Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
6<br />
Autres perspectives pour les gestionnaires<br />
d’étendre <strong>à</strong> nouveau leur aire de distribution. De nombreuses<br />
espèces saproxyliques ayant une mobilité réduite, la condition sine<br />
qua non au succès d’une telle politique est que ces îlots soient<br />
suffisamment grands pour permettre <strong>à</strong> toutes les phases<br />
sylvigénétiques d’être présentes simultanément. Dans le cas<br />
contraire, les espèces dont la survie dépend d’une phase particulière<br />
du cycle sylvigénétique seront obligées de migrer d’un îlot <strong>à</strong> un autre<br />
pour se maintenir sous la forme de méta-populations (leur survie<br />
dépendra alors entre autres de la distance entre ces îlots et de leur<br />
capacité migratoire ; § 4.3.3).<br />
L’intérêt de ces îlots de vieillissement ou d’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong><br />
<strong>naturel</strong> en général peut être augmenté en y associant une zone<br />
«tampon». Cette zone peut être permanente (périmètre de largeur<br />
donnée dans lequel on conserve une certaine structure, une certaine<br />
densité d’arbres morts, etc.) ou faire l’objet d’une rotation (fig. cidessous).<br />
Rotation forestière avec zone centrale refuge<br />
82<br />
2000 2025 2050<br />
2075 2100 2125<br />
Coupe rase<br />
25 ans<br />
50 ans<br />
75 ans<br />
100 ans<br />
6.3.3 Conserver des arbres morts<br />
Un autre moyen de restaurer pour partie la naturalité d’une forêt<br />
est d’y augmenter le volume de bois mort, habitat important pour les<br />
espèces (§ 5.3) et pour la fonctionnalité forestière. Trois approches<br />
distinctes peuvent être proposées :<br />
Augmenter le nombre d’arbres morts 125<br />
• ETABLIR LES OBJECTIFS À ATTEINDRE :<br />
Cette première phase est sans doute la plus délicate. Lorsqu’il<br />
s’agit d’augmenter la biodiversité, la procédure consiste <strong>à</strong> identifier<br />
les espèces liées aux bois morts et <strong>à</strong> cavités, <strong>à</strong> étudier la taille de<br />
leur territoire, les diamètres d’arbres dont elles ont besoin (et leur<br />
état : bois mort sur pieds, couché, ferme, vermoulu…) puis <strong>à</strong> en<br />
déduire le nombre et le type d’arbres morts nécessaires au<br />
maintien de ces espèces. Il est évident qu’une telle approche,<br />
Pour réduire l’impact de la fragmentation et de la<br />
réduction des surfaces forestières <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>,<br />
Harris 79 propose une rotation. La forêt est gérée autour<br />
d’un noyau central non géré (servant de zone refuge pour<br />
les espèces de forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>) de façon <strong>à</strong> ce<br />
que des forêts de tout âge soit en contact avec ce noyau.<br />
Quelles que soient les exigences des espèces pour les<br />
stades jeunes ou âgés, elles bénéficieront donc toujours<br />
d’une zone favorable additionnelle en plus de la zone<br />
centrale refuge. La surface occupée par une espèce<br />
donnée sera donc élargie, ainsi que ses possibilités de<br />
migrer d’une zone refuge <strong>à</strong> une autre dans l’hypothèse ou<br />
ce schéma serait reproduit <strong>à</strong> grande échelle (§ 4.3).<br />
Evaluation de restauration nécessaire pour retrouver un<br />
niveau de naturalité en bois mort de 50% (exemple<br />
arbitraire) pour une hêtraie exploitée des Pyrénées<br />
orientales. Les barres blanches indiquent la densité<br />
d’arbres morts <strong>à</strong> l’hectare dans la réserve intégrale de la<br />
Massane, les barres vertes la densité mesurée en<br />
périphérie dans une forêt domaniale exploitée<br />
(méthode 65 ), les barres noires le déficit en arbres mort par<br />
hectare calculé <strong>à</strong> partir d’un objectif de restauration de<br />
50% (ligne verte). Cette restauration impliquerait dans cet<br />
exemple la conservation d’arbres morts de plus de 55 cm<br />
de diamètre (Gilg, O., Garrigue, J. & Magdalou, J.A.,<br />
inédit).<br />
Sur ce site comme dans bien d’autres forêts exploitées,<br />
ce sont les arbres morts de gros diamètre qui font le plus<br />
cruellement défaut. Le nombre absolu d’arbres mort n’a<br />
aucune valeur indicatrice de la naturalité d’une forêt s’il<br />
n’est pas fait mention de leur diamètre, les arbres morts<br />
de faible diamètre étant parfois même plus nombreux<br />
dans les forêts exploitées (lors de la phase<br />
d’accroissement notamment) que dans les forêts<br />
inexploitées 65 .<br />
Réserve <strong>naturel</strong>le du Grand Ventron (Photo : Olivier Gilg).<br />
Autres perspectives pour les gestionnaires<br />
envisageable pour quelques espèces bien connues (oiseaux par<br />
exemple) ne permettra jamais d’évaluer les besoins des plus petites<br />
qui contribuent le plus <strong>à</strong> la biodiversité. Cette approche devra donc<br />
être réservée aux espèces les plus menacées.<br />
De façon plus arbitraire, le gestionnaire peut simplement fixer un<br />
niveau de «naturalité – bois mort» <strong>à</strong> restaurer. En fonction du<br />
nombre et du type d’arbres morts optimaux (forêt de référence) et<br />
des valeurs observées sur son site, il pourra déterminer ses propres<br />
objectifs de conservation d’arbres morts (fig. ci-dessous). Le choix<br />
du niveau de «naturalité – bois mort» dépendra bien entendu du<br />
sacrifice d’exploitation qu’il sera prêt <strong>à</strong> concéder. Il est important<br />
que ce niveau soit le même pour toutes les classes de diamètre<br />
pour s’assurer que la nécromasse ne soit pas uniquement restaurée<br />
par des arbres de faibles diamètres.<br />
• ESTIMER LE NOMBRE D’ARBRES MORTS PRÉSENTS :<br />
Cette phase d’inventaire permettra au gestionnaire d’évaluer (avant<br />
restauration) le niveau de naturalité déj<strong>à</strong> existant dans sa forêt en<br />
terme d’arbres morts.<br />
• ESTIMER LE TAUX DE RENOUVELLEMENT DU BOIS MORT :<br />
Objectif «arbres morts» :<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
Nombre d'arbres morts par classes de diamètre<br />
5/15 16/35 36/55 56/75 76/95 96/105<br />
Classes de diamètre des arbres en cm<br />
Cette troisième phase (si connaissances suffisantes) permettra de<br />
planifier l’effort de restauration en fonction de l’âge et du type de<br />
forêt. Il est par exemple impossible de retrouver <strong>à</strong> court terme des<br />
arbres morts de gros diamètres dans une futaie régulière en phase<br />
d’accroissement. Connaître le taux de renouvellement du bois mort<br />
permet d’anticiper ce problème en conservant de grands arbres lors<br />
de l’exploitation.<br />
• GÉRER LE RECRUTEMENT DES ARBRES MORTS :<br />
La dernière phase est la phase opérationnelle qui consiste <strong>à</strong><br />
«produire» les arbres morts. Le plus simple et le plus économique<br />
est de ne pas exploiter les arbres mourants ou les chablis. On<br />
pourra également garder des arbres creux ou mal formés et les<br />
laisser évoluer jusqu’<strong>à</strong> leur mort <strong>naturel</strong>le plutôt que de les couper<br />
lors des travaux d’entretien et d’éclaircie.<br />
83<br />
6