Forêts à caractère naturel
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Qu’est-ce qu’une forêt <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong><br />
La France abritait en 1999 (année du dernier inventaire européen)<br />
13% des réserves forestières intégrales européennes et une<br />
proportion équivalente des réserves intégrales de plus de 50 ha. Le<br />
nombre de sites français abritant des forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> est en<br />
réalité beaucoup plus élevé mais seules les réserves forestières<br />
(Réserves <strong>naturel</strong>les et Réserves biologiques intégrales) dans<br />
lesquels l’exploitation est clairement interdite (par le décret de<br />
création) ont été prises en compte dans ce bilan. La France se<br />
distingue de l’Allemagne et de l’Autriche par un nombre inférieur de<br />
réserves intégrales. Contrairement <strong>à</strong> la Finlande, la Grèce, l’Italie et la<br />
Suède, elle ne possède pas de réserve intégrale de plus de 1000 ha<br />
(15 en Europe).<br />
2.3.5 Des espèces en danger<br />
Puisque les forêts couvraient jadis l’essentiel du continent<br />
européen, il n’est pas surprenant de constater que la majorité des<br />
espèces animales et végétales européennes (plusieurs dizaines de<br />
milliers) ont des affinités pour ce milieu. Même si certaines peuvent<br />
paraître banales, nombre d’entre elles n’existent qu’en Europe et leur<br />
conservation est donc l’une des principales missions des<br />
gestionnaires de réserves forestières.<br />
Les tarpans et autres aurochs ont depuis longtemps disparus (aux<br />
17 et 18e siècles). Les «petites espèces», dont de nombreuses sont<br />
aujourd’hui au bord de l’extinction, ne parviennent pas <strong>à</strong> attirer<br />
l’attention et <strong>à</strong> recueillir le soutien de l’opinion publique. Ce sont donc<br />
les ours, lynx, bisons d’Europe, grand tétras, cigognes noires et<br />
autres vertébrés qui sont aujourd’hui les portes drapeaux de la<br />
protection des forêts en Europe. Mais bien que ces espèces<br />
emblématiques soient souvent indicatrices d’une nature riche et<br />
préservée, les véritables enjeux en terme de biodiversité sont plus<br />
larges. Selon les pays, 20-50% des mammifères et 15-40% des<br />
oiseaux forestiers sont aujourd’hui menacés en Europe et des valeurs<br />
supérieures ou égales sont rapportées pour les mousses, lichens,<br />
plantes <strong>à</strong> fleurs et invertébrés.<br />
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Le grand tétras est l’une des espèces emblématiques des<br />
forêts françaises<br />
(Photo : Réserve <strong>naturel</strong>le du Grand Ventron).<br />
Les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> de Bialowieza accueillent<br />
plus de 60 espèces de mammifères, 200 oiseaux,<br />
1000 plantes vasculaires et 10.000 insectes 72<br />
(Photo : Bernard Boisson).<br />
Les forêts <strong>à</strong> <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> d’Europe n’ont pas la<br />
biodiversité des forêts primaires tropicales (ici au Costa<br />
Rica) mais sont pourtant, dans le contexte<br />
biogéographique qui est le leur, tout aussi remarquables<br />
(Photo : Olivier Gilg).<br />
Le degré de naturalité est un gradient<br />
La naturalité :<br />
utopie ou panacée écologique ?<br />
«Naturalité» est un néologisme employé par un nombre<br />
croissant de gestionnaires d’espaces <strong>naturel</strong>s. Ce terme traduit<br />
l’impact de l’homme sur le milieu : une forêt primaire a une forte<br />
naturalité, une forêt exploitée une naturalité plus faible. S’il est<br />
tant plébiscité aujourd’hui par les gestionnaires, c’est que ce<br />
concept s’avère être particulièrement pratique :<br />
• il permet de mesurer le degré de conservation (ou de<br />
perturbation) d’un milieu <strong>naturel</strong> le long d’un gradient (degré<br />
de naturalité) ;<br />
• une naturalité élevée est dans bien des cas (par ex. pour les<br />
saproxyliques*) synonyme de biodiversité élevée et de<br />
présence d’espèces remarquables.<br />
3.1. La naturalité ou l’impact<br />
de l’Homme sur les forêts<br />
Le concept de naturalité naît d’une idée simple mais trop souvent<br />
implicite dans les ouvrages qui y font référence. L’intérêt croissant<br />
des gestionnaires d’espaces protégés forestiers pour le concept de<br />
naturalité mérite qu’on le définisse plus clairement. Les<br />
incompréhensions entre les différents acteurs forestiers sont un frein<br />
<strong>à</strong> la mise en place de mesures de gestion visant <strong>à</strong> augmenter la<br />
naturalité, mesures qui n’impliquent pourtant pas nécessairement<br />
l’arrêt de toute exploitation.<br />
Dans les dictionnaires, «<strong>naturel</strong>» caractérise ce qui est «relatif <strong>à</strong><br />
l’univers, <strong>à</strong> ses lois», qui est «produit par le monde physique, sans<br />
intervention humaine», «qui n’est pas artificiel» (artificiel étant<br />
«produit par l’homme, son travail, ses techniques»). La «naturalité»<br />
(naturalness en anglais) se rapporte ainsi au <strong>caractère</strong> <strong>naturel</strong> ou<br />
artificiel d’un objet, d’une espèce, d’un écosystème, d’un<br />
fonctionnement, etc.<br />
La naturalité doit être perçue comme un gradient allant du moins<br />
<strong>naturel</strong> au plus <strong>naturel</strong> (et vice versa) et non comme une notion<br />
binaire ou le <strong>naturel</strong> est opposé <strong>à</strong> l’artificiel. C’est l<strong>à</strong> la principale<br />
source d’incompréhension entre «conservateurs» et «sylviculteurs»,<br />
les seconds reprochant aux premiers de vouloir restaurer une nature<br />
vierge d’où l’Homme serait exclu, vision utopiste par excellence 109 . Il<br />
Route Culture Prairie Forêt exploitée Forêt <strong>naturel</strong>le<br />
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