Forêts à caractère naturel
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Protéger les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
En plus de la présence d’arbres âgés et d’une nécromasse<br />
importante, c’est la grande diversité structurale verticale (forêts multistrates)<br />
et horizontale (mosaïque sylvatique) des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong><br />
<strong>naturel</strong> qui explique leur plus grande richesse spécifique 64 et la plus<br />
grande stabilité de leurs communautés animales <strong>à</strong> long terme 183 .<br />
La présence de d’espèces relictuelles et emblématiques comme le<br />
grand tétras a également souvent été associée <strong>à</strong> la présence de forêt<br />
<strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>, l’espèce recherchant des forêts multi-strates et<br />
de petites clairières herbacées pour élever ses jeunes 108,179 .<br />
Richesse spécifique de deux sites protégés abritant des forêts<br />
<strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>.<br />
Bialowieza (1250 km2 ) 57<br />
La Massane (336 ha) 185<br />
Insectes env. 8500 2902<br />
dont : Hyménoptères 3000 270<br />
Coléoptères : 2000 1453<br />
Lépidoptères : 1000 364<br />
Diptères : 800 429<br />
Oiseaux 228 60<br />
Mammifères 62 33<br />
Poissons 24 2<br />
Amphibiens et reptiles 19 20<br />
Plantes vasculaires 990 694<br />
dont : Phanérogames 953 676<br />
Cryptogames vasculaires 37 18<br />
Champignons >2000 362<br />
Lichens 334 281<br />
Bryophytes 254 196<br />
Total : >12.500 >5.000<br />
4.1.3 Puits de carbone<br />
La concentration de carbone dans l’atmosphère a augmenté de<br />
40% depuis 1800 et a entraîné une hausse de la température<br />
moyenne du globe. Les écosystèmes sont capables de stocker de<br />
grandes quantités de carbone mais les quantités libérées par<br />
l’utilisation d’énergies fossiles dépassent aujourd’hui leurs capacités<br />
de régulation et la hausse des températures devrait donc se<br />
poursuivre 114 .<br />
Les forêts étant d’importants puits de carbone, elles jouent un rôle<br />
important dans la lutte contre l’effet de serre. Leur contribution peut<br />
encore être augmentée :<br />
• en conservant de grandes surfaces de forêts non exploitées on<br />
favorise les écosystèmes les plus performants en matière de<br />
stockage temporaire de carbone ;<br />
• en augmentant la surface forestière totale, on récupère (restockage)<br />
une partie du carbone libéré par la combustion des<br />
énergies fossiles ;<br />
• l’utilisation du bois comme énergie permet de remplacer en partie<br />
les énergies fossiles ;<br />
• il convient également de favoriser au maximum la «neutralisation»<br />
du carbone par la transformation du bois en produits stables<br />
(matériaux de construction, mobilier, etc.).<br />
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Dans la quasi-totalité des régions françaises<br />
où il niche, le grand tétras est en<br />
régression et fait partie des espèces en<br />
sursis (voir «créance d’extinction» § 4.3.3).<br />
L’espèce est aujourd’hui au cœur d’un<br />
débat scientifique opposant ceux qui souhaitent<br />
la sauver par une gestion active<br />
(ouverture artificielle de trouées favorables<br />
<strong>à</strong> l’espèce) et ceux qui préconisent une<br />
gestion passive (création spontanée de<br />
trouées en favorisant la dynamique et les<br />
perturbations <strong>naturel</strong>les ; voir § 3.2). Dans<br />
cet exemple, la gestion active peut limiter<br />
le déclin du grand tétras <strong>à</strong> court terme<br />
mais la gestion passive sur de vastes<br />
forêts <strong>à</strong> forte naturalité est vraisemblablement<br />
une meilleure stratégie de conservation<br />
<strong>à</strong> long terme.<br />
Réserve <strong>naturel</strong>le de la Massane, Pyrénnées Orientales<br />
(Photo : B. Boisson).<br />
Chaque année, 6 milliards de tonnes de<br />
carbone sont libérées par la combustion<br />
des énergies fossiles et 2 par la déforestation.<br />
La moitié seulement de ces quantités<br />
est recyclée dans les écosystèmes et 4<br />
milliards de tonnes viennent donc s’ajouter<br />
chaque année aux 750 déj<strong>à</strong> présents dans<br />
l’atmosphère.<br />
Les reboisements permettent de neutraliser<br />
