois…<br />
— Si vous l’aimiez… Au fait, l’aimiez-vous ?<br />
Une courte réflexion, et elle répondit d’un seul mot :<br />
— Non.<br />
— Cependant, on m’a assuré qu’il exerçait un grand charme.<br />
De nouve<strong>au</strong>, la réaction fut brutale :<br />
— Je n’avais <strong>au</strong>cune confian<strong>ce</strong> en lui ; même il m’inspirait de l’aversion.<br />
— Vous n’avez jamais douté de sa culpabilité ?<br />
— L’idée ne m’est jamais venue qu’il eût pu en être <strong>au</strong>trement.<br />
— D’après <strong>ce</strong> que j’ai cru comprendre, il semble que mes révélations – elles prouvent<br />
l’inno<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong> de votre frère – soient sus<strong>ce</strong>ptibles d’avoir des répercussions fâcheuses pour vous<br />
tous.<br />
— Mon père croit que c’est inévitable.<br />
— Vous m’en voyez navré.<br />
— Et pourquoi, monsieur Calgary ?<br />
— Ne suis-je pas responsable ?<br />
— Mais <strong>au</strong>riez-vous eu l’esprit en paix si vous vous étiez tu ?<br />
— Vous vous pla<strong>ce</strong>z sur le plan de la justi<strong>ce</strong> proprement dite ?<br />
— Oui.<br />
— Évidemment, la justi<strong>ce</strong> m’a paru l’emporter sur toute <strong>au</strong>tre considération. Cependant,<br />
je commen<strong>ce</strong> à me demander s’il n’y a pas quelque chose de plus important.<br />
— Quoi, par exemple ?<br />
Calgary pensa soudainement à Hester.<br />
— L’inno<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong>, peut-être, murmura-t-il.<br />
L’opacité des yeux qui le fixaient s’accrût encore.<br />
— Quelle est votre impression, miss Argyle ? demanda le savant.<br />
Elle demeura silencieuse pendant quelques secondes, avant de reprendre la parole :<br />
— Je pense à <strong>ce</strong>s mots de la Grande Charte : « À <strong>au</strong>cun homme, justi<strong>ce</strong> ne sera refusée. »<br />
— Je vois, conclut Calgary. C’est votre dernier mot…