Forêts à caractère naturel
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Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
La décomposition du bois mort ne prend que quelques années<br />
pour les petites branches et autres débris ligneux mais peut dépasser<br />
un siècle pour certaines espèces, notamment dans les stations<br />
froides, sèches et pauvres. Certains troncs de chêne peuvent mettre<br />
200 ans avant de disparaître totalement 118 et certains conifères sont<br />
encore visibles 400 ans après leur mort 144 . Plus couramment, les<br />
troncs de hêtre et les bois tendres sont presque totalement recyclés<br />
après 10-20 ans, ceux des chênes avant 100 ans.<br />
Au cours de sa décomposition, le bois mort passe par différentes<br />
stades, plus ou moins attractifs pour les espèces saproxyliques*. Ces<br />
stades et les différentes classifications utilisées pour décrire le bois<br />
mort seront présentés au § 5.3.<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
1,5<br />
20<br />
Taux de recrutement du bois mort (R) en m3/ha/an<br />
2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5<br />
Taux de décomposition du bois mort en % par an<br />
600-700<br />
500-600<br />
400-500<br />
300-400<br />
300-300<br />
100-200<br />
0-100<br />
«Volume d’équilibre» du bois mort (en m 3 /ha) en fonction des taux de recrutement<br />
et de décomposition.<br />
Selon cet abaque, le volume de bois mort en situation d’équilibre est supérieur <strong>à</strong> 100 m 3<br />
dans une pessière ou une pinède peu productive (recrutement de 4 m 3 /an et taux de<br />
décomposition de 3.5% par an),. Dans une bétulaie (taux de décomposition de 4.5% par<br />
an) ayant la même productivité, ce volume de bois mort serait inférieur <strong>à</strong> 100 m 3 .<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
Volume de bois mort résiduel<br />
5%<br />
2,5%<br />
1,0%<br />
0<br />
1 21 41 61 81 101 121 141 161 181<br />
Nombre d'année depuis la mort de l'arbre<br />
Recyclage du bois mort en fonction du taux de décomposition.<br />
Le volume de bois mort résiduel <strong>à</strong> l’année t (Yt) peut être estimé par l’équation :<br />
Yt = Y0e- kt ;<br />
dans laquelle Y0 correspond au volume de bois mort initial, k est le taux de<br />
décomposition, et t est l’année pour laquelle on souhaite connaître le volume résiduel 78 .<br />
Avec un taux de décomposition de 5% par an (courbe noire : bois tendre, climat chaud ou<br />
humide), 10 m 3 de bois mort seront recyclés en un siècle alors qu’il faudra plus de 2<br />
siècles pour recycler le même volume avec un taux de décomposition de 1% (courbe<br />
verte : bois dur, climat sec ou froid). La courbe pointillée simule le recyclage du bois mort<br />
avec un taux de décomposition moyen de 2.5% par an.<br />
Les souches sont souvent le seul refuge pour certaines<br />
espèces saproxyliques dans les forêts exploitées<br />
(Photo : Olivier Gilg).<br />
Dans la zone tempérée, le taux de décomposition<br />
du bois mort k varie de moins de 1<br />
<strong>à</strong> plus de 5% par an. Les espèces européennes<br />
se décomposent habituellement<br />
plus vite que les espèces nord-américaines,<br />
ce qui explique en partie les<br />
volumes de bois mort plus élevés trouvés<br />
dans les forêts <strong>naturel</strong>les nord-américaines.<br />
A noter que la décomposition est<br />
beaucoup plus rapide dans les régions tropicales<br />
chaudes et humides (k = 11.5% en<br />
moyenne pour 5 espèces <strong>à</strong> Porto Rico et<br />
46.1% pour 9 sp au Panama).<br />
Valeurs moyennes de k selon les essences et<br />
régions étudiées78,163,178,180 :<br />
Abies concolor (Californie/USA) : 4.9%<br />
Betula pendula (NW Russie) :<br />
Populus tremula DBH > 25 cm (Russie)<br />
4.5%<br />
4.4%<br />
Pinus sylvestris (NW Russie) : 3.4%<br />
Picea abies (NW Russie et Norvège) : 3.3%<br />
Abies balsamea (New Hamp./USA) 2.9-3%<br />
Quercus spp. (Indiana/USA): 3.0%<br />
Picea abies (St Petersbourg/Russie) 1.6%<br />
Pinus sylvestris DBH > 15 cm (Russie) 1-2.7%<br />
