Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
6<br />
Autres perspectives pour les gestionnaires<br />
(création de cavités), mais dont la réalisation est également<br />
envisageable dans un contexte de restauration. La réintroduction<br />
d’invertébrés saproxyliques mériterait également d’être étudiée.<br />
L’efficacité du transfert d’adultes ou de tronc d’arbres contenant des<br />
larves pourrait être évalué sur quelques sites pilotes. Pour augmenter<br />
les chances de réussite et ne pas «dévaliser» les forêts <strong>naturel</strong>les de<br />
leur bois mort, on peut très bien envisager le transport de bois mort<br />
«colonisable» (d’âge favorable pour l’espèce ciblée) vers une forêt <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> <strong>à</strong> une époque favorable (période d’activité et de<br />
ponte des adultes) puis le ramener au courant de l’hiver suivant dans<br />
la forêt <strong>à</strong> restaurer 172 . Le transfert de lichens épiphytes accrochés <strong>à</strong><br />
des morceaux d’écorces <strong>à</strong>, au contraire, déj<strong>à</strong> été conduite avec<br />
succès dans certaines forêts 144 et est envisageable pour les espèces<br />
rares (Lobaria spp.) et typiques des forêts <strong>naturel</strong>les <strong>à</strong> forte<br />
continuité 71,83,84 .<br />
Par définition, la réintroduction n’est envisageable que pour les<br />
espèces dont la présence historique est attestée. Cette contrainte<br />
limite malheureusement la généralisation de telles actions pour les<br />
petites espèces (invertébrés, bryophytes, champignons, lichens) dont<br />
la présence ancienne, souvent suspectée, est rarement documentée.<br />
6.4. Certifier les gestionnaires<br />
respectueux<br />
L’opinion publique n’est pas insensible aux travers de l’exploitation<br />
des forêts <strong>naturel</strong>les dans le monde. Depuis une dizaine d’années,<br />
les consommateurs recherchent des aliments et matériaux produits<br />
selon une certaine éthique. Des procédures de certifications se<br />
mettent donc aujourd’hui en place pour leur permettre d’identifier les<br />
produits bois issus de forêts dans lesquelles «les aspects sociaux,<br />
économiques, écologiques, culturels et spirituels sont pris en compte<br />
pour les générations présentes et futures».<br />
Devant la multiplication des différents types de certifications,<br />
plusieurs organisations non gouvernementales ont récemment évalué<br />
les quatre principales certifications actuelles (www.fern.org) : Forest<br />
Stewardship Council (FSC), Pan-European Forest Certification (PEFC),<br />
Canadian Standards Association (CSA) et Sustainable Forestry<br />
Initiative (SFI). Cette évaluation, validée et soutenue par les<br />
principales organisations de conservation <strong>à</strong> travers le monde (dont le<br />
WWF, Greenpeace et Réserves Naturelles de France), ne reconnaît<br />
qu’une certification indépendante et crédible : celle du FSC. Il s’agit<br />
selon eux du seul système applicable <strong>à</strong> toutes les forêts du globe,<br />
quelles que soient leurs surfaces et leurs régimes fonciers.<br />
Contrairement aux autres organismes, le FSC est également le seul <strong>à</strong><br />
accorder un pouvoir décisionnel égal aux différents groupes d’intérêt<br />
(économique, social et écologique) 15 .<br />
86<br />
Polypore, forêt de Fontainebleau<br />
(Photo : Bernard Boisson).<br />
PARMIS LES 10 GRANDS PRINCIPES<br />
DU FSC, CITONS :<br />
• Conserver la diversité biologique et ses<br />
valeurs associées (ressources en eau, sols,<br />
écosystèmes et paysages uniques ou fragiles)<br />
afin de maintenir les fonctions écologiques<br />
et l’intégrité des forêts : réaliser<br />
une étude d’impact, garantir la protection<br />
des espèces rares et menacées et de leurs<br />
habitats, maintenir ou améliorer les fonctions<br />
écologiques, préserver un échantillonnage<br />
représentatif d’écosystèmes<br />
