Texte complet - Université de Liège

Introduction au système de nomination des serpents en grec ancien
au conquérant macédonien (voir ci-dessus,
3.3.1.2) n’a, jusqu’ici, suscité que des réflexions
concises 218 où l’accent a souvent été mis sur
les aspects « tératologiques » 219 . Le fait est que
des êtres étranges sont de la cohorte qui, par
vagues successives, est censée avoir attaqué le
camp en venant s’abreuver dans son voisinage
immédiat 220 . Pour ce qui est des animaux, il ne
s’y trouve pas a priori d’intrus tels que les hippopotames
rencontrés peu auparavant 221 . Mais
certains autres zoonymes font songer à la faune
africaine (Schneider 2004 : 347) mêlée, avant
comme après Alexandre, à celle de l’Inde dans
les récits sur ce pays.
La source des informations qui ont fait appliquer
ammodutai et kerastai à des serpents d’Asie centrale
est inconnue. Que le responsable des deux
ophionymes ait agi ou non par volonté expresse
de transposition, son choix démontre un savoir
sur deux sortes (moderne : espèces) de l’herpétofaune
de la région aussi limpide que celui
acquis, à la faveur de l’expédition 222 , touchant
le réseau hydrographique (Bosworth 1993 : 411
« crystal clear »).
Les « immergeurs-du-sable » de l’arc irano-pakistanais
se nomment aujourd’hui Eristicophis
macmahonii Alcock & Finn, 1897, l’Éristicophide
de Macmahon (p. 114 : Fig. 6). Chez
cette vipère, qui n’a pas de cornes, est surtout
nocturne et réagit avec agressivité 223 , « every
218. Merkelbach & Trumpf 1977 : 56-57, 66 ; Gunderson 1980 :
53-54. Voir Karttunen 1997 : 8 (sur les raisons qui l’ont amené à
n’utiliser que rarement la Lettre). Sur la version latine, cf. André &
Filliozat 1986 : 389-390, n. 324-327, pour qui (p. 389, n. 324)
« Tout est fantastique. »
219. Merkelbach & Trumpf 1977 : 66 ; Gunderson 1980 : 90,
102. Cf. Ausfeld 1907 : 181-182.
220. Sur la représentation de la faune des confins, voir Li Causi 2003 ;
Schneider 2004 : 145-194 (omission des vipères indiennes).
221. [Callisthène], Historia Alexandri Magni, III, 17, 14
(Kroll 1926 : 108, l. 17).
222. Sur les enjeux naturalistes de la conquête, Bodson 1991.
223. David & Ineich 1999 : 321 ; Mallow et al. 2003 : 190-191 ;
cf. 189-190 et pl. 9, 1 (sans cornes, moins d’un mètre de long, mâles
de 22 à 40 cm, femelles de 28 à 72 cm, couleur rougeâtre à brun
jaunâtre par homochromie avec le substrat [comparer ci-dessus
(p. 100), 2.3.2.2.1, tableau 4 : « 1. Morphologie, couleurs »], unie
scale is designed for sand burrowing » (Mallow
et al. 2003 : 190). Elle vit dans le désert aride
d’Iran oriental, Afghanistan, Balouchistan, Pakistan
224 .
Quant aux « cornus » (kerastai), ils appartiennent
à l’espèce Pseudocerastes persicus (Duméril,
Bibron & Duméril, 1854), le Pseudocéraste
de Perse, des déserts de pierrailles et de
sable d’Iran (est, centre et sud), Afghanistan et
Pakistan 225 , chez qui les « cornes » sont toujours
présentes et qui, de même que P. fieldi (Fig. 4),
ne s’immerge pas dans le sable.
3.3.3.1.3. Philouménos, De venenatis animalibus,
22 (Wellmann 1908 : 28-29)
Philouménos est le seul auteur (avec Aétios
d’Amida ; voir ci-dessus, 3.3.1.2) à décrire
l’ammodutēs. Le verbe diaschizesthai (premier
sens attesté « être déchiré, se déchirer 226 ») par
lequel il caractérise l’extrémité de la queue de
l’« immergeur-du-sable » diffère de la formulation
habituelle pour signifier que le corps d’un
serpent « épais (en son milieu) s’effile progressivement
en direction de la queue » 227 , quelle
que soit la longueur de celle-ci. Les sondages
opérés parmi les occurrences du verbe simple
ou marquée de taches dorso-latérales foncées et bordées en partie
ou complètement d’écailles blanches, marquage blanc latéral à la
tête) ; Herpetomania 2006, s. v. « Eristicophis macmahonii » : un
cliché par D. Jablonski ; Phelps 2010 : 401-404 et fig. 427-429 ;
Warrell 2010 : 530.
224. Mallow et al. 2003 : 190 (aussi « India, Rajasthan Desert ») ;
Phelps 2010 : 402-403, carte n° 62 ; (21/09/10).
225. Références ci-dessus, 2.3.2.2.1, n. 156.
226. Homère, Iliade, XVI, 316 (rupture des tendons de la
jambe) ; Odyssée, IX, 71 (lacération des voiles des navires d’Ulysse
et ses compagnons par une tempête) ; cf. Oppien d’Apamée,
K, II, 277 (mise en pièces des serpents des déserts de sable par
l’elaphos de Libua). Étymologie : Chantraine 1999 : 1081-1082 ;
Beekes 2010 : 1437-1438.
227. Voir, par exemple, Philouménos, De ven. anim., 20 (dipsas),
1 (Wellmann 1908a : 26, l. 16) ; 23 (vipère sēps), 1 (Wellmann
1908a : 29, l. 22 ; cf. Bodson 2009 : 76-77) ; 26 (kenchrinēs), 1
(Wellmann 1908a : 32, l. 5-6 ; voir ci-dessus, 3.3.1.2, n. 198).
Comparer Nicandre, Ther., 220 : kolobos « (littéralement) amputé,
mutilé » qualifiant la queue de vipères asiatiques.
ANTHROPOZOOLOGICA • 2012 • 47. 1. 113