Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
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Étudier les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
inexploitées 133 (un tiers des 600 bryophytes de Suède peut être<br />
trouvé sur 20 ha seulement de forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> 135 ; dans la<br />
Réserve <strong>naturel</strong>le de la Massane, 34% des 238 champignons<br />
inventoriés sont des saproxyliques 185 ). Les forêts exploitées abritent<br />
souvent moins de la moitié des champignons saproxyliques trouvés<br />
dans les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> 169 . Ces dernières étant de plus en<br />
plus rares en Europe, nombre de ces espèces font aujourd’hui partie<br />
des listes rouges d’espèces menacées (1/3 des polypores* sont<br />
menacés en Suède 171 ). Comme ils abritent de surcroît de nombreux<br />
insectes spécialisés (§ 5.4.3) dont se nourrissent <strong>à</strong> leur tour les<br />
vertébrés insectivores 145 , la valeur bio-indicatrice des végétaux<br />
inférieurs a souvent été soulignée.<br />
De nombreuses études présentent les qualités bio-indicatrices des<br />
végétaux inférieurs et notamment celles des lichens forestiers. La<br />
majorité de ces travaux concernent les polluants et plus récemment<br />
les changements climatiques. La continuité écologique (couverture<br />
forestière, feux, stabilité des surfaces) peut également être évaluée <strong>à</strong><br />
l’aide des lichens 82 . En Europe, Lobaria pulmonaria <strong>à</strong> souvent été<br />
utilisé pour évaluer la continuité temporelle des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong><br />
<strong>naturel</strong>. Le thalle* d’un individu peut se maintenir plusieurs décennies<br />
sur le même arbre. Sa reproduction sexuée étant rare, c’est la<br />
dissémination des sorédies (masses de cellules produites <strong>à</strong> la surface<br />
du thalle) qui assure le maintien de l’espèce 71 . Plus lourdes que les<br />
spores, la plupart tombent verticalement et leur dissémination est<br />
improbable <strong>à</strong> plus de quelques mètres. Si la présence continue de<br />
gros arbres est rompue, cette espèce ne pourra se maintenir. Il existe<br />
une trentaine de lichens similaires dans les chênaies d’Europe<br />
occidentale. Ils ont été utilisés notamment en Grande-Bretagne 152 et<br />
aux Etats-Unis 160 pour établir des «indices de continuité écologique».<br />
Les polypores* offrent quant <strong>à</strong> eux d’intéressantes perspectives<br />
d’étude de la continuité spatiale. Contrairement <strong>à</strong> Lobaria pulmonaria,<br />
ces champignons doivent pouvoir coloniser des habitats (arbres morts<br />
ou mourants) éphémères, disséminés et d’apparition aléatoire. Bien<br />
que certaines de leurs spores (plusieurs milliers produits par heure et<br />
par cm 2 ) puissent être emportées sur de longues distances (plusieurs<br />
centaines de km) 177 , la plupart tombent <strong>à</strong> proximité immédiate du<br />
champignon (de plus il faut que deux spores atterrissent au même<br />
endroit pour que la colonisation du champignon puisse débuter). Si la<br />
densité et le taux de renouvellement des gros arbres morts sont trop<br />
faibles, la continuité spatiale de l’habitat «gros arbre mort» sera<br />
rompue et ces espèces disparaîtront. Le phénomène est<br />
particulièrement flagrant dans certaines hêtraies françaises en<br />
réserve intégrale où les amadouviers colonisent fortement et très<br />
rapidement tous les hêtres morts ou mourants alors que dans les<br />
parcelles exploitées voisines et aux conditions stationnelles pourtant<br />
identiques, leur colonisation n’est qu’occasionnelle même lorsqu’un<br />
hêtre mort de gros diamètre est laissé sur place. Certains<br />
champignons saproxyliques sont également d’excellents indicateurs<br />
de la continuité temporelle. En Finlande par exemple, plusieurs<br />
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Lobaria pulmonaria est un lichen <strong>à</strong> colonisation lente dont<br />
la présence est associée <strong>à</strong> celle de gros arbres. Il est de<br />
