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généralement, décon<strong>ce</strong>rtent un coupable, et laissent les inno<strong>ce</strong>nts dans une indifféren<strong>ce</strong><br />
complète.<br />
Il se tut pendant quelques instants, comme perdu dans ses pensées. Puis, brusquement, il<br />
interpella sa femme.<br />
— Ne voulez-vous pas aider les inno<strong>ce</strong>nts, Mary ?<br />
— Non !<br />
Cette brève réplique claqua comme un coup de fouet, et Philip eut un léger surs<strong>au</strong>t. Ce<br />
que voyant, Mary se rapprocha de son mari et s’agenouilla devant son f<strong>au</strong>teuil :<br />
— Je ne veux pas que vous vous occupiez de toute <strong>ce</strong>tte histoire, Phil ! Cessez de<br />
raisonner, et ne recommen<strong>ce</strong>z pas à tendre des pièges. Pour l’amour de Dieu, abstenezvous<br />
!<br />
Les sourcils de Durrant s’élevèrent.<br />
— Oh ! murmura-t-il, simplement.<br />
Et, tout pensif, il posa une main sur la blonde chevelure de sa femme.<br />
*<br />
* *<br />
Une nuit blanche pour Micky, étendu sur son lit, les yeux grands ouverts dans l’obscurité.<br />
Ses pensées tournaient en rond – lointain rappel d’un écureuil prisonnier dans sa cage. Le<br />
passé ?… Pourquoi était-il impossible de le chasser de son esprit ? Devrait-il se souvenir,<br />
toujours <strong>au</strong>ssi clairement, de <strong>ce</strong>tte chambre enfumée, et plaisante tout à la fois, comme<br />
perdue dans un bas f<strong>au</strong>bourg de Londres ? Se souvenir du petit bonhomme que tous, à<br />
l’époque, appelaient « notre Micky » ? Oh ! quelle atmosphère passionnante ! Ces jeux, dans<br />
les rues, avec tous les « copains ». Sa mère avec sa chevelure dorée – un rinçage bon<br />
marché, se disait-il maintenant, avec son expérien<strong>ce</strong> d’adulte et ses violentes colères qui lui<br />
avaient valu <strong>au</strong>tant de coups – l’effet du gin, bien entendu. Mais quelle folle gaieté, quand<br />
elle était bien disposée ! Quels bons soupers, composés de poisson et de pommes frites, et<br />
après lesquels elle chantait des ballades sentimentales. Parfois, ils allaient <strong>au</strong> cinéma,<br />
toujours accompagnés par « l’oncle » du moment. C’est ainsi qu’il devait appeler les<br />
« compagnons » de passage, car lui, Micky, n’avait pas connu son père, qui s’était empressé<br />
de prendre le large avant sa naissan<strong>ce</strong>. Toutefois, sa mère n’avait jamais permis qu’un<br />
« oncle » quelconque portât la main sur lui : « Laisse notre Micky ! » disait-elle sur un ton<br />
sans réplique.<br />
Puis était venu le branle-bas de la guerre, avec l’attente des bombardiers de Hitler, le<br />
hululement souvent tardif des sirènes, le sifflement plaintif des projectiles, les des<strong>ce</strong>ntes<br />
dans le métro. Quelle vie excitante, sous terre ! Toute la rue était là, chacun avec ses<br />
sandwiches, ses bouteilles de boisson gazeuse. Voilà <strong>ce</strong> qu’on appelait « vivre » ! Au <strong>ce</strong>ntre<br />
même de l’action.<br />
Puis on l’avait conduit à la campagne, à « Sunny Point ». Une maison morte et vivante<br />
tout à la fois – en <strong>ce</strong> sens qu’il ne s’y passait jamais rien de sensationnel.<br />
— Tu reviendras à la fin des hostilités, lui avait assuré sa mère, mais sur un ton léger,<br />
donnant à entendre qu’il n’en irait pas ainsi.<br />
Elle ne semblait guère affectée par son départ. Et pourquoi ne l’avait-elle pas<br />
accompagné ? Be<strong>au</strong>coup de gosses avaient été évacués avec leurs mères. La sienne était