Forêts à caractère naturel
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Étudier les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
L’état de décomposition du bois mort est particulièrement<br />
important pour l’étude des espèces saproxyliques. Chaque stade de<br />
décomposition abrite une communauté spécifique et comme l’ont<br />
montré de nombreuses études, notamment dans la Réserve <strong>naturel</strong>le<br />
de la Massane 41-43,185 , on observe de véritables successions d’espèces<br />
au cours de cette décomposition.<br />
Quatre principaux stades de décomposition peuvent ainsi être<br />
distingués (avec certaines variations selon qu’il s’agit d’un arbre mort<br />
sur pied, couché, conifère, feuillu, etc.) 164 :<br />
1. Arrivée des coléoptères (scolytes, curculionidés et longicornes).<br />
Débute <strong>à</strong> la mort de l’arbre et dure 1-2 ans. Les scolytes en<br />
colonisant le bois mourant amènent avec eux d’autres<br />
saproxyliques (140 pour l’ips typographe). La zone cambiale* est<br />
rapidement colonisée grâce aux galeries creusées par ces<br />
coléoptères.<br />
2. Débute durant la deuxième année suivant la mort de l’arbre et peut<br />
durer de 5 <strong>à</strong> 10 ans. Il concerne les espèces qui vont se nourrir des<br />
restes de phloème* et celles associées au développement des<br />
champignons sous l’écorce et dans le bois de surface. Premières<br />
fructifications de polypores*.<br />
3. Le phloème* a été consommé et l’habitat sub-cortical disparaît<br />
avec la chute de l’écorce. Stade caractérisé par les espèces<br />
mycophages*, leurs parasites et leurs prédateurs. Chaque espèce<br />
de polypore* abrite une communauté particulière et parfois même<br />
des espèces spécifiques.<br />
4. Débute lorsque la majorité de l’aubier* est consommé et que le<br />
duramen* commence <strong>à</strong> se décomposer. Les saproxyliques se font<br />
de plus en plus rare (bois de cœur peu nourrissant) et sont<br />
remplacés par des invertébrés de litière qui utilisent le tronc pour<br />
s’abriter (mollusques), estiver (carabes), chasser ou nicher<br />
(fourmis).<br />
Ces 15 dernières années, l’étude du bois mort s’est organisée<br />
autour de trois thèmes : (1) expliquer la disponibilité du bois mort en<br />
fonction des perturbations, de la sylvigénèse et de la sylviculture, (2)<br />
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MÉTHODES D’ÉVALUATION DES TAUX<br />
DE DÉCOMPOSITION DU BOIS MORT<br />
(voir également Fig. § 2.2.8 & Tab. § 6.3.3) :<br />
• méthode diachronique : suivi de la diminution<br />
de densité d’une pièce de bois mort<br />
dans le temps ;<br />
• méthode synchronique : comparaison<br />
des densités de différentes pièces de bois<br />
morts (de même espèce et station) mortes<br />
<strong>à</strong> différentes dates ;<br />
• méthode mixte : utilisation simultanée<br />
des deux méthodes en mesurant la baisse<br />
de densité du bois mort (par exemple pendant<br />
10 ans) sur différents arbres dont la<br />
date de la mort est connue.<br />
MÉTHODES D’INVENTAIRE<br />
DU BOIS MORT175 :<br />
Volume de l’arbre :<br />
• Fonctions standardisées : il existe pour la<br />
majorité des espèces et des régions des<br />
abaques* permettant d’estimer le volume<br />
de l’arbre selon son diamètre et sa hauteur.<br />
• Sections : plus lourde mais plus précise,<br />
cette méthode consiste <strong>à</strong> mesurer la section<br />
du tronc <strong>à</strong> différentes hauteurs. On additionne<br />
alors le volume des cylindres de chaque<br />
section.<br />
…/…<br />
Perforation par les pics, Réserve <strong>naturel</strong>le de l’île de<br />
Rhinau (Photo : Bernard Boisson).<br />
Volume (ou surface terrière) total :<br />
• Placettes : on additionne le volume de tous<br />
les arbres et branches mortes présents sur<br />
une placette de surface donnée. Par un<br />
échantillonnage systématique on pourra<br />
ainsi estimer la nécromasse* moyenne d’un<br />
massif.<br />
• Transect en bande : même principe mais<br />
les placettes sont remplacées par des<br />
bandes (égales <strong>à</strong> des placettes rectangulaires)<br />