ce fait un indicateur de la continuité forestière<br />
(Photo : Bernard Boisson)<br />
La régénération d’une futaie régulière<br />
après tempête (perturbation <strong>naturel</strong>le) permet<br />
le maintien d’un plus grand nombre de<br />
lichens que la régénération après coupe<br />
rase 148 .<br />
Les espèces dont la vitesse de colonisation<br />
est faible (quelques mètres par an au plus)<br />
sont toutes potentiellement bio-indicatrices<br />
de la continuité temporelle forestière.<br />
Les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> françaises abritent<br />
plusieurs milliers d’espèces de coléoptères<br />
saproxyliques. Chacune ayant une<br />
écologie particulière, leur diversité dépend<br />
de celle des micro-habitats (§ 2.2.7).<br />
Étudier les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
espèces (dont Fomitopsis rosea) sont typiques des forêts <strong>naturel</strong>les<br />
mais absentes des forêts exploitées même matures 168 . Notons enfin<br />
que certaines espèces sont sensibles aux effets de lisière qui<br />
engendrent des conditions microclimatiques défavorables 171 .<br />
L’étude des plantes inférieures, difficile (espèces nombreuses,<br />
identification délicate), présente l’avantage par rapport aux<br />
insectes d’une plus grande souplesse d’échantillonnage. Les<br />
espèces étant immobiles et ayant une durée de vie parfois très<br />
longue, les relevés ne sont pas biaisés par l’activité des espèces<br />
(périodes d’éclosion, pluie…). Néanmoins :<br />
• l’absence d’une espèce caractéristique des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong><br />
<strong>naturel</strong> n’indique pas nécessairement que l’habitat est défavorable<br />
(§ 4.3). Il est donc conseillé d’étudier un grand nombre de stations<br />
ou plusieurs groupes taxonomiques (par exemple lichens et<br />
coléoptères) pour évaluer qualitativement un habitat forestier 129 ;<br />
• la présence de ces espèces n’est pas suffisante pour attribuer <strong>à</strong><br />
l’habitat une «bonne note». Certains polypores* peuvent par<br />
exemple se maintenir malgré la fragmentation d’un massif mais <strong>à</strong><br />
des densités telles qu’ils ne permettent plus <strong>à</strong> leur faune associée<br />
(mycophages par exemple) de se maintenir 97 . En outre, en cas<br />
d’exploitation, certaines espèces typiques des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong><br />
<strong>naturel</strong> vont pouvoir se maintenir quelque temps sur le bois mort<br />
sans valeur laissé sur place 169 (cf. «crédit d’espèces» : § 4.3.3).<br />
5.4.3 Les insectes saproxyliques* et la diversité des<br />
micro-habitats<br />
L’étude des insectes forestiers fournit de nombreux enseignements<br />
mais est de mise en œuvre délicate : spécialistes peu nombreux et<br />
très sollicités, ouvrages de référence rares, écologie des espèces peu<br />
connue, méthode de capture (mort de l’animal) incompatible avec la<br />
réglementation, etc. Les gestionnaires se focalisent donc souvent<br />
vers la famille la mieux connue : les coléoptères.<br />
Bien connus (par exemple longicornes), les coléoptères ont<br />
l’avantage d’être nombreux (en espèces et en individus) et bien<br />
représentés dans les milieux forestiers : la moitié des 10.000<br />
espèces de France s’y rencontrent 48 .<br />
Certaines sont ubiquistes et se rencontrent dans toutes les forêts,<br />
d’autres (certains carabes) ont besoin de grosses souches<br />
pourrissantes et sont de fait plus localisées. Les plus remarquables et<br />
typiques des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> sont indéniablement les<br />
saproxyliques 22 , acteurs de la décomposition du bois.<br />
Leur forte diversité s’accompagne d’une grande spécialisation.<br />
Chaque niche écologique (écorce détachée, coulée de sève, cavités<br />
cariées, humus ligneux, champignons, bois mort, mourant, en<br />
décomposition, etc.) possède sa propre communauté de<br />
saproxyliques appartenant <strong>à</strong> différents niveaux trophiques<br />
(détritiphages, xylophages, mycophages ou prédatrices).<br />
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