Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
2<br />
Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
Le premier niveau de cette analyse est l’arbre et l’architecture qu’il<br />
développe. Cette architecture, programmée génétiquement et<br />
soumise aux conditions environnementales, révèle les modifications<br />
du milieu et les éventuels traumatismes subis par l’arbre. Au cours de<br />
sa vie, l’arbre acquiert différents statuts révélés notamment par le<br />
rapport entre sa hauteur (H) et son diamètre <strong>à</strong> hauteur de poitrine<br />
(DBH). Lorsque H 100.DBH, il<br />
s’agit d’un «arbre potentiel» : il a encore un important potentiel de<br />
croissance en hauteur pour arriver <strong>à</strong> la lumière et acquérir au plus vite<br />
le statut d’arbre dominant. Lorsque H ≈ 100.DBH, l’arbre est<br />
considéré comme un «arbre du présent» : il a atteint la voûte et<br />
privilégie une croissance en épaisseur du tronc et de son houppier.<br />
C’est l’analyse fine de ce premier niveau d’organisation et sa prise en<br />
compte pour interpréter les deux niveaux suivants (éco-unité et<br />
mosaïque sylvatique) qui constitue la principale différence entre<br />
l’approche traditionnelle (§ 2.2.2) et l’approche architecturale.<br />
2.2.4 Les perturbations, moteurs de la dynamique<br />
forestière<br />
La dynamique forestière n’est pas immuable. Elle est sujette <strong>à</strong> des<br />
variations qui dépendent des espèces forestières, de leur longévité,<br />
des conditions stationnelles, des perturbations, et bien entendu de<br />
l’action de l’homme qui amplifie ou atténue l’impact de ces<br />
perturbations.<br />
Les perturbations influencent la dynamique notamment en<br />
modifiant la durée des phases, voire même en supprimant certaines<br />
phases. Une tempête pourra par exemple initier la phase de<br />
régénération de façon anticipée.<br />
Certaines perturbations entraînent un affaiblissement des espèces<br />
et de l’écosystème, les rendant plus sensibles <strong>à</strong> d’autres<br />
perturbations (effet en cascade). Inversement, une perturbation<br />
pourra contribuer <strong>à</strong> renforcer et stabiliser l’écosystème (lorsque les<br />
espèces développent des stratégies de défense et d’adaptation :<br />
renforcement des défenses immunitaires, sélection d’écotypes<br />
résistants, etc.). La résistance de l’écosystème forestier aux<br />
perturbations dépend principalement de l’état général des arbres :<br />
leur adaptation <strong>à</strong> la station, leur alimentation en eau et nutriments,<br />
leur espace vital, leur capacité de régénération et leur état sanitaire<br />
étant les facteurs les plus importants 139 .<br />
Pour apprécier la naturalité d’un écosystème forestier (§ 3), il est<br />
indispensable de bien distinguer les perturbations <strong>naturel</strong>les des<br />
perturbations anthropiques*.<br />
Les inondations sont par exemple des perturbations <strong>naturel</strong>les.<br />
Mais lorsque leur fréquence ou intensité augmente suite <strong>à</strong><br />
l’aménagement des bassins versants (urbanisation, mise en culture<br />
ou exploitation forestière intensive), leur impact, accentué, a alors<br />
une origine anthropique*.<br />
10<br />
Chaque niveau hiérarchique transfère des<br />
fonctions écologiques aux niveaux hiérarchiques<br />
supérieurs, fonctions qui permettent<br />
d’aboutir <strong>à</strong> l’organisation générale très<br />
stable des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>. Ces<br />
interactions sont fondamentales pour l’organisation<br />
du système 137 .<br />
L’impact d’une perturbation dépendra de<br />
son intensité, du moment auquel elle intervient<br />
(gelées et tempêtes plus graves en<br />
mai lorsque les arbres sont feuillés qu’en<br />
décembre) et de la capacité qu’auront les<br />
individus, les populations et les communautés<br />
perturbés <strong>à</strong> se défendre.<br />
Forêt alluviale inondée (saulaie dans la Réserve <strong>naturel</strong>le<br />
du Delta de la Sauer ; photo : Bernard Boisson)<br />
Dégâts de la tempête Lothar de 1999 (forêt de<br />
Rambouillet ; photo : Bernard Boisson)<br />
Incendie d’une forêt méditerranéenne<br />
(Photo : Bernard Boisson).<br />
Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
Les dégâts de tempêtes, les bris dus <strong>à</strong> la neige et les gelées<br />
tardives sont également des perturbations <strong>naturel</strong>les dont l’impact<br />
peut être aggravé par l’Homme par exemple lorsque les essences<br />
sont inadaptées <strong>à</strong> la station.<br />
Le feu, élément indissociable de la dynamique forestière dans<br />
certaines régions et notamment dans les forêts boréales, est une<br />
perturbation <strong>naturel</strong>le supposée rare en Europe tempérée. La foudre<br />
n’entraînant habituellement dans ces forêts que la perte de quelques<br />
arbres, son impact semble en effet négligeable. L’histoire des<br />
incendies mériterait néanmoins d’être étudié dans nos forêts<br />
tempérées car en l’absence d’exploitation, les volumes de bois mort<br />
(combustible potentiel) étaient jadis beaucoup plus élevés et les<br />
incendies, même occasionnels, ont pu jouer un rôle important dans la<br />
dynamique forestière. Notons qu’en zone méditerranéenne, le feu est<br />
très souvent une perturbation anthropique* (d’origine criminelle ou<br />
accidentelle).<br />
Les dégâts causés par les champignons, insectes pathogènes,<br />
rongeurs et grands herbivores sont des perturbations <strong>naturel</strong>les mais<br />
elles aussi peuvent être accentuées par l’action de l’Homme. Des<br />
plantations d’épicéa inadaptées <strong>à</strong> la station seront plus sensibles aux<br />
chablis entraînant l’ouverture de lisières et une surchauffe du<br />
cambium, conditions favorables aux pullulations de scolytes.<br />
Habituellement «pacifiques», les scolytes pourront, en cas de<br />
pullulation, infester des arbres sains (§ 6.1.2).<br />
Une couverture herbacée dense, favorable aux rongeurs, peut<br />
également avoir pour origine une perturbation <strong>naturel</strong>le (chablis de<br />
vent ou de neige) ou anthropique* (coupe rase, pollution azotée).<br />
Enfin, dans le cas des dégâts de grands herbivores, force est de<br />
constater que la grande majorité des perturbations <strong>à</strong> l’origine des<br />
déséquilibres sylvi-cynégétiques est anthropique*, l’amélioration de<br />
l’habitat (lisières), de l’alimentation, de la fécondité et de la survie<br />
hivernale par les nourrissages, la disparition des prédateurs et le<br />
dérangement (stress) étant les facteurs aggravants les plus importants.<br />
11<br />
2