Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> ?<br />
2 2.2. Un fonctionnement complexe<br />
Nul ne peut prétendre gérer efficacement un milieu qu’il ne<br />
saurait identifier ou dont il ne connaîtrait du moins<br />
sommairement le fonctionnement. L’identification et le<br />
fonctionnement des «forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>» sont singuliers<br />
et méritent d’être présentés en détail156 . Le terme de «forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>» caractérise avant tout un état de conservation<br />
(résultant de l’histoire de la forêt), non un habitat déterminé par<br />
les conditions stationnelles.<br />
2.1. Plusieurs définitions<br />
Le premier obstacle <strong>à</strong> une présentation des forêts «<strong>naturel</strong>les»<br />
provient de la multitude des définitions. Plusieurs centaines de<br />
définitions ont été proposées pour définir les «forêts anciennes»,<br />
«climaciques», «primaires», «<strong>naturel</strong>les», «vierges» et «old-growth<br />
forests» (http://home.att.net ; http://www.fao.org).<br />
La plupart des auteurs limitent l’utilisation de «forêt vierge, primaire<br />
ou <strong>naturel</strong>le» aux forêts n’ayant jamais connu d’impact humain<br />
significatif. Cette définition correspond encore assez bien <strong>à</strong> certaines<br />
forêts tropicales (ou l’impact de l’Homme est négligeable).<br />
95,127Le terme nord-américain de «Old-growth forest» («forêt de<br />
vieille croissance», «forêt surannée») désigne les forêts dans<br />
lesquelles certains arbres de valeur ont parfois ponctuellement été<br />
prélevés, mais sans que leur composition et physionomie originelle<br />
n’aient été modifiées90 .<br />
Les auteurs britanniques parlent quant <strong>à</strong> eux souvent d’«Ancient<br />
Woodlands» (Bois Anciens) pour désigner les forêts les plus<br />
<strong>naturel</strong>les de leurs îles. Ce terme caractérise néanmoins plus la<br />
continuité forestière (depuis plusieurs siècles) que la naturalité<br />
(certaines de ces forêts étant exploitées).<br />
En France, différents termes sont utilisés : «forêt vierge» (que<br />
l’homme moderne n’a pas altéré), «primaire» (<strong>à</strong> dynamique <strong>naturel</strong>le<br />
ininterrompue depuis leur origine spontanée), «<strong>naturel</strong>le» et<br />
«originelle» en sont quelques exemples. Les forêts françaises ayant<br />
toutes ou presque été altérées par des activités humaines (ne seraitce<br />
que par les activités anciennes, la pollution atmosphérique ou<br />
l’élimination des grands carnivores), les termes plus conciliants de<br />
«forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>», «sub-<strong>naturel</strong>le» ou «sub-primaire» ont été<br />
proposés pour désigner celles dont la naturalité (§ 3) était encore<br />
forte. L’appellation «sub-primaire» ou «sub-<strong>naturel</strong>le» nous paraissant<br />
quelque peu péjorative et trop binaire, c’est le terme de forêt <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> que nous avons retenu pour définir les forêts<br />
françaises <strong>à</strong> forte naturalité.<br />
6<br />
Le terme de forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> utilisé<br />
dans ce cahier technique caractérise :<br />
• des écosystèmes qui se distinguent par<br />
la présence de vieux arbres et par les<br />
caractéristiques structurales qui y sont rattachées<br />
;<br />
• des forêts englobant les derniers stades<br />
du développement stationnel, stades typiquement<br />
différents des stades plus<br />
récents par la taille des arbres, l’accumulation<br />
de grandes quantités de bois morts, le<br />
nombre de strates arborescentes, la composition<br />
spécifique et les fonctions écologiques<br />
;<br />
• des forêts sans traces d’exploitation<br />
récente et constituées d’essences autochtones.<br />
L’appellation de «Réserve forestière intégrale»<br />
(«Strict forest reserve») fait référence<br />
<strong>à</strong> un statut de protection strict proscrivant<br />
l’exploitation sylvicole. Ce type de<br />
réserve protège habituellement des forêts<br />
<strong>à</strong> forte naturalité. Dans certain cas néanmoins,<br />
il s’agit de forêts jusqu’alors exploitées<br />
mais dont on souhaite <strong>à</strong> l’avenir augmenter<br />
la naturalité.<br />
La mosaïque sylvatique<br />
La mosaïque sylvatique renvoie <strong>à</strong> une vision<br />