dans leur état <strong>naturel</strong>, préparer un cahier<br />
des charges pour réduire les dommages<br />
causés <strong>à</strong> la forêt (érosion, pistes, réseau<br />
hydrographique), limiter l’utilisation de produits<br />
chimiques et proscrire leur stockage<br />
sur le site, contrôler l’utilisation de moyens<br />
de lutte biologique et prohiber l’utilisation<br />
d’organismes génétiquement modifiés,<br />
contrôler l’utilisation d’espèces exotiques ;<br />
• Elaborer et mettre en pratique un plan de<br />
gestion précisant les objectifs de gestion,<br />
décrivant les ressources forestières et les<br />
limites d’exploitation (environnementales<br />
et sociales), […] précisant les garanties<br />
environnementales qui découlent des évaluations,<br />
planifiant l’identification et la protection<br />
d’espèces rares ou menacées, etc.<br />
• Prendre en compte les zones de haute<br />
valeur de conservation pour en préserver<br />
ou en augmenter la valeur<br />
• Prévoir des plantations aussi proches que<br />
possible des conditions <strong>naturel</strong>les<br />
Autres perspectives pour les gestionnaires<br />
Fin 2001, 22 millions d’hectares étaient déj<strong>à</strong> certifiés par le FSC <strong>à</strong><br />
travers le monde. Avec moins de 0.1% de la surface forestière<br />
nationale certifiée FSC (soit près de 14.000 ha), la France est très en<br />
retard par rapport <strong>à</strong> d’autres pays européens (52% en Estonie, 42%<br />
en Suède, 38% en Grande-Bretagne, 14% en Croatie, 5% en Suisse<br />
et 2,2% en Allemagne). La certification FSC est par ailleurs très<br />
irrégulière en France : plus 10.000 dans le Nord-Est dont 5000 ha de<br />
forêts privées dans le parc <strong>naturel</strong> des Vosges du Nord (7% de la<br />
surface forestière totale de ce parc), plus de 3000 en Aquitaine 190 .<br />
6.5. Evoluer dans nos réflexions<br />
Pour qu’elle puisse atteindre un jour un niveau significatif (réseau<br />
cohérent et fonctionnel) et qu’elle devienne pérenne, la protection<br />
des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> doit recueillir l’assentiment de nos<br />
concitoyens.<br />
Le discours des conservateurs doit aujourd’hui s’étoffer d’autres<br />
messages. L’intérêt des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> dépasse largement<br />
le cadre des «petites bêtes» que bon nombre ignorent et<br />
continueront d’ignorer. Certains de nos concitoyens sont sensibles<br />
aux arguments scientifiques, d’autres aux évaluations économiques<br />
ou <strong>à</strong> des considérations philosophiques, artistiques. Toutes les raisons<br />
de protéger ces forêts (§ 4.1) doivent donc être mises en avant et<br />
promues. Les articles de presse, ouvrages, conférences, expositions,<br />
émissions radio ou télé ayant évoqué la problématique des forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> se comptent sur les doigts d’une main en France.<br />
Ce cahier technique, les nombreuses publications du WWF et autres<br />
projets en cours de réalisation (livres, expositions…) visent en partie <strong>à</strong><br />
combler cette lacune.<br />
Parallèlement, pour que nos arguments soient recevables par les<br />
décideurs, ils doivent être étayés par des démonstrations<br />
scientifiques solides et non pas uniquement par des listes d’espèces.<br />
C’est l<strong>à</strong> tout l’enjeu des études scientifiques. Poser les bonnes<br />
questions, tester les bonnes hypothèses, pour tirer le meilleur des<br />
importantes connaissances naturalistes souvent disponibles pour ces<br />
sites. Les gestionnaires ont souvent une connaissance<br />
encyclopédique de leur site mais pour atteindre au mieux leurs<br />
objectifs de gestion et être en mesure de les étayer scientifiquement,<br />
ils ne peuvent faire l’économie d’un rapprochement avec d’autres<br />
naturalistes, d’autres gestionnaires et d’autres scientifiques.<br />
87<br />
6