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Forêts à caractère naturel

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Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />

amputant le cycle sylvigénétique des phases de sénescence et de<br />

déclin (phases hétérotrophes*) au seul profit des phases<br />

autotrophes* (production primaire liée <strong>à</strong> la photosynthèse), il n’est<br />

pas exagéré d’affirmer que la gestion sylvicole, en prélevant les bois<br />

morts, supprime plus de la moitié des micro-habitats présents dans<br />

une forêt <strong>naturel</strong>le 5 (figure p.17). La perte en espèces est légèrement<br />

moins importante compte tenu du <strong>caractère</strong> ubiquiste de certaines<br />

d’entre elles (présentes <strong>à</strong> la fois dans les phases forestières jeunes<br />

et âgées) mais peut néanmoins dépasser 30% pour certains groupes<br />

taxonomiques, notamment les insectes qui regroupent 90% des<br />

espèces animales (§ 5.4.3). Comme l’ont démontré certains auteurs,<br />

le bois mort est souvent la variable qui explique le mieux la<br />

biodiversité forestière 38,135 . Plus le bois mort est varié (différents microhabitats)<br />

et plus le nombre d’arbres morts de gros diamètre est<br />

important, plus la diversité sera élevée 135,136 et le nombre d’espèces<br />

patrimoniales (menacées <strong>à</strong> l’échelle régionale) important 11 .<br />

LES OISEAUX CAVERNICOLES sont souvent associés <strong>à</strong> la présence de<br />

bois mort. Les cavernicoles secondaires (chouettes, mésanges,<br />

pigeon colombin, grimpereaux, sittelle, lérot, martre, chauves<br />

souris) utilisent soit les cavités <strong>naturel</strong>les qu’elles trouvent dans<br />

des branches ou troncs partiellement morts, soit les cavités<br />

creusées par les cavernicoles primaires creusant eux même leurs<br />

loges (pics). Ces derniers, capables de creuser du bois sain,<br />

recherchent plutôt les arbres morts ou <strong>à</strong> cœur pourri pour creuser<br />

leurs loges. Les cavernicoles utilisent chacun plusieurs cavités<br />

(nidifications successives, repos) et les arbres de diamètre inférieur<br />

<strong>à</strong> 10 cm n’ont que peu d’intérêt pour eux. Leur maintien est donc<br />

tributaire d’une densité élevée d’arbres morts ou (<strong>à</strong> cavités) de gros<br />

diamètres. Si le choix de cavités est limité, la reproduction sera<br />

médiocre (nids mal orientés, humides, éloignés des zones<br />

d’alimentation) et la prédation plus importante. Même après leur<br />

chute, les arbres creux continueront <strong>à</strong> être utilisés par certains<br />

vertébrés (batraciens, reptiles, rongeurs mycophages…) pour<br />

l’alimentation, la reproduction ou le repos.<br />

18<br />

Le bois mort sert de pépinière <strong>à</strong> de nombreuses espèces<br />

ligneuses : épicéa, bouleau ou comme ici des aulnes<br />

(Photo : Daniel Vallauri).<br />

Champignons, mousses et insectes saproxyliques* sont<br />

souvent associés sur le bois mort<br />

(Photo : Bernard Boisson).<br />

Les arbres morts offrent souvent gîte et couvert aux<br />

espèces cavernicole et notamment aux pics<br />

(Photo : Bernard Boisson).<br />

Cycle simplifié du bois mort 78<br />

Préconiser le maintien d’arbres morts sans<br />

en préciser le diamètre est d’un intérêt<br />

limité pour augmenter la naturalité d’une<br />

forêt. En effet, le nombre d’arbres morts<br />

est parfois inversement corrélé au degré<br />

de naturalité 65 et <strong>à</strong> la présence d’espèces<br />

remarquables 161 , notamment lors de la<br />

phase initiale (mort de nombreux jeunes<br />

arbres même en forêt exploitée). Le volume<br />

de bois mort au contraire est un bon<br />

indicateur de naturalité.<br />

Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />

LES CHAMPIGNONS et insectes saproxyliques* sont des taxons très<br />

importants de nos forêts (plusieurs milliers d’espèces). Leur<br />

richesse est conditionnée notamment par les essences forestières.<br />

Les coléoptères saproxyliques* sont ainsi plus nombreux sur le<br />

chêne (900 espèces) que sur le bouleau (700), le hêtre (600) ou<br />

l’épicéa (300) 139 . Chaque taxon* joue un rôle particulier dans le cycle<br />

de décomposition du bois mort. Les champignons transforment<br />

successivement les sucres, la cellulose puis la lignine. Certains<br />

insectes mangent directement le bois (xylophages), d’autres se<br />

nourrissent des champignons présents sur le bois mort<br />

(mycophages), d’autres encore sont prédateurs des premiers, etc.<br />

Ces espèces ont également des exigences particulières. Les plus<br />

tolérantes pourront survivre dans les quelques souches et petites<br />

branches mortes encore présentes dans les forêts exploitées.<br />

D’autres, plus exigeantes ou <strong>à</strong> mobilité réduite, ne survivront qu’en<br />

présence de quantités importantes et homogènes de bois mort.<br />

Les variations d’humidité et de température étant peu importantes<br />

dans les bois morts de gros diamètres, ces habitats sont<br />

indispensables <strong>à</strong> la survie de certaines espèces dont les larves se<br />

développent sur plusieurs années ou qui ne colonisent les arbres<br />

morts qu’après 4-5 ans 41 .<br />

Le bois mort étant l’une des principales caractéristiques des forêts<br />

<strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong>, nous y reviendrons <strong>à</strong> plusieurs reprises dans les<br />

chapitres suivants. Le § 5 présentera notamment les typologies de<br />

bois mort (§ 5.3.2), ainsi que des exemples d’études et de gestion.<br />

2.2.8 Dynamique du bois mort et taux de décomposition<br />

Le volume de bois mort d’une forêt <strong>naturel</strong>le dépend de la<br />

productivité forestière, de la vitesse de décomposition et du type et<br />

de l’intensité des perturbations. Il est souvent fortement corrélé avec<br />

le volume de bois vivant et représente habituellement entre 20 et<br />

40% du volume total (bois vivants et morts ; valeurs extrêmes : < 10<br />

<strong>à</strong> 50% 65 ) 53,78,164,170 . Dans les forêts perturbées par les incendies, les<br />

variations de nécromasse sont importantes, la nécromasse* pouvant<br />

être multiplié par 5 après incendie 164 . En règle générale, le volume de<br />

bois mort est maximal après une perturbation, diminue lors de la<br />

phase optimale, puis augmente <strong>à</strong> nouveau lors des phases de<br />

sénescence et de déclin. Le volume de bois mort évolue<br />

<strong>naturel</strong>lement vers une situation de stabilité. Ce «volume d’équilibre»<br />

dépend du taux de recrutement de bois mort (taux de mortalité des<br />

arbres x productivité de la forêt) et du taux de décomposition du bois<br />

mort. Dans une forêt <strong>naturel</strong>le, le taux de recrutement du bois mort<br />

(<strong>à</strong> l’échelle de la mosaïque sylvatique) est égal <strong>à</strong> la productivité de la<br />

station, valeur généralement bien connue des forestiers. Le taux de<br />

décomposition, qui est fonction de l’essence et du climat local<br />

(température et précipitations), varie également selon le diamètre du<br />

tronc, son contact avec le sol et l’humidité du sol. Le «volume<br />

d’équilibre» (Ym) peut être estimé par la formule Ym = 100R/k (R =<br />

taux de recrutement en m 3 /an ; k = taux de décomposition en %/an).<br />

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