macroscopique de la forêt. Elle englobe des éco-unités<br />
(surfaces représentées ici par des couleurs différentes<br />
selon la phase sylvigénétique ; § 2.2.2) qui, vues d’avion,<br />
apparaîtraient comme autant de groupes d’arbres d’âges<br />
sensiblement voisins. Les arbres (points noirs), dont la<br />
taille moyenne diffère dans chaque phase sylvigénétique,<br />
occupent chacun un espace propre appelé écotope.<br />
Les éco-unités sont de taille variable. Dans<br />
les régions boréales où les incendies sont<br />
des perturbations habituelles (dynamique<br />
catastrophique ; § 2.2.5), il n’est pas rare<br />
qu’une même unité de régénération<br />
couvre plusieurs dizaines voire plusieurs<br />
centaines de km 2 . En Europe tempérée où<br />
l’éco-unité correspond le plus souvent <strong>à</strong><br />
l’emprise d’un ou de quelques arbres abattus<br />
par le vent (dynamique douce ; § 2.2.5),<br />
les unités de régénération ont habituellement<br />
un diamètre de 15 <strong>à</strong> 50 m.<br />
Dans la forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> de La Tillaie<br />
<strong>à</strong> Fontainebleau, 90% des éco-unités ont un<br />
diamètre compris entre 15 et 30 m 55 . Dans<br />
la forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> de Neuenburg en<br />
Allemagne du Nord, 45% des éco-unités<br />
ont un diamètre de 15 <strong>à</strong> 30 m, les autres<br />
étant réparties dans différentes classes<br />
comprises entre 30 et 75 m 100 .<br />
2.2.1 L’unité de régénération et la mosaïque sylvatique<br />
Depuis Jones90 , qui proposa en 1945 une première analyse de la<br />
structuration et de la dynamique des forêts tempérées, Oldeman138 est probablement l’auteur ayant donné la description la plus complète<br />
du fonctionnement des écosystèmes forestiers, en précisant<br />
notamment les concepts d’ «éco-unités» et de «mosaïque sylvatique».<br />
On observe dans les forêts <strong>naturel</strong>les une organisation selon un<br />
emboîtement d’unités différentes :<br />
• l’écotope : espace occupé par un arbre au cours de sa vie ;<br />
• l’unité de régénération ou éco-unité : «surface où, <strong>à</strong> un moment<br />
donné, un développement de végétation a commencé»<br />
(emplacement libéré <strong>à</strong> un moment donné par la mort d’un ou de<br />
plusieurs arbres morts simultanément) ;<br />
• la mosaïque sylvatique (ou éco-mosaïque) : agencement d’unités de<br />
régénération souvent d’âges différents.<br />
2.2.2 Phases et cycles sylvigénétiques<br />
Au cours de son développement, l’éco-unité (§ 2.2.1) va connaître<br />
plusieurs stades : un stade de jeunesse caractérisé par la<br />
régénération et la croissance en hauteur des jeunes arbres, un stade<br />
de maturation caractérisé par la croissance en épaisseur (tronc) et en<br />
largeur (couronne) des arbres et un stade de vieillesse lors duquel la<br />
croissance des arbres ralentit et leur mortalité augmente, permettant<br />
ainsi <strong>à</strong> un nouveau stade de jeunesse d’apparaître.<br />
Ces stades sont constitués de 5 phases sylvigénétiques<br />
différentes : phase de régénération, initiale (ou d’accroissement),<br />
optimale, de sénescence et de déclin.<br />
Dans le cas de forêts <strong>à</strong> «dynamique douce» (la majorité des forêts<br />
d’Europe tempérée), les éco-unités sont de petite taille (moins de<br />
50 m 2 le plus souvent). Dès qu’une perturbation génère l’ouverture<br />
d’une nouvelle éco-unité, un nouveau cycle démarre. Dans ce type de<br />
forêts, les nouveaux cycles démarrent habituellement avant que les<br />
anciens ne soient totalement achevés. Plusieurs phases peuvent<br />
donc se chevaucher sur une même unité : la phase de régénération<br />
d’un nouveau cycle débutant dès que les premiers arbres morts d’un<br />
cycle ancien (en phase de sénescence) permettent <strong>à</strong> la lumière de<br />
percer la canopée.<br />
S’inspirant de Leibundgut 111 , Korpel 101 organise ainsi ces cinq phases<br />
sylvigénétiques au sein de trois stades successifs :<br />
• le stade de régénération ou de dégénérescence, comprenant<br />
simultanément :<br />
- la phase de sénescence constituée d’arbres mourants du cycle 1<br />
- la phase de régénération constituée de jeunes semis du cycle 2<br />
• le stade d’accroissement, comprenant simultanément :<br />
- la phase de déclin constituée d’arbres morts du cycle 1<br />
7<br />
2