Pseudotsuga menziesii (Oregon/USA): 0.5%<br />
Les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> ne représentent<br />
plus que 1 <strong>à</strong> 3% des forêts d’Europe<br />
de l’ouest et sont fortement fragmentées.<br />
Les forêts boréales, souvent parsemées de zones<br />
humides (ici en Sibérie), sont les seules en Europe qui<br />
présentent encore d’importantes surfaces <strong>à</strong> <strong>caractère</strong><br />
<strong>naturel</strong> (Photo : Olivier Gilg).<br />
La protection actuelle de 6.3% des forêts<br />
européennes ne couvre que la moitié des<br />
forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> identifiées. Leur<br />
destruction se poursuit chaque année 72 .<br />
Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
2.3. Les dernières forêts vierges d’Europe<br />
L’état des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> européennes a fait l’objet de<br />
nombreuses synthèses 2,60,69,141,155,157 dont la plus récente et la plus<br />
complète est celle du WWF 72 . La qualité des informations reste<br />
néanmoins très variable selon les pays.<br />
2.3.1 Des surfaces en constante régression<br />
La déforestation (maximale il y a 100 ans) n’a laissé que 23% du<br />
territoire de l’Union Européenne boisés contre 80 <strong>à</strong> 90% <strong>à</strong> la fin de la<br />
dernière glaciation. Si l’on inclut l’Ouest de la Russie, l’Europe abrite<br />
pourtant encore plus de 10% des forêts du globe.<br />
En Finlande et Suède la forêt couvre encore plus de 60% du<br />
territoire alors qu’en Grande Bretagne, Irlande et Pays Bas, elle a été<br />
réduite <strong>à</strong> moins de 10%.<br />
Nos forêts actuelles sont très différentes des forêts originelles qui,<br />
en disparaissant, ont emporté avec elles une bonne part de la<br />
biodiversité européenne. La plus forte réduction a affecté les forêts<br />
méditerranéennes et alluviales dont certaines ont été détruites <strong>à</strong> plus<br />
de 99% durant les 50 dernières années.<br />
Au total, le continent européen abriterait encore 15-20 millions d’ha<br />
de forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> (surface équivalente aux forêts<br />
françaises) mais leur distribution est inégale. C’est en Europe du<br />
Nord et de l’Est, notamment <strong>à</strong> proximité de l’Oural, que les forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> sont les plus abondantes.<br />
2.3.2 Des protections insuffisantes<br />
Les stratégies <strong>à</strong> mettre en œuvre pour protéger les forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> varient selon les pays. En Europe où les forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> sont généralement fragmentées et de surface<br />
réduite, il convient d’abord de protéger les rares îlots relictuels encore<br />
existants, et ensuite de restaurer la naturalité de certaines forêts<br />
exploitées, notamment celles abritant des habitats non représentés<br />
dans le réseau de forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> existant.<br />
Le taux de protection est également très variable en Europe où 1 <strong>à</strong><br />
10% des forêts sont habituellement protégées selon les pays. Le<br />
bilan est préoccupant pour les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> qui<br />
nécessitent une protection intégrale puisqu’<strong>à</strong> l’exception des pays<br />
scandinaves, les réserves intégrales protègent moins de 1% des<br />
forêts européennes 141 .<br />
De plus, la plupart de ces protections concernent des forêts<br />
improductives (sols pauvres), des forêts de montagne (fortes pentes)<br />
ou autres forêts inaccessibles et les forêts de plaines (ou sur sols<br />
riches) sont largement sous représentées (notamment les formations<br />
littorales, méditerranéennes et hygrophiles). En Europe, les forêts<br />
protégées sont très dispersées (37.800 zones) et de taille réduite<br />
(95% ont moins de 10 ha). Des 50 plus grandes réserves forestières,<br />
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