de largeur donnée.<br />
• Transect en ligne : par cette méthode, seuls<br />
les bois morts situés sur la ligne sont recensés,<br />
pas les chandelles. Cette méthode, particulièrement<br />
intéressante lorsque les bois<br />
morts sont nombreux ou de formes irrégulières,<br />
permet une estimation rapide et précise<br />
de la nécromasse* au sol. Le volume de<br />
bois mort au sol (V) en m 3 /ha est calculé par<br />
l’équation V = π 2 ∑ d 2 /8L, où L est la longueur<br />
du transect (en m) et ∑d 2 la somme des carrés<br />
des diamètres mesurés (en cm).<br />
• D’autres méthodes plus complexes ou<br />
plus longues <strong>à</strong> mettre en œuvre sont parfois<br />
utilisées (méthodes agrégatives, inventaires<br />
exhaustifs, etc.)<br />
Le choix d’une méthode et d’un plan<br />
d’échantillonnage dépendra du temps disponible<br />
et des résultats attendus. Lorsque la<br />
nécromasse* sera comparée <strong>à</strong> d’autres relevés<br />
(espèces, structures…), les placettes<br />
seront souvent préférées. Lorsque l’objectif<br />
est d’estimer le volume de bois mort, le transect<br />
en bande pourra être préféré. On pourra<br />
également utiliser plusieurs méthodes<br />
simultanément en relevant par exemple le<br />
volume du bois mort au sol par un transect<br />
en ligne (rapide et précis) et le volume de<br />
bois mort sur pieds par un transect en bande<br />
(centre de la bande délimité par le transect<br />
en ligne).<br />
Étudier les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
le rôle du bois mort dans la dynamique des éléments nutritifs et du<br />
carbone et (3) son importance pour les nombreuses espèces<br />
saproxyliques.<br />
Ces programmes de recherche doivent aujourd’hui être poursuivis<br />
autour de 8 axes 91 :<br />
• Les taux de décomposition du bois mort, variables incontournables<br />
pour étudier la dynamique du bois mort. Ils ne sont connus que<br />
pour quelques espèces (§ 2.2) et l’impact des conditions<br />
stationnelles, de l’état de décomposition, des pratiques sylvicoles<br />
et de la disparition de certains saproxyliques* sur ces taux est peu<br />
connu.<br />
• La modélisation de la dynamique forestière permet d’estimer les<br />
volumes et types de bois mort présents au long du cycle<br />
sylvigénétique. Nous connaîtrons ainsi les volumes de bois mort<br />
produits dans les forêts <strong>naturel</strong>les et quels volumes doivent être<br />
restaurés dans les forêts exploitées pour permettre la survie de<br />
certaines espèces<br />
• Les capacités de dispersion des espèces conditionnent leur survie<br />
(§ 4.3). Une meilleure connaissance de ces capacités est<br />
nécessaire pour planifier les corridors écologiques entre différents<br />
noyaux de populations ou, si la fragmentation est trop importante,<br />
pour étendre l’habitat favorable autour des noyaux existants 112 .<br />
• Les seuils critiques de viabilité des populations de saproxyliques*<br />
sont peu connus. En comparant les capacités de dispersion et de<br />
colonisation des espèces avec la dynamique du bois mort, il devrait<br />
être possible de prédire leur viabilité <strong>à</strong> long terme.<br />
• La perte de variabilité génétique d’une population isolée peut<br />
diminuer ses chances de survie. Le nombre d’études consacrées <strong>à</strong><br />
ce thème devrait être augmenté.<br />
• Le développement de méthodes standardisées pour estimer la<br />
diversité de certains organismes est également souhaitable. Ex. :<br />
seuls certains champignons saproxyliques produisent des<br />
fructifications ce qui biaise les inventaires.<br />
• L’étude des perturbations et des phases de jeunesse des forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> est moins répandue que celle des phases âgées. Il<br />
convient d’améliorer nos connaissances sur ces stades afin de<br />
mieux évaluer l’impact des pratiques sylvicoles.<br />
• Le développement de méthodes de gestion écologiques<br />
(permettant la conservation d’arbres morts) <strong>à</strong> faible incidence<br />
économique est également un défi d’avenir.<br />
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