13.07.2013 Views

Forêts à caractère naturel

Forêts à caractère naturel

Forêts à caractère naturel

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

3<br />

La naturalité : utopie ou panacée écologique ?<br />

Ce choix est parfois difficile :<br />

Faut-il lutter contre les espèces envahissantes (introduites ou<br />

simplement en dehors de leur aire <strong>naturel</strong>le comme le hêtre en forêt<br />

rhénane), si nécessaire <strong>à</strong> l’aide d’herbicides, pour retrouver les<br />

associations végétales indigènes de nos forêts fluviales ?<br />

Faut-il créer des trouées artificielles pour permettre au grand tétras<br />

de survivre ? (voir § 4.1.2)<br />

Faut-il réintroduire le castor dans nos réserves fluviales, le lynx et<br />

l’ours dans nos forêts de montagne ?<br />

Pour répondre <strong>à</strong> ce type de questions, le gestionnaire doit tout<br />

d’abord évaluer l’impact de ses mesures de gestion (actives ou<br />

passives) en termes de naturalité biologique et anthropique :<br />

A. Augmenter exagérément les densités de certaines espèces (par<br />

exemple les cervidés par des aménagements sylvicoles ou<br />

cynégétiques ; certains oiseaux par la pose de nichoirs) diminue <strong>à</strong><br />

la fois la naturalité anthropique (par les travaux) et la naturalité<br />

biologique (par la modification des équilibres <strong>naturel</strong>s). L’action doit<br />

donc être rejetée si l’objectif est d’augmenter la naturalité de la<br />

forêt.<br />

B. De même, la plantation de taxons* exotiques <strong>à</strong> la station entraîne<br />

une baisse combinée de la naturalité biologique et anthropique.<br />

C. La fermeture d’une piste forestière n’a quant <strong>à</strong> elle pas d’impact<br />

immédiat sur la naturalité biologique mais l’opération est<br />

immédiatement justifiée par l’augmentation de la naturalité<br />

anthropique (réduction du dérangement pour la faune sensible).<br />

D. La restauration de l’emprise d’une piste permettra au contraire<br />

d’augmenter la naturalité biologique (par exemple en ramenant<br />

dans son lit <strong>naturel</strong> un ruisseau dévié par des ornières) sans<br />

modifier significativement la naturalité anthropique (une piste étant<br />

déj<strong>à</strong> un milieu fortement anthropisé et les travaux de restauration<br />

n’étant que transitoires). L’opération est donc l<strong>à</strong> encore justifiée en<br />

terme de naturalité.<br />

E. L’interdiction du ramassage d’espèces saproxyliques* (par exemple<br />

les amadouviers) est une mesure plus simple <strong>à</strong> évaluer puisqu’elle<br />

permet d’augmenter <strong>à</strong> la fois la naturalité biologique (meilleure<br />

redistribution des éléments minéraux dans le sol) et anthropique<br />

(moins de fréquentation et de perturbations).<br />

F. La restauration du sous bois forestier par destruction mécanique<br />

d’une espèce exotique envahissante contribuera <strong>à</strong> augmenter la<br />

naturalité biologique au détriment de la naturalité anthropique.<br />

G. La non-intervention en cas de régénération spontanée d’essences<br />

exotiques <strong>à</strong> la station (épicéa en montagne) entraînera au contraire<br />

une augmentation de la naturalité anthropique* au détriment de la<br />

naturalité biologique.<br />

Dans les cinq premiers cas (A-E), l’impact des opérations de<br />

gestion en termes de naturalité est facile <strong>à</strong> évaluer. Dans les deux<br />

30<br />

1<br />

0<br />

-1<br />

-1<br />

Impact de quelques opérations de gestion sur les<br />

naturalités biologiques et anthropiques<br />

Située en haut <strong>à</strong> droite, l’opération est justifiée en terme<br />