une partie des gaz <strong>à</strong> effet de serre provenant<br />
de la combustion d’énergies fossiles.<br />
Les surfaces disponibles sont malheureusement<br />
réduites et cette reforestation<br />
produit parfois des effets inverses.<br />
L’utilisation de certains engrais libère des<br />
gaz <strong>à</strong> effet de serre plus nocifs que le carbone.<br />
Dans les régions boréales, les reboisements<br />
annulent l’effet positif des paysages<br />
ouverts où la couverture neigeuse<br />
réfléchie une grande partie des radiations<br />
solaires 114 .<br />
Forêt de Fontainebleau (Photo : B. Boisson).<br />
Protéger les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
Les reboisements permettront également d’augmenter l’offre en<br />
bois (le risque de voir exploiter les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> sera<br />
réduit) et de réduire l’impact de la fragmentation en restaurant<br />
partiellement la connectivité entre massifs.<br />
4.1.4 Vecteurs de développement<br />
La protection des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> ne doit pas les soustraire<br />
de leur environnement socio-économique. Sans l’approbation du public,<br />
la protection sera «subie» par la population et son efficacité (et<br />
pérennité) sera limitée. Il est donc important de mettre en avant les<br />
bénéfices de cette protection pour la population. Les intérêts<br />
scientifiques et écologiques de ces protections ne sont compris et<br />
défendus que par une partie de la population : scientifiques,<br />
naturalistes, certains forestiers. Il existe pourtant d’autres raisons<br />
objectives pour notre société de protéger les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>.<br />
D’UN POINT DE VUE ÉDUCATIF, les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
«permettent de montrer l’extraordinaire vitalité, la dynamique, la<br />
diversité, la complexité et la beauté de forêts se développant en<br />
fonction des seules forces de la nature» 27 et qui recouvraient jadis la<br />
quasi-totalité de notre continent. Elles offrent ainsi un formidable<br />
support pédagogique pour les sciences de la vie, de la terre,<br />
l’histoire, les sciences physiques et chimiques (cycles<br />
biochimiques)… Elles permettent également d’appréhender le<br />
problème des changements climatiques sous un angle plus positif<br />
que par la simple approche «pollution».<br />
L’INTÉRÊT CULTUREL de ces forêts est également important. Les raisons<br />
de leur présence intéressent au plus haut point les historiens pour<br />
retracer l’évolution spatio-temporelle de l’activité humaine, ou pour<br />
délimiter plus précisément les points de contact entre différentes<br />
zones d’influence politique 62 . L’aspect, l’esthétisme et les ambiances<br />
toutes particulières des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> intéressent quantité<br />
d’artistes et ceci depuis plusieurs siècles. La forêt de Fontainebleau,<br />
représentée dès le 18 e siècle par le peintre Jean-Baptiste Oudry, en est<br />
la parfaite illustration puisqu’elle accueillit au 19 e siècle une véritable<br />
communauté d’artistes peintres (école de Barbizon). Nombreux sont<br />
les artistes qui y ont trouvé la source de leur inspiration 18,33 . C’est <strong>à</strong> leur<br />
initiative que certaines parcelles ont été classées («séries artistiques»)<br />
et soustraites <strong>à</strong> l’exploitation sylvicole dès 1853.<br />
Pour beaucoup (acteurs de la filière bois notamment), l’intérêt<br />
économique des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> est prioritaire :<br />
• Bien qu’il soit difficile <strong>à</strong> chiffrer, le principal bénéfice économique de<br />
ces forêts vient de l’amélioration des techniques sylvicoles<br />
s’inspirant de leur fonctionnement (§ 4.1.1). Une gestion plus<br />
proche des processus <strong>naturel</strong>s peut entraîner une baisse des coûts<br />
de gestion et/ou une augmentation de la productivité. Les pratiques<br />
sylvicoles éloignées du fonctionnement <strong>naturel</strong> (essences exotiques<br />
ou futaie régulière par exemple) apparaissent en effet souvent<br />
comme étant très rentables sur quelques rotations mais ont parfois<br />
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