Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Forêts à caractère naturel
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
4<br />
Protéger les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
celles incapables de survivre dans une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> de<br />
taille trop réduite (risque stochastique* d’extinction locale <strong>à</strong> long<br />
terme) et isolée (pas de possibilité de recolonisation depuis un site<br />
proche). Pour les conservateurs, la perspective d’un réseau d’îlots de<br />
vieillissement était donc celle d’un archipel de petites forêts <strong>à</strong><br />
<strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> au sein de l’océan des forêts exploitées.<br />
La vision que se font les sylviculteurs de ce réseau n’est pas<br />
nécessairement la même. Tel qu’il est présenté localement (note ONF<br />
du 7 mai 2001 ; direction régionale Alsace) ce réseau est assez<br />
éloigné de l’idée que s’en font conservateurs et scientifiques. Pour<br />
ces derniers, l’idée de vieillissement implique la conservation des<br />
îlots jusqu’<strong>à</strong> la mort des arbres et leur décomposition. Pour les<br />
sylviculteurs, le vieillissement est considéré par rapport <strong>à</strong> l’âge<br />
d’exploitation habituel des arbres mais ces arbres sont exploités<br />
sains. Constitué d’îlots dont la distribution spatiale sera constamment<br />
révisée (les îlots sont exploitées et de nouveaux îlots sont désignés<br />
ailleurs), le réseau sera ainsi formé d’«îles flottantes» de gros arbres<br />
au sein d’un océan d’arbres plus jeunes. Un tel réseau bénéficiera<br />
certainement <strong>à</strong> quelques espèces d’oiseaux qui ne nichent que dans<br />
les cavités de gros arbres (pic noir, pigeon colombin, chouette de<br />
Tengmalm, etc.) 192 , habitats 142 de plus en plus rares dans les forêts<br />
exploitées (en France, plus de 90% des arbres font moins de 55 cm<br />
de diamètre 7 ). Mais le bénéfice d’un simple allongement de l’âge<br />
d’exploitation des peuplements risque fort d’être limité, notamment<br />
pour les espèces saproxyliques 122 .<br />
Si l’on fait abstraction de la taille des îlots et de la proportion du<br />
massif qui leur sera consacré (deux variables qui feront sans doute<br />
encore couler beaucoup d’encre), le futur «réseau» français d’îlots de<br />
vieillissement (tel que présenté en Alsace) souffre déj<strong>à</strong> de deux<br />
principales carences :<br />
• absence des phases de sénescence et de déclin, indispensables <strong>à</strong><br />
la conservation des espèces saproxyliques (taxons* les plus<br />
menacées par l’exploitation forestière ; § 2.2, 5.3, 5.4)<br />
• absence de continuité spatiale et temporelle du réseau puisque la<br />
localisation géographique des îlots changera sans cesse.<br />
56<br />
La mise en place d’un réseau d’îlots de vieillissement vise<br />
notamment la sauvegarde de certaines espèces<br />
caractéristiques des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> au sein de<br />
massifs exploités (Photo : Bernard Boisson).<br />
Étudier les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
Les études descriptives ne présentent un<br />
intérêt pour le gestionnaire que si elles<br />
peuvent être comparées (devenant ainsi<br />
comparatives !) <strong>à</strong> des études de référence<br />
(listes de taxons* menacés, indicateurs…),<br />
<strong>à</strong> des études similaires menées sur<br />
d’autres sites ou si elles permettent de<br />
mesurer des différences au sein d’un<br />
même site :<br />
• un échantillonnage sur plusieurs placettes<br />
permettra de mesurer des différences<br />
dans l’espace ; par exemple l’impact<br />
de différentes méthodes de gestion<br />
dans un même massif ;<br />
• un suivi dans le temps (suivi diachronique<br />
; «Monitoring») permettra quant <strong>à</strong> lui<br />
d’évaluer l’impact d’une gestion donnée<br />
sur le long terme.<br />
Dans les § 5.1 et 5.2, nous rappelons les grands principes que<br />
doivent avoir en mémoire les gestionnaires pour initier leurs<br />
recherches. Dans les § 5.3 et 5.4, nous présenterons l’intérêt<br />
d’étudier les différents compartiments fonctionnels (dynamique,<br />
structure, habitats particuliers) et taxonomiques* de la forêt <strong>à</strong><br />
l’aide d’exemples choisis en France ou ailleurs.<br />
L’objectif de ce chapitre n’est pas de dresser l’inventaire<br />
exhaustif des méthodes de recherche et de suivi utilisées dans<br />
les réserves <strong>naturel</strong>les (voir 189 ).<br />
5.1. Choisir et évaluer les méthodes<br />
de gestion<br />
L’étude des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> peut avoir une visée<br />
fondamentale ou appliquée. En théorie, les travaux pilotés par un<br />
gestionnaire forestier devraient avant tout être appliqués (préciser les<br />
méthodes de gestion les plus pertinentes), son rôle étant de gérer un<br />
espace pour atteindre les objectifs du plan de gestion, non de faire<br />
progresser la science. Ces études doivent ainsi fournir des outils d’<br />
«aide <strong>à</strong> la décision» et de «suivi».<br />
En pratique, comme les connaissances scientifiques sont souvent<br />
insuffisantes, le gestionnaire est pourtant parfois amené <strong>à</strong> rechercher<br />
des réponses <strong>à</strong> des questions relevant de la recherche fondamentale.<br />
5.2. Etudes descriptives et comparatives<br />
Il est également important de distinguer les études descriptives<br />
des études comparatives. L’intérêt d’études descriptives des groupes<br />
taxonomiques ou des processus sylvigénétiques d’une forêt est<br />
souvent limité pour le gestionnaire.<br />
Comme nous l’avons vu au § 2, c’est en comparant les<br />
caractéristiques structurelles d’une forêt <strong>à</strong> différents stades que l’on<br />
peut appréhender sa sylvigénèse. Au § 3, nous avons expliqué que<br />
c’est la comparaison entre la naturalité potentielle maximale d’une<br />
forêt et sa naturalité actuelle qui rend possible l’évaluation de son<br />
degré de naturalité.<br />
Dans tous les cas, c’est la confrontation de plusieurs séries de<br />
données qui permettra au gestionnaire de tirer les enseignements les<br />
plus riches.<br />
Chaque gestionnaire ayant <strong>à</strong> répondre <strong>à</strong> ses propres questions,<br />
c’est <strong>à</strong> lui de définir (avec l’aide d’autres spécialistes) quelles sont les<br />
études les plus pertinentes pour pouvoir y répondre. Dans tous les<br />
cas, le gestionnaire devra être aussi clair et précis que possible dans<br />
la formulation de ses questions (hypothèses) car aucune méthode ne<br />
pourra lui permettre d’apporter une réponse pertinente <strong>à</strong> une<br />
question mal posée.<br />
57<br />
5