Forêts à caractère naturel
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La naturalité : utopie ou panacée écologique ?<br />
différentes communautés spontanées aura une naturalité plus forte<br />
qu’une forêt fragmentée où alterneraient boisements, prairies et<br />
cultures ;<br />
• niveau structurel : la naturalité d’une forêt peut également être<br />
appréhendée <strong>à</strong> travers l’organisation spatiale des strates (structure<br />
verticale) et des phases sylvigénétiques (structure horizontale), <strong>à</strong><br />
travers la dynamique spatio-temporelle de ces phases, <strong>à</strong> travers<br />
l’abondance du bois mort, etc.<br />
Comme nous l’avons vu plus haut (§ 3.1), le degré de naturalité<br />
d’une forêt doit être évalué en mesurant l’écart (ou les différences)<br />
existant entre sa naturalité actuelle et sa naturalité potentielle<br />
maximale.<br />
Les approches seront différentes selon que l’on se sert des<br />
informations du passé, du présent ou des projections du futur pour<br />
estimer la naturalité potentielle maximale. En simplifiant, la<br />
paléoécologie nous aide <strong>à</strong> déterminer la naturalité potentielle<br />
maximale en fonction d’un état du passé, les approches<br />
synchroniques, diachroniques et les catalogues des stations<br />
forestières en fonction de l’état actuel de sites de référence, les<br />
modélisations en fonction d’un état futur simulé (§ 3.1).<br />
3.4.1 La paléoécologie<br />
Diverses sciences visent <strong>à</strong> décrire notre environnement passé.<br />
Elles nous permettent notamment de retracer l’évolution de nos<br />
paysages au cours de l’Holocène (depuis la fin des dernières<br />
glaciations) et de déterminer quelles ont été les étapes les plus<br />
importantes de cette évolution, qu’il s’agisse d’événement<br />
climatiques, biologiques (colonisation des espèces) ou anthropique*<br />
(premiers défrichements, introduction d’espèces…).<br />
LA PALYNOLOGIE (étude des pollens) est sans doute la plus connue de<br />
ces disciplines : une des plus anciennes et des plus précises (tant au<br />
niveau des espèces décrites que de la période couverte). Elle est<br />
malheureusement limitée aux espèces végétales et sa précision<br />
spatiale dépend des espèces (certains pollens sont transportés sur<br />
de longues distances, d’autres, trop lourds, ne migrent presque pas).<br />
L’ÉTUDE DES MACRO-RESTES, souvent associée <strong>à</strong> la palynologie, comble<br />
certaines de ces lacunes. En étudiant les fragments de feuilles,<br />
d’aiguilles, de graines ou même d’animaux, elle complète le spectre<br />
des espèces étudiées et donne une image plus fidèle des conditions<br />
locales (les macro-restes étant rarement transportés sur de longues<br />
distances).<br />
LA PÉDO-ANTHRACOLOGIE est l’étude des charbons. Qu’il s’agisse<br />
d’incendies <strong>naturel</strong>s (foudre) ou anthropique* (défrichement,<br />
charbonniers), les feux produisent des charbons très résistants <strong>à</strong><br />
l’oxydation (et très faciles <strong>à</strong> dater) qui peuvent être conservés dans la<br />
majorité des sols. Leur étude permet de retracer la présence des<br />
espèces ligneuses d’un site <strong>à</strong> travers le temps ainsi que la limite<br />
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Accroissement du diamètre d’un frêne de la Réserve<br />
<strong>naturel</strong>le de Valbois 106 . A chaque nouvelle coupe du taillis<br />
(tous les 15 ans en moyenne), le frêne est mis en lumière<br />
et son accroissement annuel augmente brutalement. On<br />
constate que la forêt a été exploitée en taillis sous futaie<br />
(le frêne faisant partie de la futaie) du milieu du 19 e siècle<br />
au début du 20 e siècle. L’exploitation de cette forêt a<br />
cessée en 1910.<br />
La naturalité : utopie ou panacée écologique ?<br />
altitudinale <strong>naturel</strong>le des forêts 29-31 . La stratification des charbons d’un<br />
sol (mélangés par les invertébrés) n’est malheureusement pas<br />
chronologique et il est donc nécessaire de dater un grand nombre de<br />
fragments pour obtenir une image précise de la dynamique forestière<br />
(méthode coûteuse).<br />
LA DENDROCHRONOLOGIE est l’étude des cernes de croissance des<br />
arbres. Surtout utilisée par les climatologues pour retracer (en<br />
analysant les variations de croissance des cernes) les variations<br />
climatiques du passé, cette technique permet également de<br />
reconstituer certaines variables de l’environnement immédiat d’un<br />
arbre.<br />
8<br />
7<br />
6<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
1<br />
Accroissement annuel du diamètre en mm<br />
(moyenne mobile sur trois ans)<br />
1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990<br />
L’ARCHÉOLOGIE nous apporte également de précieux<br />
renseignements. En plus des données sur le cadre de vie de nos<br />
ancêtres (charbons de bois et fragments d’os indiquent la présence<br />
de certaines espèces), les fouilles permettent de dater le passage<br />
d’une civilisation de chasseurs – cueilleurs <strong>à</strong> celle plus sédentaire de<br />
cultivateurs – éleveurs. C’est cette transition qui marque le début des<br />
perturbations anthropiques*, de la «domestication» de la nature.<br />
LES ÉCRITS ne doivent pas être négligés pour évaluer l’évolution<br />
récente (depuis le Moyen Âge) d’une forêt. Les glands, branches,<br />
champignons, baies, fournissaient alors d’importants revenus et leur<br />
exploitation était réglementée et consignée. Les études historiques 62 ,<br />
sont donc très intéressantes pour appréhender l’évolution récente et<br />
ainsi la naturalité d’un site.<br />
Quelle que soit la discipline mise en œuvre, c’est l’étude de<br />
l’évolution «récente» (quelques siècles <strong>à</strong> quelques millénaires) de la<br />
couverture végétale qui fournit au gestionnaire les informations les<br />
plus précieuses pour évaluer la naturalité de sa forêt. Il est certes<br />
intéressant de connaître les types forestiers ayant succédé <strong>à</strong> la<br />
Toundra du tardiglaciaire mais ces changements <strong>à</strong> long terme n’ayant<br />
rien <strong>à</strong> voir avec l’action de l’Homme (et donc la naturalité), elles ne<br />
nous informent que sur les changements climatiques ou l’arrivée<br />
successive des différentes espèces. L’étude de l’histoire récente de<br />
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