d’augmentation de la naturalité globale. Située en bas <strong>à</strong><br />

gauche, elle doit être évitée. Dans la partie médiane du<br />

graphique, les bénéfices en terme de naturalité sont<br />

discutables et la question doit être approfondie.<br />

1<br />

0<br />

Naturalité biologique<br />

F<br />

A & B<br />

Degré de naturalité<br />

D E<br />

0 1<br />

Naturalité anthropique<br />

Effort de gestion<br />

L’effort nécessaire pour augmenter la naturalité forestière<br />

dépend du type d’altération mais aussi de la naturalité<br />

initiale du peuplement. Il est plus simple de doubler la<br />

naturalité d’une plantation d’essence exotique (carrés)<br />

que d’augmenter de 10% la naturalité d’une forêt <strong>à</strong><br />

<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> (cercles).<br />

G<br />

C<br />

EN RÉSUMÉ, LA QUÊTE D’UNE PLUS<br />

FORTE NATURALITÉ FORESTIÈRE DOIT<br />

S’ORGANISER EN 4 ÉTAPES :<br />

Il convient tout d’abord de définir la naturalité<br />

potentielle maximale du site (voir § 3.1).<br />

En comparant cet état et l’état actuel de la<br />

forêt, il est ensuite possible de dresser la<br />

liste des facteurs qui contribuent (ou ont<br />

contribué) <strong>à</strong> diminuer la naturalité de cette<br />

forêt : facteurs abiotiques* (changements<br />

climatiques, modification des sols), biotiques*<br />

(disparition ou introduction d’espèces,<br />

nouveaux équilibres biologiques) ou<br />

directement anthropiques* (exploitation,<br />

fréquentation).<br />

Il convient ensuite de définir les moyens<br />

d’action (opérations) envisageables (faisabilité<br />

et pertinence scientifique) pour réduire<br />

ou annuler l’impact de ces facteurs. C’est<br />

lors de cette étape que vont apparaître les<br />

dilemmes entre gestion active et passive.<br />

La dernière étape est plus «politique». Elle<br />

consiste <strong>à</strong> sélectionner les opérations qui<br />

seront retenues pour réduire l’écart entre la<br />

naturalité actuelle d’une forêt et sa naturalité<br />

potentielle maximale. La naturalité peut<br />

être augmentée dans toutes les forêts.<br />

Qu’elles soient intensivement exploitées ou<br />

classées en réserves intégrales depuis longtemps,<br />

il existe toujours des facteurs qui<br />

altèrent leur naturalité (qu’ils agissent au<br />

sein, en périphérie immédiate, ou <strong>à</strong> grande<br />

distance de la réserve). En règle générale,<br />

plus la naturalité d’une forêt est faible, plus<br />

il est facile (techniquement et économiquement)<br />

de l’augmenter (voir fig. p.30 bas).<br />

Laisser un arbre mort dans une plantation<br />

de peupliers est une opération simple et<br />

peu coûteuse. Lutter contre le dépérissement<br />

d’une forêt <strong>à</strong> forte naturalité en<br />

revanche n’est pas <strong>à</strong> la portée du gestionnaire<br />

et relève de programmes internationaux<br />

de lutte contre la pollution. Ces étapes<br />

sont proches de celles des plans de gestion<br />

de réserves <strong>naturel</strong>les151 . L’évaluation des<br />

mesures de gestion devra également être<br />

initiée <strong>à</strong> intervalles réguliers (10 ans étant<br />

suffisant pour les écosystèmes forestiers).<br />

La naturalité : utopie ou panacée écologique ?<br />

derniers (F-G), le gestionnaire est confronté <strong>à</strong> un dilemme : laquelle<br />

des naturalités anthropique* ou biologique faut-il privilégier ?<br />

Il n’y a pas de réponse parfaite <strong>à</strong> cette question. On ne peut<br />

évaluer comparativement (et donc classer objectivement) deux<br />

orientations aussi différentes. Lorsque de tels dilemmes apparaissent<br />

et pour éviter les choix malheureux, les gestionnaires doivent se<br />

poser certaines questions plus générales avant d’opter pour l’une ou<br />

l’autre solution 105 :<br />

• La naturalité globale du site est-elle remise en cause par l’action<br />

envisagée ?<br />

• Les connaissances techniques sont-elles suffisantes pour<br />

«manipuler» la naturalité du site ?<br />

• Quels sont les conséquences et risques engendrés par l’action du<br />

gestionnaire par rapport <strong>à</strong> ceux d’une non-action ?<br />

• L’opinion publique a t-elle une confiance suffisante dans le<br />

gestionnaire pour lui donner carte blanche ?<br />

• Le souhait de retrouver un écosystème plus proche de son<br />

fonctionnement originel (forte naturalité biologique) est-il plus<br />

important que celui de garder un milieu sans impact humain (forte<br />

naturalité anthropique*) ?<br />

• Combien de perturbations anthropiques (gestion active) sont<br />

tolérables dans un milieu <strong>à</strong> forte naturalité ?<br />

• Peut-on définir un objectif pour le degré de naturalité futur <strong>à</strong><br />

atteindre ? Etc.<br />

3.3. Naturalité et biodiversité : concepts<br />

antinomiques ou complémentaires ?<br />

Certains acteurs forestiers ont déj<strong>à</strong> intégré le concept de naturalité<br />

dans leur politique de gestion. Plusieurs obstacles limitent néanmoins<br />

la généralisation de ces initiatives :<br />

• Adoptant un concept encore peu connu, les gestionnaires peuvent<br />

se heurter <strong>à</strong> l’incompréhension de leurs interlocuteurs (public,<br />

décideurs, autres gestionnaires) qui préfèrent fonder leurs<br />

politiques de conservation sur le concept de biodiversité ;<br />

• Lorsque le gestionnaire vise <strong>à</strong> augmenter <strong>à</strong> la fois naturalité et<br />

biodiversité, certaines mesures de gestion peuvent sembler<br />

contradictoires.<br />

Surmonter le premier obstacle nécessite la formation des acteurs<br />

au concept de naturalité (un des objectifs de ce cahier technique).<br />

Choisir entre deux mesures de gestion divergentes paraît plus délicat<br />

bien que dans la plupart des cas, l’antinomie ne relève que d’une<br />

utilisation erronée ou partielle du concept de biodiversité. Revenons<br />

donc tout d’abord sur la définition de la biodiversité.<br />

La biodiversité (ou diversité biologique) n’est qu’un des concepts<br />

dont nous disposons pour évaluer qualitativement un milieu <strong>naturel</strong>.<br />

31<br />

3

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!